Le talent et le savoir-être du talentueux décryptés
Publié le 22/10/2019, mis à jour le 30/10/2024
Connaissance de soi
Le talent et le savoir-être du talentueux décryptés
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Comment définir le talent ?
La marque de fabrique des vainqueurs
En sport, dans les arts ou les entreprises, on reconnait le talent chez celui ou celle dont la performance dans son domaine a atteint son plus haut niveau, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Seuls les plus méritants voient leur talent reconnu grâce à leurs bonnes notes à l’école, leurs médailles, leur popularité, leurs diplômes, leur statut social, leur voiture, etc. En clair, le talent est la marque de fabrique des vainqueurs.
Or, faire du talent une qualité exceptionnelle, c’est se fourvoyer selon Philippe Barel, spécialiste en psychologie du manager, et coach.
Selon lui le talent est aussi démocratique que difficile à certifier. Par exemple, nous reconnaissons le talent d’un musicien ou d’un artiste par les émotions fortes que son œuvre remue en nous.
Le problème, c’est que c’est un jugement extrêmement subjectif. Une musique qui fait pleurer ma voisine peut me laisser de marbre. D’un côté, le talent est reconnu, de l’autre non. Qui a raison ? Comment reconnaitre le talent ?
Les 3 attributs du talent
Philippe Barel il y en a 3 :
L’élégance, ou la beauté du geste
Les talents de Roger Federer et de Lionel Messi sont reconnus pour leur élégance de jeu qui sublime le tennis ou le foot. L’élégance ne se décrète pas, mais elle arrive par la pratique et surtout le plaisir de bien faire.
La créativité
À savoir la capacité d’inventer une nouvelle recette ou une nouvelle composition, comme celle de s’adapter en trouvant des problèmes à des solutions. Comme pour l’élégance, notre créativité se développe avec facilité quand nous sommes absorbés par une activité que nous aimons.
La constance
“L’homme de talent possède une image stable, référente, parce qu’il assume ses positions et ses prises de risque, quitte parfois, à choquer. Il prend des risques (donc accepte l’échec) pour garantir constance et régularité.” Les gens de talent ont une force de caractère indéniable. Ils se remettent en question pour toujours plus affiner leurs perceptions et développer leurs compétences.
Le talentueux ne se repose jamais sur ses lauriers, car il est conscient que ce repos est la mort du talent. Ainsi, le talent émerge moins d’un savoir-faire que d’un savoir-être, formé par un état d’esprit joyeux, confiant et ouvert.
Si cet état d’esprit est aussi rare en France, l’explication se trouve en majeur partie dans nos croyances sociales contreproductives.
Pourquoi le talent est-il si rare ?
Des croyances mortifères
Pour Philippe Barel, deux croyances viennent compromettre l’émergence des talents. La première est due à notre société de travail compétitive, en crise où, soumis à une obligation de résultat, nous sommes sous pression quotidienne. La seconde est plus sociale, elle est liée à l’image que nous renvoyons aux autres.
La confusion entre l’objectif et l’exigence
Un objectif c’est ni plus ni moins qu’un but vers lequel on dirige notre action. Il n’y a pas de pression, contrairement à une exigence où il y a une urgence de résultat sans droit à l’erreur. Or, aujourd’hui les objectifs sont formulés par des « je dois », « il faut que » qui les transforment en exigences. Mais refuser l’échec, c’est se mettre une pression où l’on va attirer ce que l’on redoute.
Le lâcher-prise repose sur la reconnaissance que l’échec est possible pour sortir de cette pollution mentale, et se concentrer sur son action. Il y a comme un grand paradoxe : plus j’accepte la non-maitrise plus je maitrise.
La confusion entre la moyenne et la normalité
« Cette attention perpétuelle sur les moyennes et les chiffres, et cette confusion entre moyenne et normalité, accroissent le sentiment de masse, la perte d’identité individuelle au profit du socialement « convenu ».
Chérir son image sociale c’est se perdre soi et son talent. […] Parce que nous sommes tous des originaux dans l’âme et dans l’ADN, il est compliqué de nous enfermer dans la normalité.
Mais parce que nous ne sommes pas toujours conscients du système social, ou que nous voulons absolument nous y faire une (bonne) place, nous tâchons de tendre vers cette normalité, faisant de nous des talentueurs et talentruands pour reprendre l’expression de Philippe Barel.
Des talentueurs et talentruands
Les talentueux se fixent des objectifs pour leur plaisir et leur épanouissement.
Pour les talentueux le résultat souhaité est la cerise, le plaisir du chemin parcouru est le gâteau. Pour le talentueur c’est l’inverse, le plaisir du chemin est la cerise, le résultat souhaité est le gâteau.
Les talentueurs sont ceux qui ne prennent pas le temps de s’intéresser à leur talent, parce qu’ils vont agir pour répondre aux exigences extérieures familiales ou sociales. Dès lors, ils vont se penser talentueux que dans les moments où ils seront vainqueurs.
Les talentueurs sont à distinguer des talentruands par l’incohérence entre leurs mots et leurs actes. Ils critiquent le système, parlent d’ouverture d’esprit et de faire les choses pour soi-même, mais sans conviction ni expérience aucune. En fait, leur verbiage ne leur sert que leur image sociale , et leurs prérogatives sont les mêmes que ceux des talentueurs.
Passer à l’état d’esprit du talentueux demande de remettre ses priorités en ordre en se posant les bonnes questions : au diable les attentes sociales, qu’est ce qui me donnerait envie de me lever avec joie tous les matins ?
Le savoir-être du talentueux
Être bien pour être bon (la bientraitance)
Le lien entre motivation intrinsèque (faire quelque chose pour son bien) et le talent (être bon) est étroit : « La bientraitance est au centre de toutes les réussites. Celle-ci commence par le respect de ses propres motivations profondes et celles des autres. La performance, même si elle relève souvent du collectif, ne prend son sens qu’au plan du vécu individuel. »
De nombreuses études ont démontré que la motivation extrinsèque nuit aux performances, quand la motivation intrinsèque les multiplie. L’engagement et la créativité augmentent quand on a plaisir à faire ce que l’on fait. Chez Google, 50 % des nouveaux produits sont issus des 20 % du temps où l’entreprise laisse ses salariés réfléchir sur des sujets qui leur parlent, où ils s’investissent comme ils le souhaitent.
Après, faire ce qu’on aime, accepter de ne pas tout connaître et de se tromper est le second raisonnement mental pour développer l’état d’esprit talentueux.
Je sais que je ne sais rien
Philippe Barel use d’une jolie formule à ce propos :
[Pour le talentueux] ce n’est pas avoir lu beaucoup de livre [qui compte], mais envisager tout ce qu’il reste à lire.
Ainsi, en prenant en compte notre ignorance nous nous enrichissons.
Ainsi, du point de vue du talentueux :
L’expérience façonne la théorie et remet en question ses représentations et ses modèles.
Écouter l’autre pour comprendre ses perceptions et élargir ou affiner les siennes.
Vous l'aurez compris, le talent ne se réduit pas au seul savoir-faire, derrière le talent se cache un certain état d'esprit !
Source : Philippe Barel, « Le talent dans le sport et ailleurs », Editions Amphora, 2017
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