Tous les romantiques, poètes et rêveurs s’accordent à penser qu’il n’y a rien de tel que la science pour briser la magie de ce monde. En matière d’amour, par exemple, les biologistes ont pu déterminer que son existence reposait sur un processus chimique de trois ans. Le temps nécessaire pour faire un enfant et le sécuriser jusqu’à un minimum d’autonomie. Ensuite la chimie s’évapore et l’attirance et l’excitation laissent place à l’ennui.
Doit-on en déduire que les couples qui durent, et éprouvent toujours du désir l’un pour l’autre pendant 10, 20, 30 ans ont le cerveau en panne ? Pas vraiment selon Camille Rochet, psychologue et thérapeute de couple, qui remet les pendules à l’heure sur cette question dans son dernier ouvrage : « L’amour commence après trois ans ».
Pour l’auteure, nous avons confondu amour et attractivité, or ce sont deux états différents. La flamme du désir est la première étape, la condition nécessaire pour débuter un couple, mais elle est insuffisante pour assurer sa pérennité.
Qu’est-ce que l’amour vrai ?
«: justify;”>L’amour, le vrai, fait donc appel à notre liberté mais il nous amène aussi à devenir sage et vraiment épanoui. Car ce sont dans les relations amoureuses que réapparaissent nos blessures affectives et que nous pouvons entamer un travail d’identification de nos réels besoins et désirs.
Pour qu’une relation de couple soit durable et heureuse, le passage obligé est de grandir en conscience. Au quotidien, c’est ce que la vie de couple sur la (longue) durée nous invite à faire à travers les conflits et les autres obstacles propices à notre époque.
Les conflits insolubles
La première cause de rupture
Très souvent, on rencontre des couples qui rompent après s’être aperçu qu’ils n’ont pas les mêmes idées sur la gestion de l’argent, l’éducation des enfants, s’ils veulent plutôt habiter en ville, banlieue ou campagne. Ces conflits insolubles leur laissent à penser que l’avenir est impossible. Si l’autre ne fonctionne pas comme moi, n’a pas les mêmes codes et visions, l’échec est assuré.
« La phase la plus difficile à passer, et qui est fondatrice, se situe au moment de la transition entre la période de lune de miel et l’arrivée des conflits insolubles. C’est à ce moment que de nombreux couples n’arrivent pas à négocier le virage. C’est pourtant à cette étape qu’un couple devient mature et adulte. Il sort de la fusion enfantine pour entrer dans l’union et l’autonomie »
Plutôt que de rester camper sur ses positions en étant persuadé qu’il faille briser la relation amoureuse, négocier le virage signifie faire preuve d’imagination pour respecter les points de vue et libertés de chacun.
Petit exemple : Louise vient d’une famille qui a connu de gros soucis financiers. C’est devenu une sempiternelle inquiète qui économise pour se sentir en sécurité. Martin, son conjoint, vient d’une famille d’artistes bohèmes aisés qui lui ont appris à profiter de la vie tant que c’est possible. Seulement le comportement de Martin ne rassure pas Louise. Et Louise agace Martin avec ses peurs de manquer.
Au lieu de se séparer, ils ont décidé d’ouvrir un compte bancaire commun dévolu aux dépenses de la maison où chacun verse une part bien définie et calculée de son salaire. Sur leur compte personnel, ils font ce qu’ils veulent de leur argent : Martin le dépense et Louise l’épargne.
Penser « nous »
Un couple qui dure est un couple créateur, qui dépasse les oppositions pour trouver une troisième voie.
Trouver une troisième voie suppose de penser différemment en sortant de sa propre sphère. Ce n’est plus « je pense qu’il ou elle a un problème » mais « nous avons un problème ».
On sait aujourd’hui que la charge mentale est la première raison qui pousse les femmes à rompre. Elles se sentent écrasées par leurs obligations et reprochent à leurs conjoints de ne pas les soutenir et les aider. Or, les hommes n’ont pas toujours la même vision de ce qui « doit être impérativement fait dans la journée ».
Camille Rochet avait reçu un couple, Laurent et Marie qui se trouvait dans cette situation. Marie faisait tout (gestion des enfants et de la maison) et reprochait à son conjoint son désinvestissement. Il s’avère que Laurent ne comprenait pas pourquoi Marie n’était jamais capable de se poser et de profiter de la vie. Il refusait de vivre le même rythme effréné qu’elle.
Qui a tort ? Qui a raison ? Au lieu de vouloir absolument imposer à l’autre sa vision de la vie, « peut-être devrions nous apprendre de l’autre plutôt que de se décrédibiliser mutuellement ? »: justify;">La problématique des écrans
La bataille de l’espace mental
Les écrans sont connus pour être des tue-l’amour. Une grande panne de courant fait grimper quasi-systématiquement le taux de natalité.
Entre la télévision, les téléphones, les ordinateurs et autres tablettes, les écrans envahissent nos intérieurs, notre mental et volent notre temps. Selon Santé Publique France, nous passons 5h par jour le nez dans un écran.
Outre les conséquences sur notre santé mentale , les écrans impactent aussi la vie amoureuse. Il est courant d’observer dans les restaurants des couples (des jeunes aux seniors) rivés sur leur téléphone sans s’adresser une seule fois la parole.
Quand on se rend compte qu’on suit le même schéma, il faut reconnaitre qu’on est accro, et « savoir remettre en question ce qui est dérisoire mais nous procure du bien. La liberté, c’est se détacher de ce que nous avons érigé en besoin pour avoir accès à un plus grand bien ».
Les dangers du porno
Nous n’avons pas tous la même approche vis-à-vis du porno. Dans certains couples amoureux, il est partagé et participe aux jeux sexuels. Mais quand il est consommé seul, il pose un souci majeur « trop peu connu et pourtant fort répandu », qui est la baisse de désir pour son conjoint.
Quoi de plus normal au fond ? Quand vous avez eu un bon repas copieux, il est difficile de se remettre à table 30min plus tard. Mais surtout, le porno rassemble deux atouts que recherche le striatum , (une structure cérébrale qui influence nos choix et décisions), que sont la sexualité et la préservation de son énergie (faire le moins d’effort possible).
Le porno c’est effectivement rapide, facile avec un large choix capable de satisfaire les désirs ou d’en proposer d’autres. « Entre cette consommation rapide (et souvent brutale par les images) choisie selon son propre désir et une réalité qui prend en compte le conjoint, qui va rechercher le plaisir de l’autre, qui s’adapte au rythme de deux corps, l’écart (et la déception) est grand. » Faire l’amour avec son conjoint devient de moins en moins tentant et une frustration s’installe au sein du couple.
La beauté de l’effort
On a compris que faire durer son couple demande donc beaucoup d’effort. Celui-ci est applaudi quand on le produit à l’école, au travail, dans la compétition sportive, dans l’adoption d’une meilleure hygiène de vie, etc. Mais rarement en amour.
Au contraire même, pour une grande partie de nos contemporains, l’amour cela doit être naturel. Or dès qu’il y a effort, il n’y a plus de naturel. Autant dire que c’est une approche complétement fausse de la réalité, qui condamne à des relations de six mois (ou trois ans maximum).
Pensons l’amour au-delà du couple, n’est-ce pas toujours un effort d’aimer ses enfants, ses parents, ses frères et sœurs ? Il est important de ne pas « confondre plaisir et jouissance immédiate avec bonheur et joie profonde. Les premiers comblent une émotion, une envie passagère (dictée très certainement par leur striatum) quand les seconds fortifient et construisent. »
« Passons de la consommation passive de l’amour à une construction libre et active choisie au quotidien. C’est cela la vraie liberté. C’est ce qu’ont décidé les couples qui réussissent. »
Et pour une construction libre et heureuse souvenez-vous de :
Faire preuve d’imagination et en tant qu’êtres humains nous en avons tous.
Exprimer clairement vos besoins à votre conjoint
Communiquer vos ressentis et vous écouter sans jugement
Faire des pauses à deux sans écrans, sans enfants et sans amis. Mais pas sans joie
Source : Camille Rochet, « L’amour commence après trois ans », éditions InterEditions, 2020
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