Ainsi, nous touchons du doigt la possibilité de rallonger considérablement notre santé et longévité, ainsi que celle de soulager la souffrance physique sans recourir aux médicaments .
Si la prouesse technique a toujours été la force de la médecine occidentale, sa faiblesse réside dans une vision compartimentée du corps humain. Une vision dont elle se détache au fil des études, à l’instar de celles menées sur l’anorexie mentale.
L’anorexie est aujourd’hui traitée à coup d’antidépresseurs, de psychothérapies et de séjours (in)hospitaliers. Un soin très lacunaire, voire contre-productif.
Mais tout pourrait bientôt changer grâce à de récentes études relatant le rôle clé du microbiote intestinal dans l’origine de certaines anorexies.
Nous insistons ici sur le terme de « certaines », car il existe finalement de multiples formes d’anorexies.
Par exemple, pour Camille Cellier, ancienne anorexique, la guérison a été rendue possible grâce à une totale reconfiguration de son monde intérieur en s’appuyant sur l’écriture, la lecture et les films. L’origine de cette anorexie était donc mentale.
Pour une autre rescapée du nom de Maud Gabriel atteinte d’anorexie mentale restrictive, la guérison s’est opérée à travers un changement de régime alimentaire. L’origine de la maladie était intestinale.
Devenue naturopathe et micronutritionniste, Maud Gabriel délivre son témoignage dans un ouvrage « Parle à mon ventre, ma tête est malade » (Grancher, 2022), coécrit avec Jacques Dimitri, journaliste scientifique et psychonutritionniste, qui nous éclaire sur les récentes études scientifiques démontrant le lien entre le cerveau et le microbiote, et comment ce dernier peut être à l’origine de l’anorexie, ainsi que d’autres maladies mentales comme l’autisme.
Quelle est l’influence du microbiote sur le cerveau?
Le microbiote désigne la population de microbes composée de bactéries, virus et autres spécimens microscopiques, qui ont élu domicile dans notre intestin à naissance.
Ce microbiote joue sur le fonctionnement de notre cerveau en étant capable de produire des neuromédiateurs centraux comme la sérotonine, la dopamine, le GABA ou encore la noradrénaline.
Au-delà de ces connexions qui ne sont plus à démontrer et ont érigé le ventre en « second cerveau », de multiples études démontrent les influences évidentes du microbiote sur le cerveau.
Certaines sont de l’ordre de l’incroyable :
En 2017, une étude de l'université d'Arizona démontre qu’après une transplantation d’un microbiote fécal riche en diversité chez des enfants autistes, 80% de leurs symptômes gastro-intestinaux (transit, douleur, digestion, etc.) et comportementaux (hyperactivité, problème de langage, comportemental et d’interaction sociale) s’étaient améliorés, et continuaient de l’être deux mois après le traitement.
En 2019, une autre étude consolide la première. 83 % des enfants participants étaient évalués en autismes sévères reçurent un « complément » de microbiote. Deux ans après le traitement, seuls 17 % des enfants continuèrent à présenter un autisme sévère, tous les autres ont vu leurs symptômes durablement allégés.
Pour ce qui est de l’anorexie mentale, une étude japonaise de 2021 a démontré que le mal provient directement d’un microbiote mal au point. En transférant sur des souris saines (donc voraces comme tous les animaux) le microbiote de personnes atteintes d’anorexie, les souris ont rapidement perdu de l’appétit, du poids et développé un comportement anxieux.
Ces quelques exemples appartiennent à une panoplie impressionnante d’études dont les résultats convergent toutes dans le même sens : l’influence du ventre sur le cerveau est conséquente, et beaucoup de nos maladies mentales trouveraient leur origine dans notre ventre.
Comment les troubles digestifs perturbent le cerveau?
Les bactéries produisent une grande partie des neurotransmetteurs et des hormones (80 % de la sérotonine et 50% de la dopamine) qui régulent notre humeur, notre appétit, notre sommeil, notre gestion du stress etc.
Tout se passe bien tant que le microbiote intestinal est équilibré. Mais quand il y a un déséquilibre, on entre dans une dysbiose, ce qui vient perturber la production hormonale et impacter directement le bon fonctionnement cérébral.
De plus, quand les troubles digestifs sont très importants, le système immunitaire (gouverné a ¾ par le microbiote) réagit vivement en libérant une grande quantité de cytokines pro-inflammatoires qui s’introduisent dans tous l’organisme, dont le cerveau.
Ainsi, plus les troubles digestifs sont graves, plus le cerveau est secoué.
Dans le cas de Maud Gabriel, deux grands coupables sont venus lui broyer les intestins et le cerveau : le gluten et le lactose.
Le gluten
L’intolérance au gluten appelée aussi maladie cœliaque, est une maladie auto-immune où le système immunitaire attaque la muqueuse intestinale, provoquant des troubles digestifs potentiellement accompagnés de troubles mentaux.
Une vaste étude issue de l'université du Colorado portant sur des données recueillies auprès de 18 000 femmes cœliaques et 89 000 femmes non-cœliaques entre 1987 et 2009, ont démontré que les premières avaient 46 % de risque en plus de basculer dans l’anorexie mentale. Quand la maladie est détectée avant l’âge de 19 ans, le risque est 4,5 supérieur à la moyenne.
Le lactose
Certaines personnes ne produisent pas ou trop peu de lactase, une enzyme qui permet de digérer le lactose. Ce lactose va alors fermenter dans l'intestin, entraînant des troubles digestifs plus ou moins importants selon la quantité ingérée et la présence de lactase.
Pour sortir de l’anorexie, Maud Gabriel a donc revu son régime alimentaire.
Quel régime alimentaire peut soigner l'anorexie?
Dans le cas de Maud Gabriel, la première étape consiste naturellement à faire une croix sur le gluten et les produits laitiers. Puis, à nettoyer, détoxifier et reconstruire un microbiote sain.
Cela passe par plusieurs étapes :
Stopper l’inflammation et réparer la muqueuse intestinale grâce à une cure de glutamine (acide aminé qui booste le renouvellement des cellules) et de curcuminoïde (un actif du curcuma dont l’atout principal est de virer les bactéries nuisibles).
Assainir les lieux en détoxifiant le foie et le microbiote
Adopter un régime alimentaire pertinent. Pour Maud Gabriel, ce fut le régime cétogène (pas de sucre, des glucides, des protéines et surtout beaucoup de lipides).
Il est important de signaler qu’une alimentation adaptée à sa santé n’est jamais générique. Ou pour le dire autrement, il n’existe pas de bon ou de mauvais aliment pour tout le monde.
On constate évidemment des redondances. Le régime méditerranéen, par exemple, ne fera jamais de mal à personne. Comme le sucre ne fera jamais de bien à personne. Toutefois, une bonne alimentation pour soi est toujours du sur-mesure.
Dans tous les cas, si vous vous trouvez avec des troubles digestifs, il est impératif de consulter un professionnel. A défaut d’être dangereux, le principal risque de l’automédication est d’être totalement inefficace, souvent en raison d’une mauvaise appréciation de la durée de traitement. Beaucoup se lancent dans une cure de glutamine et l’arrêtent prématurément. Or « retaper » un microbiote fatigué peut prendre des mois, et même des années. Être accompagné d’un professionnel est donc non négociable.
Enfin n’oubliez pas d’être heureux.
S’il est juste que notre microbiote influence notre état d’esprit, la réciproque est également vraie !
Source : Maud Gabriel & Dimitri Jacques, « Parle à mon ventre, ma tête est malade », éditions Grancher, 2022
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