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Publié le 04/11/2020, mis à jour le 29/12/2023
Connaissance de soi
Comment vit-on le temps en fonction de son âge ?
À chaque âge son temps
Le vécu temporel ou notre rapport au passé, présent et futur est différent quand on a 7 ou 77 ans. On n’y pense jamais, et pourtant ce vécu différent, ou décalage temporel au sein d’une famille est la source de tensions, malentendus, conflits et frustrations.
Pour la paix et le bien-être de tous, il est donc important de comprendre comment nous vivons, percevons et ressentons le temps qui passe en fonction des âges. Un savoir dispensé par le psychiatre et auteur, Michel Delage dans son dernier ouvrage « Le temps d’exister pour soi, en famille, dans la société ».
Le présent, le seul temps des jeunes
Le temps des petits : le présent et rien d’autre
Avant l’âge de 6-8ans, le temps n’existe pratiquement pas, l’enfant vit essentiellement dans le moment présent et dans un futur très proche à partir de 3-4 ans. La limite étant de 2-3 jours, au-delà c’est l’équivalent d’une éternité.
On peut s’en apercevoir à travers différentes scènes de la vie quotidienne. Par exemple, quand vient le 23 décembre, on explique à son enfant que Noël ce n’est pas dans deux jours, mais dans « deux dodos ». Si vous vous y prenez plus tôt, et lui expliquez que Noël c’est dans une semaine, soit « 7 dodos », il ne va pas pouvoir se projeter ou anticiper.
Michel Delage note à ce propos que certaines organisations temporelles ne correspondent pas aux rythmes des enfants. Il pense notamment au cas de jeunes enfants de parents divorcés qui se partagent la garde une semaine sur deux. Or, pour l’enfant de 3 ans, une semaine loin d’un des parents c’est très long, et son vécu est donc plus douloureux. L’idéal serait d’alterner tous les 3 jours.
Un autre aspect spécifique aux petits dans leur rapport au temps est leur allergie à l’urgence. Ils ne comprennent pas, et ne supportent pas, d’être contraints par un temps limité comme nous le sommes tous en tant qu’adulte.
Parce que tout est nouveau et que tout doit être à apprendre, les enfants ont besoin de prendre leur temps pour exécuter des tâches simples comme faire ses lacets ou son cartable. Ainsi, quand on les presse de se dépêcher en leur signalant un retard, on les perd intellectuellement, conséquence de quoi ils sont bousculés et stressés.
A partir de 6ans, qui correspond à l’entrée en école primaire et dans le temps scolaire, l’enfant commence à comprendre les limites temporelles et à s’initier au passé et au futur.
Le temps des ados : le présent étendu
Si l’enfant n’a pas conscience du passé et du futur, l’adolescent est plus qu’au fait de leur existence, mais choisit de les ignorer en faisant du « surplace temporel ». Le passé n’est plus et le futur est suspendu.
Au lieu de se projeter dans des études ou un métier, l’adolescent va plutôt surinvestir son présent en se consacrant à ses amis, ses amours, ses réseaux sociaux et autres loisirs bien plus attractifs que l’avenir. A l’exception des ados qui ont une idée précise de ce qu’ils veulent faire, beaucoup reportent leur réflexion à plus tard. Ce qui est source d’inquiétude et de conflits avec les parents.
Pour Michel Delage, cette inertie adolescente s’explique selon différents paramètres :
- Premièrement l’adolescent n’est pas aveugle, il perçoit bien que ses parents courent après le temps. Avoir du temps devant de soi est donc un luxe dont il doit profiter avant de ne plus le pouvoir.
- Ensuite, le contexte social et économique (durée des études longues, premier contrat de travail de courte durée, démarches improductives, formations accélérées, difficulté à trouver un logement sans caution etc.) contribue à éterniser l’adolescence. Les Tanguy et autres « adulescents » qui vivent chez leurs parents n’ont pas toujours choisi leur situation.
Aucune génération n’est épargnée par les défis. Celui des adolescents d’aujourd’hui est de devoir se positionner dans un espace-temps incertain. L’école ne fait rien pour l’aider à trouver sa place, et les nombreuses crises, dont celle de l’environnement en premier lieu, ne peuvent que les inciter à éterniser le présent.
Le futur, le temps-repère des adultes
Avancer et se projeter ou le temps des adultes
La réelle différence entre un adulte et un adolescent n’est pas son âge, mais sa capacité à sortir du présent pour se projeter vers le futur. Cela se fait naturellement quand on commence à avoir une autonomie financière, et surtout quand on devient soi-même parent.
Dès lors que nous quittons le temps de « l’éternel présent » pour penser le futur, il est rare que nous fassions marche arrière. Hormis les traumatismes et deuils qui nous replongent dans un présent suspendu, les adultes pensent toujours au futur. Ils sont sans cesse en train de se projeter, c’est leur « signature temporelle ».
Sérénité ou angoisse, le vécu temporel des seniors
Pour les seniors, plusieurs tendances vont se dégager, mais que l’on peut résumer à celle d’un rapport au temps serein, angoissé ou tout simplement confisqué.
Le temps plein et serein
Pour une partie des personnes âgées, la retraite c’est la liberté, le temps du repos bien mérité après un certain nombre de galères, voire une renaissance. On peut enfin prendre le temps pour soi, s’adonner à des projets ou des buts que la vie professionnelle nous empêchait de faire.
La personne qui se trouve dans cette optique est souvent joyeuse et optimiste mais aussi plus responsable. Elle a accompli ce qu’elle a pu et su trouver un sens dans ce dernier cycle de vie.
Le temps vide et angoissé
En parallèle du bienheureux senior, on trouve la personne qui vit la vieillesse comme une punition. Les motifs sont propres aux histoires personnelles. Il y a ceux qui ont adoré leur travail et se sentent désormais inutiles ou dépossédés. Ceux qui ont été épargnés par les difficultés de la vie, et se retrouvent avec l’angoisse d’une baisse de performances et de leur finitude. Ou encore, ceux qui ont une vision de la vie figée et embrassent l’idée que le bonheur est forcément jeune et n’appartient qu’au passé.
Selon Michel Delage, de nombreux paramètres propres aux sociétés occidentales expliquent ce phénomène :
- Une glorification du jeunisme et individualisme
- Une absence totale de réflexion sociétale sur le sens de la vie
- Un environnement évoluant rapidement et rendant plus difficiles les possibilités d’adaptation.
Le temps confisqué
Enfin, abordons ceux dont on parle très peu, si ce n’est depuis le Covid-19, les personnes âgées résidantes dans les EHPAD. Pour elles, le temps est comme confisqué en étant vide et tributaire de celui des soignants. Ces derniers, d’ailleurs, disposent de très peu de temps pour s’occuper décemment des résidents. Les toilettes, par exemple, sont faites en 5min. Ce qui génère du mal-être chez tout le monde : les soignants ont le sentiment que leur travail n’a pas de valeur et souffrent de presser des seniors, dont le corps n’est plus apte à céder à l’urgence.
De plus, ce temps frénétique est contrebalancé avec un temps mort sans contacts sociaux, sans activités et avec un dîner servi très tôt. Résultat des courses, leur inertie du jour les fait se lever la nuit, où ils déambulent dans les couloirs sans trop savoir ce qu’il se passe.
Il y a quelque chose d’avilissant dans le traitement de nos vieux, et c’est bien la marque d’une société immature incapable de penser la mort.
Le défi des maîtres du temps
Les maîtres du temps, c’est ainsi que sont nommés les parents par Michel Delage. A raison, car ce sont eux les maîtres de maison qui orchestrent le temps de leur entourage. Ils ne doivent pas faire l’erreur de leur faire subir ce qu’ils vivent au quotidien : la dictature de la montre.
Des erreurs de conduite seront inévitables, mais l’important pour les maîtres du temps est de prendre conscience du vécu des enfants, ados et des aînés. Et de faire montre d’empathie. Pour les uns cela sera de leur laisser le temps dont ils ont besoin, pour les autres ce sera de les rassurer face à leurs incertitudes quant à l’avenir. Pour les derniers, cela sera de les aider à rester dans le temps de la vie, en leur rappelant que vieillir et mourir sont deux états différents.
Source : Michel Delage, « Le temps d’exister pour soi, en famille, dans la société », éditions Odile Jacob, 2020
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