La première fois que votre enfant a tenté de manger sa purée avec une petite cuillère, tout seul comme un grand, qu’il s’en est mis partout et a redécoré la cuisine, lui avez-vous immédiatement retiré la cuillère en le sermonnant et en lui disant : « si tu n’es pas capable de manger correctement, je ne te donne plus la cuillère ! » ? Eh bien non !
Vous avez peut-être même pris des photos que vous vous êtes empressé d’envoyer aux amis, aux mamies pour montrer la facétie de votre ange. Et vous lui avez redonné la cuillère la fois suivante pour qu’il réessaye et l’avez félicité de ses progrès.
Lorsque votre enfant, a essayé pour la première fois de lâcher la table du salon pour tenter un premier pas et qu’il est tombé sur sa couche hébété, vous êtes-vous dit : « c’est foutu, il ne va jamais y arriver » ? Eh bien non !
Vous l’avez encouragé, tel un supporter du PSG, persuadé qu’il était parti pour être ballon d’Or.
Et puis vient l’entrée à l’école. À la maternelle, on peut dire que ça va encore. Nous, parents, continuons à trouver les dessins de nos bambins magnifiques. Nous nous émerveillons devant ce petit être qui découvre le monde, pose de nombreuses questions et commence à parler de mieux en mieux…avec quand même des prononciations un peu douteuses parfois.
Nous accueillons toutes ces erreurs avec le sourire et nous nous accrochons même à ce langage farfelu pour nourrir la nostalgie d’un passé révolu, celui du temps où nous avions l’impression que nos enfants n’étaient qu’a nous et que tout était joyeux et doux.
Et ainsi de suite. À chaque étape de la toute petite enfance, vous avez toujours été là pour encourager, soutenir, valoriser chaque progrès.
Alors, petite interrogation : qu’est-ce qui peut transformer le parent valorisant les progrès en parent détecteur de fautes ? À quel moment, les « waouh », « super », « c’est bien » qui font avancer sont-ils remplacés par des « mais non », « n’importe quoi », « fais attention », « c’est pas comme ça » qui bloquent les élans explorateurs ?
De la confiance absolue au doute perpetuel
Eh bien, chers lecteurs et lectrices, c’est au moment où nous nous confrontons au regard social et à ses jugements normatifs. Qui n’a jamais entendu un « ah bon ? Il ne sait pas encore lire, marcher, faire du vélo sans roulette…? C’est bizarre à son âge ! »
Le système scolaire : un avant-goût du monde compétitif du travail
Sorti d’un monde coloré laissant la place au mouvement, à l’expérimentation et à l’erreur, l’enfant entrant au CP se retrouve dans une salle de classe, assis sans bouger pendant six heures, devant lever le doigt pour attendre son tour de parole…
Au collège et au lycée, l’enjeu devient de plus en plus important : orientation, métier, choix amoureux, fréquentations, conduites à risques, etc., sont autant d’inquiétudes qui occupent une place prépondérante dans la tête des parents.
Avec l’entrée à la « grande école », le thermomètre monte. L’évaluation commence et les notions de comparaison et de normalité s’installent. En tant que parents, il est très difficile de rester « cool » face à ces premiers enjeux.
C’est comme si on ne devait pas se louper au départ car un mauvais départ est un mauvais présage pour la poursuite de la scolarité, voire pour l’avenir tout entier.
En cas de réussite scolaire : le digne héritier
Malgré la pression, quand tout se passe bien, nous gardons le même regard. Nous continuons à encourager notre enfant, à le féliciter. Il est fier de rapporter de bonnes notes à ses parents et il y trouve une reconnaissance.
Narcissiquement, cet enfant est bon pour nous. Quelle fierté !
Mais que se passe-t-il quand tout ne se passe pas comme sur des roulettes et que les premières difficultés arrivent (mauvaises notes, convocations…) ?
En cas d’échec scolaire : le mouton noir
Et bien cet enfant, celui que nous avons admiré pendant des années, nous commençons à le voir différemment. Il nous gêne, nous inquiète, nous énerve, nous renvoie une image négative de parent.
Et c’est là que les mots qui tuent la confiance peuvent malheureusement franchir la porte de nos lèvres : « crétin », « mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ? », tu finiras comme… », « si tu continues comme ça, tu vas finir clochard », « regarde ta sœur, elle, elle a de bons résultats », « tu es feignant(e) », « tu es égoïste », etc.
Parfois, nous arrivons à retenir ces phrases négatives mais notre regard en dit long et notre enfant le voit.
Retrouver la confiance : le temps fait bien son affaire
Etre conscient des failles de notre système scolaire
Certains enfants ne collent pas tout de suite à la grille d’évaluation, à la norme arbitraire. Ces mêmes enfants possèdent, par ailleurs, de nombreuses compétences, mais n’ont pas encore eu le déclic de la lecture ou de l’écriture en même temps que les autres.
Parfois il faudra attendre l’année de terminale pour qu’un ado ait le déclic pour travailler. C’est vous dire à quel point la route est longue et génératrice d’inquiétude.
Cela nous rappelle, avec un certain amusement teinté de dépit, les normes de développement psychomoteur que l'on retrouve dans les manuels pédiatriques pour parents : "à un an, votre enfant doit être capable d'empiler trois cubes.
Euh...que cela signifie-t-il si à un an mon enfant ne fait pas la fameuse tour de cubes ? Dois-je en déduire qu'il est en retard, qu'il est bête et que son avenir est compromis ?
L’infernal trio de la norme, de l’évaluation et de la comparaison
C'est bien là que nous pensons que la norme, l’évaluation et la comparaison avec le groupe classe peuvent devenir un vrai problème. Ce système crée des angoisses et change le regard que porte l’adulte sur l’enfant. L’enfant qui ne respecte pas le timing édicté va être étiqueté « enfant à problèmes », « enfant en difficulté ».
Des parents en perte de repère
Les adultes vont alors déployer l’artillerie plus ou moins lourde pour aider ce petit être « défaillant ». Les parents avec toute leur « conscience professionnelle parentale » vont s’en remettre à l’avis des « experts » auxquels ils vont faire une confiance de néophyte.
Ce qui est bien normal ! Malheureusement, cet avis peut s’avérer parfois, culpabilisant, alarmiste, et digne des prophéties de Nostradamus.
Les parents vont alors perdre la confiance inconditionnelle qu’ils portaient à leur enfant à chaque étape jusqu’alors. Le doute va s’installer : « Et si mon enfant n’y arrivait pas, malgré tout ? » Ils voient déjà cet enfant, devenu adulte, en difficulté (mauvais job, précarité, voire marginalisation), faute d’avoir réussi à passer les échelons d’une scolarité dite « normale ».
Que faire ?
Nous avons envie de dire et même de crier : « DÉTENDONS-NOUS ! Revenons à une vision plus raisonnable et saine de l’apprentissage. »
Petite parenthèse historique : ces cancres qui ont réussi
- Albert Einstein, célèbre cancre, a fait un parcours honorable.
- André Citroën, qui quitta l’école très tôt tant sa nullité était abyssale, passa son temps à bricoler de drôles d’engins dans son jardin et, peu de gens le savent, est devenu l’inventeur de la publicité moderne.
- Daniel Picouly, cancre dysorthographique, devenu professeur d’économie et célèbre écrivain, continue son petit bonhomme de chemin avec un bon correcteur orthographique sur son ordinateur.
Nous pourrions prolonger cette liste à tant d’autres enfants contrariants qui sont devenus des adultes responsables et épanouis, mais nous nous arrêterons là pour vous laisser le plaisir de chercher et de les découvrir, y compris dans votre entourage !
Merci à Audrey Akoun & Isabelle Pailleau
***MUST READ*** Apprendre autrement avec la pédagogie positive
Audrey Akoun et Isabelle Pailleau aux éditions Eyrolles