Les esprits pratiques et réalistes disent souvent « je ne crois que ce que je vois ». Mais la réalité est en fait toute autre : on ne voit que ce que l’on croit.
Le cerveau est un chercheur de sens, pas de vérité. Même s’il s’appuie sur des faits, son interprétation de la situation sera soumise à certains biais cognitifs que sont les valeurs, croyances et motivations etc.
C’est ce qui faisait dire à George Miller, professeur de psychologie aux universités de Harvard et Princeton, que pour résoudre ou pacifier un conflit, « il convient de partir du principe que ce que la personne dit est la vérité et qu’il faut tenter d’imaginer de quelle vérité il s’agit ».
Or souvent, nous restons nous-même centrés sur notre point de vue, ce qui va enflammer, nourrir ou enliser un conflit. Combien d’amis, de parents coupent tout lien pour un point de vue (moral, politique, monétaire etc.) différent ?
La seconde erreur commune est de vouloir aller trop vite. En souhaitant apaiser un interlocuteur en colère, on lui propose immédiatement une solution à son problème. Or, même si l’intention est louable et que la solution est pertinente, cela ne le calmera pas forcément. Tout simplement parce qu’un esprit furax n’est pas en mesure de réfléchir.
Une fois sur sa lancée, la colère ne peut s’arrêter en milieu de route, elle doit traverser plusieurs étapes. Le savoir permet de ne pas faire l’erreur d’agir au moment le plus bouillant où tout raisonnement logique est impossible.
Les 4 phases de la colère
Si la colère suivait un chemin, il ressemblerait à une courbe en cloche marquée par 4 phases :
1. La phase post-combat
Elle commence avec différents éléments déclencheurs perçus comme négatifs. Ces éléments peuvent être un contexte, une situation ou une personne. Un oubli de ses clés de voiture, un accrochage, une remarque vexante du patron, la vue de sa belle-mère etc.
2. La phase de montée en charge émotionnelle
C’est la phase où l’on fait face à l’élément déclencheur. Le niveau de tension augmente drastiquement, on se replie sur soi et son problème. Plus personne n’existe. A ce stade, notre écoute est au point mort, et notre débit de paroles élevé.
3. La phase de confrontation
C’est le pic de la colère et l’étape la plus brûlante où l’on glisse dans l’excès. Les paroles sont dures, blessantes voire infondées et notre volonté se résume à vouloir dominer l’autre. C’est ici que le risque d’agression verbale et physique est le plus fort.
4. La phase du retour au calme et au rationnel
Après le pic, suit la descente où nous revenons doucement à un comportement raisonnable et donc à la possibilité d’échanger. C’est aussi à ce moment précis que la colère peut céder la place à la tristesse ou la honte d’avoir « pété un câble ».
Mais comprendre intellectuellement le fonctionnement de la colère n’est bien sûr pas suffisant. Cela demandera également une certaine force émotionnelle et une détermination mentale dignes d’un moine Zen.
Tuto pour devenir moine Zen
Préparer son esprit pour encaisser la foudre
Pour éviter d’entrer dans un conflit dur où les paroles vindicatives fusent et la vaisselle vole, il faut préparer son esprit à bon escient :
Être toujours positif et motivé en partant du principe que tout problème a sa solution. Ce faisant, quand le conflit vous tombe dessus, vous ne le subirez pas mais le prendrez à bras-le-corps. Résilience et engagement sont les deux aliments principaux pour nourrir cet état d’esprit.
Rester prudent et humble en se souvenant que nous sommes tous soumis à nos biais cognitifs, et que l’objectif premier n’est pas de démontrer que l’on a raison mais de résoudre des conflits. Or, dans les faits, cela peut se corser dès que des propos nous heurtent et vexent. Notre ego prend alors dessus, et avec lui la possibilité de déclencher notre propre colère.
Cette prise de recul n’est possible qu’après un travail introspectif personnel pour reconnaître consciemment ce qui nous fait sortir de nos gonds (se faire couper la parole, la mauvaise foi, le manque de respect, les insultes etc.), quelles sont nos réactions suite à cela et quels moyens utilisés pour gérer notre mental et ego.
Incarner le calme au milieu de la tempête
Un esprit préparé doit aussi savoir comment agir au mieux pour résoudre un conflit. Une bonne intervention, une bonne écoute, un bon recadrage ne sont réalisables qu’à la condition de respecter le timing lié aux différentes étapes de la colère :
Durant les trois premières phases, on va essentiellement se taire pour laisser notre interlocuteur « vivre sa montée de colère » et vider son sac. On ne reste pas inactif pour autant car c’est l’occasion de glaner un maximum d’informations utiles à la résolution de conflit. Il s’agira d’alterner entre silence et questionnement pour cerner la vision de l’autre et comprendre la cause du stress qui a déclenché le conflit. Gardez dans un coin de votre esprit que les personnes stressantes ne le sont jamais par vocation, mais parce qu’elles sont elles-mêmes stressées.
La 4e étape qui est le retour au rationnel sera aussi le temps où vous reprendrez complètement la parole en affinant les questions si besoin pour trouver une solution. Et si votre interlocuteur a dépassé les bornes pendant sa colère, cela sera aussi le temps de le recadrer. Car prendre en charge une personne agressive ou un conflit ne signifie pas qu’il faut servir de paillasson. Posez votre ressenti de façon ferme mais douce. Il ne faut pas qu’on sente d’injonction ni de jugement de valeur, au risque de ré-enclencher le conflit.
Normalement, si vous n’avez pas affaire à une personne bornée, cela se passera bien. Dans le pire des cas, retrouvez ici toutes nos astuces pour mieux vivre avec eux.
Source : Olivier Maillot, L’art de gérer les conflits, éditions Amphora, 2020
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