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Publié le 13/07/2022, mis à jour le 14/07/2022
Conseils pour se sentir bien
Comprendre les hormones au-delà des préjugés
Sommes-nous sous influence hormonale?
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, ils furent nombreux à vouloir arrêter Hitler. Certains songeaient évidemment à l’assassinat. D’autres eurent des idées plus créatives, à l’instar des services secrets britanniques qui envisagèrent de faire injecter de l’œstrogène dans les desserts du dictateur nazi.
Un Hitler au caractère plus féminin serait un Hitler plus doux, plus passif, qui fermerait les camps d’extermination et distribuerait des prospectus de paix dans toute l’Europe.
Si l’anecdote fait sourire, elle est aussi révélatrice de nombreuses idées reçues sur les hormones encore assez présentes de nos jours.
La première d’entre toutes étant que les hormones sont des molécules contrariantes, qui agissent sur les humeurs et les envies indépendamment de toute volonté. Il est ainsi assez commode de justifier nos comportements fous ou déraisonnables d’un « je suis sous influence hormonale».
Dans un ouvrage riche en informations et espiègleries, « Mes hormones et moi » (humenSciences), Franca Parianen, docteure en neurosciences, réhabilite les hormones en rappelant que si elles nous sont indispensables pour penser et vivre, elles ne sont pas décisionnelles de nos vies.
D’une part, parce qu’une hormone n’est pas indépendante et n’emprunte pas d’autre chemin que celui voulu par nous. Par exemple, la testostérone nous invite, mais ne nous oblige pas, à nous accoupler.
Par ailleurs, la configuration du cerveau au travers des connexions neuronales l’emporte sur le pouvoir des hormones. Une mauvaise expérience amoureuse peut nous voir refuser des avances quand bien même le cerveau est imbibé de testostérone. A l’inverse, un chat castré tardivement, qui ne dispose donc plus de testostérone après l’opération, continuera d’être en rut.
Que sont et que font les hormones?
Une hormone (baptisée ainsi en référence du grec ancien hormao qui signifie « se mettre en mouvement) est une information, un messager chimique partagé entre les différentes zones du corps et du cerveau.
L’hormone peut être sécrétée par les glandes, les tissus et même les os. Elle arrive vers son destinataire en utilisant la circulation sanguine ou en se fixant sur la cellule la plus proche d’elle. C’est souvent par leur intermédiaire que le cerveau communique avec le corps en faisant appel à l’hypothalamus, le grand centre de contrôle des hormones.
Il existe plusieurs natures d’hormones. Certaines ont des fonctions simples, d’autres ont des fonctions complexes. Certaines sont conçues à partir de deux acides aminés, d’autres en nécessitent deux cents. D'autres se dissolvent dans l’eau, d’autres dans la graisse. Certaines peuvent pénétrer les cellules, et d’autres uniquement se fixer à leurs récepteurs.
Sans les hormones, notre cerveau ne pourrait tout simplement pas fonctionner.
Sans les hormones, notre sommeil serait dysfonctionnel, nos systèmes digestif et immunitaire seraient caducs, nos os, notre cœur et nos poumons tomberaient en lambeaux.
S’il reste beaucoup à étudier et apprendre sur les hormones, il est préalablement nécessaire d’actualiser nos connaissances et de dépoussiérer certains mythes qui les entourent.
Quelles sont les hormones du bonheur et de l’amour?
Certaines hormones jouissent d’une réputation heureuse. C’est le cas de la dopamine baptisée l’hormone du bonheur. Or, elle est davantage celle de la détermination parce qu’elle nous pousse à atteindre un but souhaité. En revanche, le bonheur que nous procure ce but peut laisser la dopamine totalement froide.
C’est ce qui explique pourquoi une addiction avancée se reconnait à la dissociation de l’envie du produit au plaisir procuré.
Question bonheur, deux hormones supplantent la dopamine : l’endorphine et l’ocytocine.
L’endorphine est une sorte d’opium naturel capable de combattre la douleur. Elle est surtout l’hormone à qui nous devons la jouissance pleine et entière des plaisirs de la vie.
Sans elle, nous ne ressentirions aucun plaisir à faire l’amour ou à prendre une douche chaude après avoir passé la journée dans le froid.
L’ocytocine n’est pas en reste, puisque c’est peut-être elle l’hormone de l’amour durable et constructif.
Sur un plan hormonal, les passions et débuts amoureux sont terribles pour le corps avec une décharge importante de dopamine, cortisol, sérotonine et de noradrénaline. Suivant l’interaction avec l’aimé, le taux de ces hormones joue aux montagnes russes, ce qui explique pourquoi nous passons du paradis à l’enfer en un clin d’œil.
Or, à long terme, toute cette agitation fatigue le corps et use le système immunitaire.
Ce qui fait durer un couple se mesure plus au taux d’ocytocine.
Si après les débuts amoureux, les hormones d’excitation chutent, l’ocytocine reste stable. Non seulement elle joue un rôle central dans le plaisir sexuel, mais elle favorise également les câlins et le rapprochement des cœurs et des âmes. Une fois un lien activé dans notre conscience, l’ocytocine se rappelle régulièrement à nous, de façon telle que nous éloignons les autres prétendants.
Qu’en est-il des hormones sexuelles emblématiques que sont l’œstrogène et la testostérone?
Les hormones sexuelles masculines et féminines s’opposent-elles?
La testostérone est observée comme l’hormone de la virilité et de l’agressivité. Or, elle est plutôt l’hormone de l’audace. Elle bloque l’action du cortisol qui nous incite à fuir, et nous invite à nous mettre en avant et à nous affirmer. Son but primaire étant de faire fuir les rivaux amoureux ou d’acquérir un statut élevé.
Si l’hormone donne la partition, l’environnement détermine quel instrument utiliser. Ainsi, suivant le contexte et le but souhaité, on choisira d’utiliser le charme, la joute verbale ou encore la castagne. Il est donc logique que nous retrouvions d’importants taux de testostérone en prison ou à l’Assemblée Nationale.
Mais ce n’est pas tant la testostérone qui est sujette aux idées reçues, que son antagonisme avec l’œstrogène.
Antagonisme fantasmé, car ces hormones se ressemblent beaucoup dans leur composition. A tel point qu’il suffit d’une enzyme, l’aromatase, pour convertir l’une en l’autre.
D’ailleurs, dans le cerveau masculin, le surplus de testostérones est converti en œstrogène. Quand une mère est enceinte d’un petit garçon, c’est encore l’œstrogène qui contribue à la formation du cerveau masculin.
Dernière anecdote : comme la testostérone, l’œstrogène contribue activement au plaisir sexuel. Y compris chez l’homme, où une carence en œstrogène le rend sexuellement moins actif. Reste que les hormones sexuelles nous servent mieux quand elles sont bien dosées. Chez la femme, il faut beaucoup d’œstrogènes et un peu de testostérones. Inversement chez l’homme.
Enfin, l’œstrogène n’a rien à envier à l’audacieuse testostérone, puisqu’elle incarne l’hormone du courage. Grâce à son action sur la connexion entre la zone de la raison (le cortex) et les zones de peur (dont l'hypothalamus), elle nous aide à surmonter nos mauvaises expériences et traumatismes.
Pour clôturer ce petit tour des préjugés, la parentalité du point de vue hormonal s’avère aussi très instructive.
Comment les hormones soutiennent la parentalité?
Un cerveau reconfiguré
Quand on devient parent pour la première fois, les hormones ne se contentent pas de déferler et de repartir, elles réorganisent totalement le cerveau en établissant de nouvelles connexions neuronales.
En gros, elles nous fabriquent un cerveau de parent aimant, totalement dévoué aux besoins de son petit. Les zones cérébrales remodelées sont notamment celles qui concernent nos relations sociales (capacité d’empathie, d’attention).
Dans ce processus, l’ocytocine, l’hormone de l’attachement, est l’hormone cheffe.
A la venue de son enfant, chaque femme vit notamment un pic d’ocytocine (un phénomène que l’on retrouve aussi chez les mères adoptantes). Une dose d’amour venant, d’une certaine façon, compenser la chute brutale du taux d’œstrogène à l’origine du baby-blues ou post-partum.
Cette dépression reste assez mal comprise encore, et si les hormones ont leur responsabilité, la prise de conscience du changement de vie et le soutien de l’environnement peuvent également interférer dans ce mal.
D’ailleurs, quand la jeune maman est peu soutenue, voire complétement malmenée par son compagnon, les symptômes du post-partum s’identifient davantage à une psychose qu’à une dépression.
Un dernier point plus réjouissant concerne la fameuse énigme de l’instinct paternel. Existe-t-il?
La réponse est affirmative, à la condition toutefois que le père se sente concerné. Dans ce cas, lui aussi voit son cerveau remodelé et subit un pic d’ocytocine, de prolactine (l’hormone de l’allaitement), de cortisol et une baisse de la testostérone.
Chez certains futurs papas, le phénomène est même assez lisible et se nomme « le syndrôme de la couvade ». Durant la grossesse, ils prennent du poids, subissent des maux de tête et saignent du nez.
La leçon des hormones
Quoique vous lirez à l’avenir sur les hormones, souvenez-nous qu’elles sont comme nous : rarement simples, souvent plurielles.
Franca Parienen résume les hormones ainsi:
« Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises hormones, leurs tâches sont très diverses. Il n'existe pas d'hormones venues de l'enfer pour nous rendre la vie impossible. Le plus important est que les hormones se trouvent pour les bonnes tâches au bon endroit et au bon moment. »
La question de la testostérone dans la parentalité en est un bon exemple.
Oui, la testostérone favorise nos tendances agressives, parce que c’est une hormone qui nous incite à agir avant de réfléchir. Nous pourrions alors en conclure qu’un père avec un fort taux de testostérone serait la caricature du patriarche.
C’est faux, non seulement, parce que (rappelons-le) un surplus de testostérone devient de l’œstrogène, et parce qu’elle permet aux pères de ressentir le besoin de protéger physiquement leur enfant. Ce qui s’est avéré très important au cours de l’histoire, ou reste d’actualité dans d’autres pays.
Si un tout-petit tombe dans la Seine, ce n’est ni l’ocytocine, ni la prolactine, mais bien la testostérone qui pousse le père à sauter dans l’eau sans réfléchir.
Tout est toujours une question de dosage et de timing.
Nos esprits ont encore beaucoup à apprendre de la flexibilité de la nature. Qu’elle soit celle qui nous habite ou qui nous entoure.
Source : Franca Parianen, Mes hormones et moi, HumenSciences, 2022
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