Comment la spiritualité et la quête spirituelle nourrissent-elle la transition...
Publié le 30/03/2022, mis à jour le 04/11/2024
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Comment la spiritualité et la quête spirituelle nourrissent-elle la transition écologique?
6 min de lecture
Comment expliquer l’immobilisme écologique?
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Il y a déjà 20 ans, Jacques Chirac prononçait cette simple phrase d’une justesse poignante.
Aujourd’hui, même s’il devient de plus en plus difficile de ne pas sentir la chaleur de l’incendie, nous continuons à regarder ailleurs.
Les raisons expliquant cet immobilisme sont naturellement nombreuses. Certaines d’entre elles, d’ordre politique, économique et technologique, nous dépassent. Mais d’autres nous appartiennent.
Comme l’ont démontré les neurosciences, notre cerveau vit sous l’influence de forces antagonistes : le striatum et le cortex.
Le striatum est une coquille de noix, nichée au centre du cerveau, particulièrement vorace et matérialiste. C’est lui, l’éternel insatisfait, qui nous pousse à vouloir toujours plus de biens matériels, et à résister au changement d’habitudes essentiels à notre survie.
Quant au cortex, siège de la conscience, c’est par lui que nous calmons les pulsions du striatum et faisons l’expérience d’un bonheur stable, qui ne dépende pas des circonstances extérieures. Ou du moins, qui ne leur est pas assujetti.
A côté de ce qui se joue dans notre cerveau, la peur, sous forme de déni (l’autre versant de l’écoanxiété explique également notre inertie.
Face à ce défi tant individuel que collectif, Mathieu Labonne, ingénieur de formation, président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux d’activités et de vie écologiques (des éco-lieux ou éco-hameaux nommés Oasis) propose de s’appuyer sur la spiritualité pour lever ses freins intimes et sortir de l’immobilisme écologique.
Son récent ouvrage Servir le monde, la voie de l’écologie spirituelle (éditions Tana) expose comment le cheminement spirituel nous conduit à adopter, sans se forcer, un mode de vie plus écologique. Et inversement.
Quels sont les liens entre l’écologie et la spiritualité?
Remarquons dans un premier temps que les liens entre l’écologie et la spiritualité apparaissent dans certaines pratiques et réflexions communes.
Ainsi, pour calmer la dépression , l’angoisse ou la rage (enfant de l’impuissance et de la colère) des écoanxieux, il leur est conseillé de :
De plus, certains compléments alimentaires peuvent aussi contribuer à soutenir le bien-être en période de stress ou d'anxiété, en renforçant les défenses naturelles du corps.
Par ailleurs, la spiritualité et l’écologie reposent sur une même démarche intellectuelle, consistant à prendre ses distances avec les valeurs de notre société consumériste, technique et individualiste.
Ses valeurs, porteuses de confort et plaisirs, ne suffisent néanmoins pas à nourrir notre besoin biologique de sens et de connexion. Ou pour le dire autrement, de profondeur et de grandeur.
En occultant des questions vivifiantes et existentielles comme le sens de la vie, ou notre place dans l’Univers, notre société a glissé vers le désenchantement actuel du monde, et à l’insatisfaction de beaucoup.
Or, la démarche spirituelle, tout comme écologique, répondent à ses besoins et questions.
Leurs réponses, bien que différentes, ne s’annulent en aucun cas pour Mathieu Labonne. Au contraire, elles se complètent et se nourrissent l’une de l’autre.
Comment la spiritualité renforce la démarche écologique?
L’attrait pour une vie sensée
Ce que peut apporter la spiritualité à un écologiste tient en deux notions : la paix intérieure et l’attrait pour une vie frugale, belle et utile.
Quel est le but d’une démarche spirituelle ? De trouver le sens de sa vie et la paix intérieure.
Comment cela se produit-il ? Par un changement de regard et de lecture sur nous-mêmes, notre histoire et les évènements du monde.
Cette lecture repose sur un pari, un acte de foi : celui d’accepter de façon inconditionnelle tout ce que nous sommes, avons vécu, et tout ce qu’il se passe dans le monde.
Cela suppose un effort d’imagination, parce qu’il s’agit de rendre intelligible notre parcours de vie en y apportant du sens et une direction.
En réorganisant notre monde intérieur et image de nous-mêmes, en prenant conscience de nos véritables besoins et de ce qui nous porte, nous accédons à une profondeur d’esprit.
Nous savons, dès lors, que l’essentiel n’est pas dans la possession d’objets, mais dans la totale conscience de notre singularité.
En redonnant du sens à notre être, nous adoptons presque naturellement de nouveaux modes de faire et de consommer, en étant moins tentés par les futilités matérialistes de notre monde.
La paix intérieure
D’autre part, cette lecture spirituelle suppose également un effort d’humilité, car il s’agit d’accepter les imperfections et dysfonctionnements de ce monde. Combien même ils nous révoltent.
Et c’est ici que la spiritualité peut aider l’écologiste actif qui nourrit une colère sourde ou débordante face au déni et à l’inaction.
L’acceptation enseignée par les traditions spirituelles ne prône en aucun cas une posture d’acceptation muette et passive. Elle vise plutôt à nous faire passer d’une posture réactive au monde (je reçois une information et réagis) à une posture active et détachée.
Active, parce que nous devons répondre à l’élan de l’émotion. Nous sommes portés par une énergie émotionnelle (la colère) que nous devons apprendre à diriger, et digérer, en adoptant une meilleure posture, à savoir une posture productive, créatrice et juste.
Détachée, parce que nous ne devons attendre aucun résultat, succès ou réussite, de notre action. L’utilité et la portée d’un acte, du point de vue spirituel, ne dépendent pas de sa concrétisation ou productivité, mais de sa valeur seule.
Mon acte est beau, bon, juste, et donc désiré, alors j’ai déjà gagné.
C’est une autre grille de lecture qui nous accorde davantage de liberté, car la peur de l’échec ne rentre pas dans l’équation.
Si une démarche spirituelle s’avère donc être pertinente pour alléger sa conscience écologique, qu’en est-il de la réciprocité ?
Comment l’écologie nourrit la quête spirituelle?
On ne grandit jamais seul
La démarche spirituelle est souvent conçue comme une affaire personnelle et intime. Qui ne regarde que soi et ne prend pas en compte les autres. Société individualiste oblige.
Toutefois, si cette approche est certainement vraie pour les débuts, un véritable épanouissement spirituel ne peut faire l’économie du contact de l’autre.
Les religions et autres traditions spirituelles rassemblent d’ailleurs davantage de communautés que d’ermites. Et ce choix n’est pas anodin.
L’autre, le différent est un miroir. Notre miroir, dans lequel se reflète tout ce que nous ne voyons pas de nous. Nos perceptions, nos projections et schémas inconscients. En cela, il contribue activement à notre croissance intérieure.
Au-delà de cet aspect initiatique, l’altérité est également source d’intensité et de joie, parce qu’elle est propice à la communion et la fraternité, qui reposent sur le sentiment d’appartenance, au partage et à la sécurité matérielle et affective.
Cet aspect collectif est particulièrement présent dans beaucoup d’associations activités écologiques, dont la Coopérative Oasis dirigée par Mathieu Labonne.
Les Oasis ne sont effectivement pas seulement des communautés autonomes en énergie et alimentation, les conditions pour que s’épanouissent les relations humaines y sont toutes aussi importantes.
L’enseignement des Peuples premiers
Le rythme et les conditions de vie des éco-habitants y sont révisés pour passer plus de temps avec les autres, les enfants et les aînés en particulier, et où chacun est amené à partager son monde intérieur et ses besoins.
Pour que des conditions de vie en communauté agréables et durables soient réunies, une Oasis ne doit pas rassembler plus de 150 personnes, et doit être régie par quatre cadres-piliers.
Ces cadres sont en partie inspirés des règles de vie des Peuples premiers, et appelés quadrants :
Le quadrant individuel/objectif évoque les compétences objectives représentées dans le groupe. Il n'existe pas d'oasis viables sans la rencontre d'un ensemble de compétences.
Le quadrant collectif/objectif rassemble tous les processus organisationnels et décisifs. Il n'existe pas d'oasis viables sans règles explicites, cohérentes et acceptées, pour fonctionner correctement.
Le quadrant individuel/subjectif renvoie à la capacité des individus à gérer leur propre subjectivité dans le groupe. Un groupe ne fonctionnera valablement que si chaque membre mène une introspection, accepte de se remettre en question, et se positionne dans une perspective collective.
Enfin, le quadrant collectif/subjectif renvoie à la nécessité d'entretenir des relations saines dans un groupe. Il s'agit en particulier d'élaborer les différentes formes de rituels qui fondent un collectif, tels des jeux et fêtes.
Pour les plus curieux désireux de découvrir à quoi peut ressembler un éco-lieu, vous trouverez ici un petit film d’1h vous invitant à un voyage immersif au cœur d’une Oasis.
Source : Mathieu Labonne, Servir le monde, la voie de l’écologie spirituelle, éditions Tana, 2022
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