En psychologie, l’estime de soi se définit comme étant notre capacité à nous apprécier et à nous évaluer. Cette mesure dépend du rapport entre ce que nous sommes réellement (le moi réel) et ce que nous voudrions être (le moi idéal). Plus l’écart entre notre moi réel et idéal est faible, plus grande est notre estime de soi. Et inversement.
A ce titre, l’estime de soi est encore trop confondue avec la confiance en soi. Pourtant les deux notions se distinguent :
L’estime de soi repose sur le sentiment de s’aimer ou non.
La confiance en soi repose sur le sentiment d’efficacité personnelle. Nous croyons ou doutons de nos capacités, que nous les ayons ou pas.
Un jour, nous avons une bonne estime de nous-mêmes, un autre jour nous nous sentons nuls. Mieux, nous pouvons nous retrouver à alterner ces deux états dans la même journée.
Gilles Azzopardi, psychosociologue, émissaire reconnu de la psychologie positive et auteur prolifique, dévoile dans son dernier ouvrage « Aller bien dans un monde qui va mal » (Eyrolles, 2022) les responsables de cet effet yoyo, à savoir deux faux-amis de l’estime que sont le succès et la beauté.
Pourquoi l’estime de soi ne dépend pas du succès?
Il est communément entendu que l’estime de soi s’acquiert au fil de nos succès ou comportements exemplaires.
Et pourtant cette idée est une illusion selon Nathaniel Branson, psychothérapeute et écrivain américain connu pour ses travaux sur l’estime de soi. Et il est facile d’en comprendre la raison.
Ainsi, si vous vous souvenez d’une ou deux occasions de votre vie où vous avez été particulièrement fier de vous, vous vous rappelez certainement aussi que ce sentiment n’a pas perduré et impacté durablement l’estime de vous-même.
Pourquoi ?
Il se passe pour le succès ou la réussite, le même effet que lorsque nous gagnons au loto, une fois l'euphorie passée, on en revient vite à son état normal et ses problèmes d'avant, voire à se retrouver avec de nouveaux problèmes.
Effectivement, comme l’a démontré un autre éminent nom de la psychanalyse, Albert Ellis, père de la thérapie cognitive et comportementale, le succès n’est pas sans effet pervers.
Il agit comme une drogue sur notre striatum, le cœur primaire de notre cerveau, et nous pousse à réclamer toujours plus de gloire et de réussite.
Albert Ellis appelait cet effet pervers, le complexe de Jéhovah, du nom de ce Dieu énervé de l’Ancien Testament.
La contrepartie est qu’en cas d’échec ou de revers, nous développons un complexe inverse et au nom tout aussi éloquent : le complexe du ver de terre, où l’estime de soi est au point mort.
Ce qui est une autre preuve que le succès n’est absolument pas un pilier solide et stable pour l’estime de soi. Et il en va de même pour la beauté.
Pourquoi l’estime de soi ne repose pas sur la beauté?
L’estime de soi, et notamment celle des femmes et même des hommes (en particulier les plus jeunes), est très liée à l’image corporelle. Et plus exactement à l’image corporelle véhiculée par la télévision et les réseaux sociaux.
Et cela n’est pas sans conséquence.
De nombreuses études constatent une dégradation de l'image corporelle, à l’instar de celle de Yougov publiée en juillet 2020, rapportant que 2/3 des femmes ont une image corporelle négative.
Ces chiffres renvoient au désir de répondre à des canons de beauté spécifiques pour asseoir l’estime de soi. Mais c’est une impasse fondée sur un double leurre.
Premièrement, nous ne connaissons pas réellement notre image corporelle.
Quand nous nous regardons regarde dans un miroir, nous voyons une image de notre corps et visage inversée et en deux dimensions, alors que les autres nous voient en trois dimensions, et l’écart n’est pas négligeable.
C’est la même chose pour notre voix. Nous l’entendons mais notre perception est complètement différente de celle des autres. Il y a un décalage net que nous pouvons percevoir quand nous enregistrons notre voix et l’écoutons.
Par ailleurs, nous confondons encore l’apparence physique avec l’aptitude à séduire.
David Muss, professeur de psychologie évolutionniste à l’université de Texas, rapporte dans une étude portée sur 37 pays, les critères pour tomber amoureux, hommes et femmes confondus.
Et ce qui fait craquer tout le monde en premier sont la gentillesse et l'empathie. La beauté physique ne vient qu'en 3e position chez les hommes, et en 6e chez les femmes.
C’est par le sourire, l'intelligence et l'humour que nous rendons le corps attrayant.
S’en souvenir nous garde des pièges sociétaux, et nous amène à développer de meilleurs appuis pour instaurer une estime de soi stable. Quels sont donc ces précieux appuis ?
Sur quels principes reposent une saine et stable estime de soi?
Gilles Azzopardi propose une liste de 10 principes capables de consolider une estime de soi saine et stable :
Se considérer comme l'égal des autres, plutôt que supérieur ou inférieur, tout en acceptant les différences : apparence physique, compétences, situation financière, etc.
Tenir pour acquis qu'on est digne d'intérêt et d'estime du moins pour les personnes qui nous importent.
Tenir cet acquis pour réel même dans les mauvais jours.
Accepter ses défauts et miser sur ses seules qualités plutôt que gaspiller son énergie à tenter de se « réparer » ou de les cacher aux autres.
Être pleinement confiant dans sa capacité à résoudre les problèmes et rester combatif dans la difficulté. Ne pas hésiter à demander de l'aide quand on en a besoin.
Faire confiance à son propre jugement, et ne pas se sentir coupable quand d'autres n'aiment pas nos choix ou positions.
Ne pas avoir peur de commettre des erreurs et ne pas avoir honte de les reconnaître : c’est un gage de morale et de sens des responsabilités.
Avoir des convictions fortes, mais être assez confiant en soi pour modifier sa façon de penser à la lumière de l'expérience.
Se montrer bienveillant et coopérer avec les autres aussi longtemps qu'ils coopèrent, mais résister aux manipulations.
Avoir un comportement clairement identifiable, plutôt que chercher à jouer au plus malin, pour que les autres comprennent tout l'intérêt de coopérer.
Ces principes ne sont en soi pas surprenant (ce qui n’enlève rien à leur pertinence) ni difficile à appliquer. Ce qui l’est assurément, en revanche, est de naviguer à contre-courant des vagues d’informations et d’images qui nous assaillent. Et pourtant, il le faut, surtout quand c’est le seul moyen d’arriver à bon port.
Source : Gilles Azzopardi, Allez bien dans un monde qui va mal, Eyrolles, 2022
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