Pourquoi a-t-on besoin de donner un sens à sa vie...
Publié le 11/09/2024, mis à jour le 05/11/2024
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Pourquoi a-t-on besoin de donner un sens à sa vie ?
6 min de lecture
Pourquoi donner un sens à la vie ? Un regard critique sur les réflexions contemporaines
Cette question, à la fois intime et universelle, traverse les âges et les civilisations. Elle interpelle chacun à un moment ou un autre de sa vie. Pourtant, à l’ère de la modernité, où les anciens récits se sont effondrés et où l’individu se retrouve souvent déconnecté des valeurs transcendantes, cette quête semble plus pressante que jamais. C’est justement autour de cette interrogation que se structure le livre Pourquoi a-t-on besoin de donner un sens à sa vie ?, rédigé sous la direction de Stéphane Breton (hypnothérapeute et auteur d’articles scientifiques).
Cet ouvrage collectif réunit des penseurs issus de disciplines variées – de la philosophie à la psychologie, en passant par la sociologie et la psychanalyse – pour nous offrir une plongée profonde dans la quête de sens qui anime chaque être humain.
Avec des contributions d’auteurs tels que Serge Tisseron, Jean-Michel Salanskis, David Le Breton, Georges-Elia Sarfati, Abdennour Bidar, Pierre Bergounioux, et François Galichet, ce livre éclaire les multiples facettes de cette quête, souvent douloureuse mais essentielle, du sens. Il souligne aussi l’importance du lien à la nature, qui peut offrir un espace de ressourcement et de réflexion. Les recherches modernes confirment d’ailleurs les bienfaits de la nature sur notre bien-être.
Critique et nuancé, l’ouvrage ne cherche pas à fournir des réponses toutes faites. Il explore plutôt les nombreuses manières dont les individus, à travers l’histoire et dans nos sociétés contemporaines, tentent de donner un sens à leur existence.
L'urgence contemporaine de la quête de sens
L'ouvrage part d'un constat simple : la modernité, loin d'apporter un cadre unifié et rassurant, a laissé un vide. Avec la chute des récits religieux, des idéaux politiques et des grandes idéologies, l'individu se retrouve souvent confronté à une forme de vide existentiel. Les anciens récits de salut religieux, révolutionnaires ou scientifiques ont cédé la place à une quête individualisée du sens.
David Le Breton, dans sa contribution, souligne les paradoxes de la modernité : bien que nous soyons plus connectés que jamais, à travers les réseaux sociaux et les technologies numériques, l’individu n’a jamais été aussi isolé dans sa quête de sens. Selon Le Breton, ce n’est pas tant le manque de sens qui est un problème, mais plutôt sa prolifération désordonnée, où chacun est invité à créer sa propre signification dans un univers de choix infinis. Cette surcharge d'informations et d'options devient source d'angoisse et de désorientation. L'auteur critique la frénésie moderne, qui promet bonheur et accomplissement à travers la consommation et les modes de vie « réussis », tout en creusant un fossé entre la surface des choses et leur profondeur réelle.
Une approche multidimensionnelle du sens
Ce que le livre démontre brillamment, c’est que la quête de sens est loin d’être monolithique. Elle peut revêtir des formes aussi variées que la spiritualité, l'engagement social, l'amour ou encore l'art et la création. Pierre Bergounioux, dans ses réflexions sur la littérature et l’écriture, rappelle que l’écriture a toujours été un outil pour figer l’intangible et exprimer l’inexprimable. La littérature, tout comme l'art, permet non seulement de transmettre des émotions, mais aussi de construire des récits qui donnent sens à la vie humaine dans toute sa complexité.
Serge Tisseron, de son côté, explore la manière dont nos actes quotidiens, si modestes soient-ils, ont un impact sur notre perception du sens. Selon lui, ce ne sont pas toujours les grandes actions ou les événements extraordinaires qui donnent de la profondeur à l’existence, mais souvent les petites routines, les gestes anodins qui, accumulés, forment une trame qui structure le sens. Il soulève toutefois une critique importante : à une époque où tout est calculé, mesuré, quantifié, comment redonner à ces petits gestes une signification qui ne soit pas simplement fonctionnelle ?
Viktor Frankl et la logothérapie : une philosophie de la souffrance et du sens
Le livre accorde une place centrale à la logothérapie de Viktor Frankl, une figure majeure de la réflexion sur le sens dans la souffrance. Frankl, rescapé des camps de concentration nazis, développe l’idée que même dans les conditions les plus extrêmes, la vie peut conserver un sens. La logothérapie, qu’il a développée, repose sur l’idée que la souffrance, inévitable, peut être transcendée par la recherche d’un sens personnel. Pour Frankl, l’individu ne peut échapper à la souffrance, mais il peut choisir comment il y réagit, en trouvant un sens à travers ses épreuves.
Georges-Elia Sarfati approfondit cet aspect en montrant comment la logothérapie a révolutionné l’approche psychothérapeutique en remettant la question du sens au centre du processus de guérison. Selon lui, les thérapies modernes tendent souvent à se concentrer sur l’élimination des symptômes sans s’attarder sur le vide existentiel sous-jacent. Sarfati critique cette approche en soulignant que les patients ne cherchent pas seulement à soulager leur souffrance, mais à comprendre pourquoi ils souffrent et comment cette souffrance peut être intégrée dans un récit plus vaste de leur existence.
La spiritualité comme réponse aux incertitudes modernes
Dans une société où les valeurs transcendantales sont souvent remises en question, la spiritualité reste un refuge pour beaucoup, comme le montre Abdennour Bidar. Dans une réflexion à la fois spirituelle et philosophique, Bidar défend l’idée que l’homme moderne a toujours soif de transcendance, même lorsqu’il rejette les cadres religieux traditionnels. Il explore le concept de « lumière au-delà de la lumière », une transcendance qui dépasse les catégories classiques du divin, pour proposer une spiritualité plus ouverte et individuelle. Bidar ne défend pas une religion, mais une quête de sens où chacun peut s'élever au-delà de lui-même, dans une expérience spirituelle personnelle.
Pourtant, cette quête spirituelle n’est pas exempte de défis. Bidar met en garde contre la tentation de réduire la spiritualité à une simple recherche de confort intérieur ou d'apaisement face à l'angoisse. La véritable quête de sens spirituel, selon lui, exige un engagement profond, un dépassement de soi qui va au-delà des solutions de facilité offertes par la société de consommation.
Le sens face à la mort et à la finitude
Un autre fil conducteur important du livre est la manière dont la mort et la finitude humaine sont des moteurs dans la recherche de sens. François Galichet aborde la question avec subtilité, en rappelant que la conscience de la finitude n’est pas un frein à l’existence, mais bien ce qui la rend significative. Sans la conscience que la vie est limitée, il n’y aurait pas cette urgence à chercher un sens, à agir, à laisser une trace.
Les réflexions de Jean-Michel Salanskis s’inscrivent dans cette continuité. Il critique toutefois l’idée, trop souvent simplifiée selon lui, que la mort seule donne du sens à la vie. Pour Salanskis, le rapport à la mort est plus nuancé : si la conscience de la finitude est importante, elle ne suffit pas à elle seule à structurer le sens de l’existence. Ce qui compte, c’est la manière dont chaque individu choisit de vivre avec cette conscience, d’en faire un moteur pour agir dans le présent et se projeter dans l’avenir.
Le collectif comme espace de redécouverte du sens
Une critique récurrente dans le livre, notamment par Serge Tisseron et Jean-Michel Salanskis, est l'isolement dans lequel la société moderne plonge les individus. La quête de sens, bien que personnelle, ne peut se faire en dehors d’un cadre collectif. Le sens de la vie, en partie, se construit dans les relations que nous entretenons avec les autres et dans les projets communs.
Georges-Elia Sarfati insiste sur l’importance du collectif dans la structuration du sens. Les communautés, que ce soit la famille, le travail ou les engagements sociaux, sont des lieux où le sens se tisse, où les valeurs sont partagées et où l’individu trouve un écho à sa propre quête. À une époque où l'individualisme est souvent célébré, Sarfati invite à redécouvrir la richesse des interactions humaines comme sources de sens.
Une quête sans fin, mais essentielle
Le livre "Pourquoi a-t-on besoin de donner un sens à sa vie ?", sous la direction d'André Breton, est une œuvre dense, riche, et nuancée. Il ne se contente pas de poser la question du sens de manière abstraite, mais explore en profondeur les multiples facettes de cette quête à travers des approches aussi diverses que la philosophie, la psychologie, la spiritualité, et l’art.
La quête de sens, comme le montre ce livre, est un processus sans fin. Elle n’a pas de réponse unique ni de solution définitive. Elle est marquée par l’incertitude, les contradictions, et parfois le désespoir. Mais c’est justement dans cette incertitude que réside la possibilité de créer, de se réinventer, et de vivre pleinement.
Les auteurs ne cherchent pas à nous fournir des réponses toutes faites, mais nous invitent à embrasser la quête de sens comme un chemin personnel, parfois difficile, mais profondément enrichissant.
Source : Pourquoi a-t-on besoin de donner un sens à sa vie ? de Stéphane Breton aux édtions L'aube
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