Mal de gorge, nez bouché, écoulement nasal, mal de crâne ou fièvre, vous reconnaissez ici les symptômes du rhume. Nous contractons, en moyenne, 4 à 6 rhumes par an. Au minimum, cela revient à dire qu’une fois tous les trimestres, nous sommes atteints d’« une inflammation de la muqueuse des voies respiratoires, en particulier des fosses nasales ». La faute à qui ? La faute au froid. Qui ne s’est pas entendu dire, enfant : « couvre toi ou tu vas t’enrhumer ! » Mais est-ce juste scientifiquement ? Eh bien non !
Le froid, un bouc-émissaire idéal
Et pas qu’en France ! En anglais, rhume et froid ont un même mot « cold », mais cette particularité anglaise se retrouve aussi dans le sanskrit, le chinois ou le japonais. Bien qu’Hippocrate en son temps dénonçait déjà cette idée reçue populaire, certains scientifiques ont voulu démontrer que le froid était la cause du rhume. Au milieu du XIXème siècle, un certain médecin du nom de Anglada soutint une thèse à Paris du nom de Du coryza simple (comprenez le rhume simple).
Il explique que le rhume se déclenche par refroidissement inaperçu de la tête ou des pieds. A la même époque en Allemagne et en Suisse, des médecins expliquaient que le froid fermait les pores de la peau, empêchant ainsi la transpiration naturelle d’évacuer. Ce trop-plein d’humidité était alors condamné à s’évacuer par le nez.
Même si cette explication peut prêter à sourire, pour l’époque elle était plus que crédible, d’autant plus qu’elle s’appuyait sur des faits observables et compréhensibles ; elles étaient donc naturellement adoptées à l’unanimité dans les esprits de tous. Comme le dit joliment Maël Lemoine : « L’homme est ainsi fait qu’il a l’illusion que ses opinions viennent de lui, alors qu’elles dépendent davantage de l’endroit où le hasard l’a fait naitre et vivre ».
Le froid, facteur favorisant le rhume
Les vraies raisons qui font du froid un bouc-émissaire idéal, c’est qu’il peut effectivement produire une réaction temporaire présentant les mêmes symptômes que ceux du rhume. Irritation et contraction de la gorge, écoulement nasal, toux, frisson, malaise, sensation de fièvre. Pour autant, ces réactions disparaissent beaucoup plus vite qu’un rhume. Le froid seul ne peut pas provoquer de rhume, c’est un facteur qui peut favoriser son implantation, tout au plus.
A ce propos, Ronald Eccles, spécialiste contemporain du rhume, a exploré cette hypothèse du froid comme « terreau fertile pour le rhume ». Le froid provoquerait un affaiblissement du système immunitaire. Effectivement, n’importe quelle partie du corps soumise au froid provoque une contraction des vaisseaux sanguins du nez, ce qui fait baisser la température interne du nez de plusieurs degrés.
Or le rhinovirus se reproduit beaucoup plus efficacement à 33° qu’à 37° (température normale de la zone nasale). Ce phénomène n’a été observé qu’en éprouvette cependant. Cette hypothèse, bien que la plus aboutie, n’a donc pas été prouvée. Voyons maintenant, qui est à l’origine du rhume.
Le rhinovirus, notre vrai coupable
Le coupable n’est pas le froid, mais un virus. Comme tout virus, le rhinovirus est condamné à n’avoir qu’une semaine pour s’installer et faire souche, et ne peut survivre dans l’organisme que quelques semaines de plus. Pour survivre, notre virus doit migrer, autrement dit contaminer l’entourage de son porteur. Les écoles et les crèches forment ainsi des « plateformes de transport international pour virus ». Observez le pic annuel du rhume, c’est en septembre, à la rentrée des classes. La promiscuité favorise donc la propagation et la durée de vie du virus. Si le froid joue un rôle, il est indirect. Il provoque l’envie d’être au chaud et de se grouper dans un espace restreint.
Les mains comme facteur de transmission
Une autre idée reçue favorise la contamination : choisir de serrer les mains plutôt que de faire la bise. Effectivement, c’est par les mains que se transmettent les virus. Les gens qui se touchent le nez ou les yeux, offriront une nouvelle terre de colonie pour les microbes en serrant la main de leur collègue. Les microbes plantés dans le creux de la main du collègue, passeront alors de la main au nez directement ou via le canal lacrymal (canal des yeux).
A contrario, la grande majorité d’entre nous refusent d’embrasser une personne enrhumée, alors que c’est sans danger. La salive n’y est pour rien dans la transmission du virus, la très grande majorité des virus circulent via le mucus (la morve). Ce n’est qu’en cas de forte toux, quand le mucus peut finir dans la salive, qu’on peut attraper un rhume via un baiser. Presque sans risque de contamination, vous pouvez donc continuer à vous rouler des pelles ou faire la bise.
Pour résumer jusqu’ici :
« On a plus de chance d’être contaminé par un ami enrhumé en lui serrant la main sous un ciel pluvieux, que sous un éclatant ciel bleu, mais vous n’attraperez aucun virus si vous êtes seuls sous la pluie ».
Pas de virus, pas de rhume, c’est aussi simple que ça. Voyons maintenant, quelques recommandations pour éviter d’attraper ce virus.
La recette de notre remède
Quelques précautions à suivre :
- Ne laissez pas vos mouchoirs trainer partout.
- Désinfectez les zones à risques (celle que vous touchez, comme les poignées de portes), et renouvelez l’air en ouvrant les fenêtres.
- Lavez-vous souvent les mains en période d’épidémie de rhume chez vous.
- Ne serrez pas les mains de votre chère et tendre, et pas de bisous-esquimaux (frottement avec nez), avec vos enfants enrhumés.
Et avant de nous quitter, voici d’autres petites idées reçues autour du rhume :
Il ne sert à rien de vous coucher avec 30 couettes sur vous. A part
devoir laver vos draps le lendemain, vous n’y gagnerez rien, la transpiration ne nous soigne pas du rhume.
Inefficaces dans le traitement du rhume, ne vous en privez pas si vous trouvez les grogs délicieux. Se faire plaisir aide aussi. Cependant, les principes actifs du thym, du miel et du citron du grog sont trop dilués dans l’eau chaude pour avoir un quelconque effet. En revanche, l’eau chaude permet de relaxer les muscles de la gorge et d’apaiser momentanément l’irritation.
Inefficace elle aussi. Nous héritons cette idée reçue des années 1970 via le prix Nobel de chimie de l’époque, Linus Pauling. Or aujourd’hui nous savons qu’il n’en est rien. La vitamine C ne soulage ni les symptômes du rhume, ni ne prévient son apparition.
Source : Maël Lemoine « Petite philosophie du rhume ou le remède pour ne plus jamais avoir froid », éditions Hermann, 2017