Les bains russes (banyas), un rituel de soin ancestral
Héritage des chamans de Sibérie
Pour les non-initiés, le bain russe a quelque chose d’assez bizarre, pour ne pas dire masochiste. Bain de vapeur et bain glacé. Flagellations avec des branches de bois. Tout cela dans un ordre incertain. La première impression déroute et fait sourire. Même dans le domaine du bien-être, les Russes se distinguent par leur caractère « rude ». Et pourtant, cette idée reçue est comme toutes ses sœurs, aussi commune que fausse.
Le bain russe, appelé aussi banya, est apparu il y a 4000 ans en Sibérie sous l’impulsion des chamans. Son but est à visée holistique, puisqu’il s’agit d’aussi bien laver son corps que son esprit. C’est un moment de purification, de lâcher-prise, de régénérescence et de paix intérieure favorables à l’ouverture d’esprit, au discernement et à la prise de conscience. Ce soin complet fera dire aux Russes que « se laver, c’est comme naître à nouveau », ce qui vaudra au banya le surnom de « seconde mère ».
Le banya n’est donc pas qu’un simple loisir ou plaisir, c’est une pratique qui comporte sa part de sacré et concerne tout le monde, quelle que soit sa classe sociale. Tous les évènements importants de la vie (naissance, mariage, convalescence) sont marqués par un passage au banya qui se décompose en 4 temps.
Les 4 moments du banya
Le temps de la sudation
On entre dans une pièce remplie de vapeur chaude, conçue à partir d’eau chaude aspergée sur un poêle en brique ou métal. On s’y détend pendant 20-30min.
Le temps de la flagellation avec le bouquet de feuilles (appelé venik) imprégné d’eau
C’est là où on rentre dans le folklore. Cependant, la flagellation n’est pas censée faire souffrir. Si on se le fait soi-même, on commence doucement avec des caresses de venik sur tout le long du corps, pour ensuite se flageller avec plus de vigueur. Juste ce qu’il faut pour ne pas se faire mal.
Cette méthode n’a rien d’anodin. Se (faire) fouetter au venik permet de se faire un massage à la fois unique et efficace pour intensifier la circulation sanguine et provoquer une transpiration plus abondante dans le but d’éliminer toujours plus de toxines.
Le temps de la douche froide
L’alternance chaud-froid stimule la circulation sanguine. Une pratique commune que l’on retrouve dans d’autres cultures avec les bains romains, japonais ou turcs.
Le temps de l’hydratation.
Parce qu’on a beaucoup sué et perdu beaucoup d’eau, il est important de la récupérer. L’idéal est une tisane à base de plantes médicinales. Le temps de boire est aussi celui du temps de repos productif, puisqu’il permet d’amplifier l’effet relaxant du bain.
Le 4eme moment se déroule après avoir répété les trois premiers deux ou trois fois de suite. Cependant, si vous avez soif avant, vous vous hydratez naturellement. Quoiqu’on fasse, il faut toujours se référer à son bon sens.
Les bienfaits du banya
La peau
Sous l’effet de la vapeur et de la chaleur, les pores de la peau s’ouvrent, se dilatent et la transpiration se fait abondante. La peau relâche les sels inorganiques, l’urée, l’excès de graisse du corps et les toxines diverses.
Le système respiratoire
Pour un nettoyage en profondeur des poumons et bronches, rien de mieux qu’un banya. Ces organes sont libérés de l’excès de mucus, consomment plus d’oxygène et la respiration devient plus propre et plus facile.
Les organes digestifs
Le banya normalise le travail de tous les organes digestifs, en augmentant le flux sanguin et les processus métaboliques. Pour stimuler le travail des intestins, améliorer la digestion, régulariser les selles, stimuler ou apaiser l’estomac, le banya est efficace.
Le système urogénital
Ce système comprend les organes urinaires et génitaux qui vont être stimulés sous l’effet de la transpiration excessive. Cela aura pour conséquence de stimuler et de nettoyer les reins, en plus de vous faire rendre plus souvent aux commodités.
Les muscles et les os
Enfin, pour les muscles et le os, le banya apporte encore une fois beaucoup de bénéfices. Par la stimulation de la circulation sanguine, les processus de régénération du tissu osseux s’activent, pouvant les soigner ou les réparer. Cela permet également d’empêcher le développement de l’arthrose et de rendre leur souplesse aux membres et vertèbres.
Le secret du soin des bains russes, c’est leur capacité à créer une circulation sanguine suffisamment forte et efficace pour soulager, réparer, soigner.
Ne vivant pas en Russie, il est assez difficile de se rendre dans un banya. Les adresses sont peu nombreuses et leur prix plus que salé.
Toutefois, il existe des alternatives pour profiter des bienfaits du banya chez soi.
Profiter des bienfaits du banya à la maison
Faire un banya maison en utilisant sa douche ou sa baignoire
Deux procédés sont possibles pour une douche-banya :
Utiliser un bouquet de feuillages sous une bonne douche chaude, en complétant par un passage à la douche froide.
Après une douche chaude, utiliser un onguent à base de miel (en fin de partie, nous nous arrêterons un instant sur ses bienfaits) et de sel de Sibérie pour un gommage de la peau, et se rincer à l’eau froide (puis revenir éventuellement à l’eau chaude, selon sa tolérance à l’exercice).
Si on adore les vrais bains, il est possible de bénéficier des mêmes effets d’un banya tout en se faisant plaisir. Il s’agira de mettre dans son bain des sels d’Epsom ou un traitement à base de térébenthine inventé par le médecin, explorateur et philosophe russe, Alexandre Salmanoff.
La térébenthine, c’est le principal élément des huiles essentielles de pin. En pénétrant dans la peau, elle vient stimuler la circulation sanguine dans tout notre organisme permettant de dilater les capillaires et vaisseaux sanguins.
Si vous choisissez l’option bain, retenez le bon process à suivre :
Faites couler de l’eau chaude (à 36 degrés environ) et ajoutez votre produit.
Rentrez dans le bain et augmentez la chaleur jusqu’à 40 degrés si possible.
Détendez-vous pour un maximum de 15-20 minutes.
Si vous choisissez, en revanche, la première option avec le venik sous la douche. Il y a quelques détails à connaître.
L’art du venik
Le bouquet de brassés de feuillages est appelé un venik. Leurs branches et feuilles viennent du chêne, bouleau et tilleul principalement. Pourquoi ces arbres ? Premièrement parce que ce sont ceux que l’on retrouve dans la flore. Et puis, parce que chacun d’eux possède des propriétés curatives (actions anti-inflammatoire entre autres), dont on peut également profiter avec des tisanes de leurs feuilles.
C’est un véritable art que celui de choisir sa composition de venik. Il faut d’abord veiller au bon timing. On ne sort pas récolter des branches de bon matin. La rosée aura mouillé les feuilles, ce qui les rendra plus cornues, sombres et fragiles : elles tomberont alors facilement de leur branche si on les secoue un peu trop. Traditionnellement, les feuillages sont cueillis au début de l’été et mis à sécher.
Il est également important de prendre en compte les essences, la longueur et le poids des bouquets. Il ne faut pas que cela soit trop lourd à porter.
Avant de sécher, les branches doivent être nettoyées et attachées comme un petit bouquet de fleurs. Pour que votre venik soit agréable au contact, faites attention de placer les branches les plus épaisses au centre du bouquet, et les branches plus minces sur les bords. On enveloppe ensuite les feuilles d’un chiffon doux que l’on range ensuite dans un endroit bien ventilé. Dernière contrainte, les feuilles devront être retournées tous les jours.
Pour que votre venik soit totalement prêt au moment voulu, versez de l’eau tiède dans une cuvette en métal, et faites tremper votre venik pendant 15min, le temps qu’ils soit bien imbibé d’eau. Alors seulement votre bouquet peut servir de fouet.
Ceci étant dit, le venik demande de l’espace, du temps et une certaine connaissance d’herboristerie. L’alternative la plus intéressante pour se consoler du venik est le miel.
Les soins au miel
L’or en aliment
Au même titre que le banya, le miel est également un remède vieux de milliers d’années connu des chamans sibériens ainsi que des médecins égyptiens et tibétains. Véritable partenaire beauté et santé (les deux allant souvent de pair), le miel a tout pour plaire. C’est un puissant anti-inflammatoire en plus d’être un antibactérien et antioxydant.
Il contribue ainsi activement au nettoyage de la peau en profondeur, en éliminant les toxines et l’excès d’humidité stockés dans le corps. Son action est d’autant plus efficace, qu’elle est stimulée par la chaleur du banya. Les pores de la peau sont complétement ouverts, permettant de rejeter des toxines mais également d’incorporer des produits comme le miel.
Les vertus du miel peuvent être absorbés de différentes façons : massage, inhalation de vapeur de miel ou tout simplement du miel dissous dans de l’eau chaude.
Pour un soin plus en profondeur, en voilà deux autres.
Comment utiliser le miel ?
Une friction au miel
Après une bonne grosse douche chaude, qui laisse beaucoup de vapeur, frottez votre corps avec du miel. Pause détente pendant 7 à 10 minutes afin que les toxines aient le temps de sortir. Puis, rincez-vous, sans qu’il soit nécessaire d’utiliser du savon. Le miel nettoie et adoucit la peau naturellement.
Un massage au miel
Après un bain chaud et une douche chaude, appliquez du miel sur tout le corps, sans avoir besoin de frotter. Puis pratiquez des pressions avec la main sur la peau en la retirant promptement après chaque pression. Partez du bas vers le haut.
Au bout de quelques instants, vos mains se couvriront de couche grise, ce sont les toxines accumulées et sorties de votre corps. Le massage dure 10-15min, suivi d’une douche pour se débarrasser des restes de miel et d’un temps de repos-détente de 30min.
Enfin, il y a intérêt à préciser qu’il n’existe pas un miel, mais des miels. Et chacun possède sa propre identité et ses propres qualités. Quelques exemples :
Le miel de sapin, riche en oligoéléments, est un antianémique, antiseptique et diurétique.
Le miel de romarin, également riche en oligoéléments est particulièrement intéressant pour les insuffisances cardiaques, digestives et vésiculaires.
Il y a aussi le miel de châtaignier est un cicatrisant naturel et un boosteur de flux sanguin.
Le miel de thym, riche en cuivre et en bore est un antispasmodique et antiseptique. Il apaise quand on a besoin de se détendre et stimule en cas de coup de fatigue.
Le miel de sarrasin. Spécialité bretonne, il est réputé pour lutter contre l’anémie et la déminéralisation. Il est donc plus que conseillé en cas de problèmes osseux.
Naturellement, il est plus qu’important d’utiliser un miel bio pour un soin de qualité.
Sur cette dernière évidence, il n’y a plus qu’à se dire « da svidania ! ».
Source : Jenny G. Chevallier & Nadia Neupokoeva, « Banya. Les secrets des bains russes », éditions Chariot d’Or, 2020
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