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Publié le 05/04/2023, mis à jour le 26/04/2023
Connaissance de soi
Notre destin est-il inscrit dans nos gènes?
Quelle est la part d’inné et d’acquis dans notre personnalité?
S’il est admis que le poids, la couleur des yeux, la taille ou le risque de maladie viennent de notre héritage génétique, qu’en est-il de notre personnalité?
Du XIXème siècle, à partir des travaux de Freud, jusqu’au XXème siècle tardif, les chercheurs estimaient que notre personnalité se construisait en fonction de notre environnement. Environnement qui regroupe la culture, le contexte familial et socio-économique ainsi que des évènements (heureux et malheureux) suffisamment forts pour marquer notre personnalité.
En clair, notre psychologie est façonnée par l’extérieur.
Les récentes découvertes issues de l’épigénétique selon laquelle nos comportements influencent nos gênes vont dans ce sens.
Il semble que l’inverse soit aussi vrai: nos gênes influencent notre comportement, notre personnalité et nos capacités cognitives.
Une mesure appelée héritabilité indique dans quelle proportion un élément physique ou cognitif est génétiquement influencé.
Par exemple, le poids a une héritabilité de 70%, la réussite scolaire a une héritabilité de 60% et la personnalité a une héritabilité de 40%.
Cette découverte «choc» est le fruit des recherches de Robert Plomin, psychologue, généticien et professeur de génétique comportementale à l’Institut de psychiatrie, de psychologie et neuroscience du King’s Collège.
Dans son ouvrage «L’Architecte invisible» (Les presses de la Cité, Perrin), Plomin affirme : «l’ADN est le principal facteur de notre personnalité. Les différences génétiques héréditaires sont l’essence de l’individualité humaine.»
Une conclusion à laquelle il est venu après avoir exhumé plusieurs découvertes majeures sur l’ADN.
Nous nous focaliserons sur celles qui mettent le plus à mal l’idée que nous soyons des «produits» de notre environnement.
Que doit notre personnalité à nos gènes?
L’héritabilité ascendante
Les études sur les jumeaux et les enfants adoptés débutées dans les années 1970 ont apporté trois grandes découvertes: La première étant que l’héritabilité augmente avec l’âge. Vous avez peut-être remarqué que plus vous vieillissez, plus vous ressemblez physiquement à votre mère ou à votre père. C’est la même chose pour votre personnalité et surtout pour vos capacités cognitives (mémoire, aptitude verbale, repères spatiaux et intelligence). Dans une vaste étude publiée en 2010 , il a été démontré que l’héritabilité de l’intelligence augmente considérablement de l’enfance (40%) à l’adolescence (55%) et au début de l’âge adulte (65%). La seconde découverte vient d’un étonnant constat. Les membres d’une fratrie sont généralement très différents au niveau des caractères, alors qu’ils sont génétiquement identiques à 50%. Certains frères et sœurs sont même l’antithèse de l’autre. L’un est rêveur, l’autre pragmatique. L’un est extraverti, l’autre timide. Etc. Les 50% de différence sont dues à l’environnement, mais cette influence apparait de façon beaucoup moins évidente que celle de l’ADN.L’insaisissable environnement non-partagé
L’environnement se départage en deux catégories:- L’environnement partagé qui est le foyer, l’éducation parentale ou bien l’école.
- Reste l’environnement non-partagé qui regroupe les environnements propres à chaque frère et sœur (l’école, les professeurs, les amis etc.). Ainsi que les expériences non partagées au sein d’un environnement partagé. Les frères et sœurs ont beau vivre au sein d’une même famille, leur expérience de vie est différente selon chacun. Les parents peuvent consciemment ou non interagir de façon différente avec chacun de leurs enfants.
L’inné de l’acquis
Cette découverte révèle que les indicateurs environnementaux utilisés pour comprendre certains traits psychologiques sont influencés par les gènes. Des milliers d’études en psychologie sont fondées sur des mesures de l’environnement comme les modes d’éducation familiale ou les évènements de vie pour expliquer pourquoi une personne est extravertie ou renfermée. Ou pourquoi tel enfant réussit mieux à l’école qu’un autre. Par exemple, de nombreuses études démontrent que plus les parents lisent des histoires à leurs enfants, plus ces derniers ont de la facilité à apprendre à lire. Or, les recherches génétiques nuancent ce qui apparait comme une relation de cause à effet évidente. Elles dévoilent que les enfants ayant des facilités d’apprentissage ont une appétence naturelle pour la lecture et sollicitent leurs parents pour qu’ils leur lisent une histoire. D’où l’idée de «l’inné de l’acquis», les enfants exploitent leur environnement (acquis) pour satisfaire un plaisir propre (inné). Second exemple, il est avéré que les enfants de divorcés ont plus de chance de divorcer. L’explication courante étant que l’environnement les a privé d’un modèle de couple durable. Et pourtant, une étude d’adoption suédoise publiée en 2018 a démontré que le lien entre le divorce des parents et celui de leurs enfants est de nature génétique. Cette étude n’est que le reflet de l’ensemble des études portées sur le divorce et qui mènent à la conclusion que l’héritabilité du divorce est de 40 %. 60% des causes de divorces sont dues à d’autres facteurs, mais la génétique en est le facteur systématique le plus important. Idem pour la réussite scolaire qui est influencée génétiquement à 60% et «seulement» à 40% par l’environnement. La réussite scolaire s’explique beaucoup moins par la qualité d’un établissement que par la génétique des élèves. Il est intéressant ici de s’intéresser aux conséquences sociales de ces découvertes.Quelles sont les conséquences des découvertes sur l’ADN?
L’Impact sociétal des découvertes sur l’ADN
Avant tout chose, notons qu’il n’existe pas un gène du divorce ou de la réussite scolaire. Pas plus d’ailleurs qu’il n’existe un gène de la schizophrénie ou de la dépression. C’est une myriade de gènes impliqués que nous avons tous en nous mais qui s’expriment de façon différente chez chacun. Le deuxième point s’échappe de l’observation scientifique pour s’intéresser à l’impact sociétal de ces découvertes. Ces données ont de quoi faire tiquer, car concrètement qu’est-ce que cela implique au niveau de la de la méritocratie, de l’égalité des chances et de la justice sociale? Est-ce à dire qu’il existerait une élite génétique naturelle ? Pour combler les problèmes sociaux, nous avons tendance à agir sur l’environnement, or les découvertes sur l’ADN minimisent son impact. Il serait peut-être judicieux d’envisager des solutions radicalement innovantes pour plus d’équité. Le généticien rappelle à ce titre que l’égalité des chances n’est pas l’égalité des résultats. Elle suppose simplement que nous devons tous partir avec les mêmes ressources éducatives. Et l’inégalité des situations socio-professionnelles serait peut-être mieux acceptée si elle était compensée par une meilleure justice fiscale.Le risque improbable d’une élite génétique
Par ailleurs, même si demain nous étions recrutés en fonction de notre ADN, cela ne veut pas dire que nous verrions une caste d’élite génétique s’installer. Les enfants et les parents ne se ressemblent génétiquement qu’à 50%. Il y a une chance sur deux pour que des parents brillants donnent naissance à des enfants brillants. Comme il y a une chance sur deux que leurs enfants aient un QI inférieur au leur. Si nous admettons que la moyenne générale du QI est de 100, des parents ayant un QI moyen de 130 devraient avoir des enfants dont le QI moyen est de 115. C’est comme pour la taille. Des parents d’1,90m feront des enfants d’1,80m qui resteront plus grand que la taille moyenne de la population qui est de 1,70m. La situation inverse se retrouve aussi. Des parents aux aptitudes moyennes peuvent avoir des enfants aux aptitudes élevées. Etant donné qu’il y a beaucoup plus de parents moyennement doués que de parents très doués, il est garanti que les enfants très doués ont très souvent des parents moyennement doués. Plomin note qu’entre chaque individu, la différence moyenne de QI est de 17 points, la différence entre parents et enfants (ou frères et sœurs) est de 13 points, ce qui ne permet donc pas d’installer une quelconque élite. Cette conclusion nous amène à aborder un dernier point, à savoir la possibilité de lire son avenir grâce à l’ADN.Votre avenir se lira-t-il dans votre ADN?
La génétique n’est pas déterministe
Robert Plomin a longtemps hésité avant de publier son ouvrage. On peut le comprendre au regard des questions polémiques enclenchées lors de la première édition de son livre. Si ce que nous sommes est inscrit dans nos gênes, que reste-t-il de notre libre arbitre? Dans la seconde édition, le généticien se justifie fermement. Il n’a jamais évoqué l’existence d’un déterminisme génétique mais seulement d’une influence génétique. Une influence dont il compare l’impact à des murmures ou des petites pichenettes. Pour paraphraser Goethe, l’ADN décrit à peu près les cartes que nous avons, mais ne prédit en rien comment nous allons les jouer. Et nous avons beaucoup de marge de manœuvre. Notamment au regard de l’insondable influence environnementale et de l’épigénétique qui détermine comment notre mode de vie peut influencer nos gènes. Il est peut être regrettable que Plomin ait justement écarté l’épigénétique. Il explique son choix en arguant que les recherches génétiques sont si vastes qu’il faut bien délimiter les cadres de son propos. Ces attaques médiatiques essuyées par Plomin prennent certainement leur source au tout début de son ouvrage quand il interpelle son lecteur par un «Et si je vous annonçais qu’un nouveau bidule [grâce à la génomique personnelle] était capable de lire l’avenir et de prédire des caractéristiques psychologiques comme la dépression, la schizophrénie et la réussite scolaire? Lire l’avenir est un terme exagéré au regard de la nature probabiliste des gènes. Toutefois, ne pas reconnaître leur force serait certainement une posture tout aussi décalée.Penser l’ADN comme un éclaireur
Après tout, au point de vue de la santé, plus nous sommes informés des maladies et des troubles à risque, mieux nous pouvons nous protéger. Enfin, connaître nos atouts et faiblesses génétiques (ainsi que ceux de notre progéniture) conduiraient certainement à mieux nous accepter en nous déculpabilisant. Quand face à un régime nous n’essuyons que des échecs et des obstacles, peut-être serait-il plus judicieux de lâcher-prise . La persévérance est une qualité magnifique mais qui (comme toutes les autres) ne peut faire l’économie de l’équilibre. Au risque de se transformer en acharnement et de nous coûter cher en santé. Nos gènes ne combattent pas contre nous, ni ne nous empêchent de vouloir être ce que nous souhaitons. Bien au contraire, ils éclairent nos potentiels et nos affinités. En somme, ce qui a le plus de chance de contribuer à notre épanouissement. Telle est la conviction intime de Robert Plomin.Source : Robert Plomin, L’Architecte invisible, Les Presses de la Cité, Perrin, 2023
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