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Publié le 12/11/2020, mis à jour le 16/06/2022
Sujets d'actualité
Préhistoire : le chasseur était une chasseuse
Découverte archéologique au Pérou
Il est communément admis qu’à la Préhistoire, le rôle de chacun était déterminé en fonction de son sexe. Les femmes s’occupaient du foyer et de la cueillette, tandis que les hommes s’acquittaient de la pêche et de la chasse. Il semblerait pourtant que les choses n’aient pas toujours été aussi tranchées.
En 2018, Randall Haas, archéologue à l’Université de Californie à Davis et son équipe ont découvert au Pérou la sépulture d’un individu enterré il y a environ 9000 ans, avec son kit d’outils. Un kit plus que complet, composé de 24 outils servant à abattre, dépecer et préparer la peau et la viande.
A première vue, Randall Hass pense qu’il s’agit de la tombe d’un grand chasseur, voire d’un chef de clan. Or, après analyse des os et de l’émail des dents, il s’avère que notre chasseur de grand gibier était, en fait, une chasseuse.
Lumière sur les chasseuses de la Préhistoire
Intrigué par sa découverte, Randall Hass décida de pousser l’enquête plus loin et d’examiner les autres sépultures similaires en Amérique pour vérifier si la chasseuse péruvienne était une exception.
Sur des centaines de tombes étudiées, seules 27 pouvaient fournir l’identité sexuelle exacte de leurs occupants, et l’assurance qu’ils ont bien été enterrés avec leurs outils de chasse. Il s’avéra que 11 individus étaient des femmes et les 16 autres des hommes. Conclusion, on peut avancer qu’entre 30 et 50 % des chasseurs auraient pu être des chasseuses.
Etonnant ? Pas tant que cela.
Selon le paléoanthropologue Pascal Picq, les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient plus égalitaires que les sociétés agricoles patriarcales des régions méditerranéennes et du croissant fertile.
Par ailleurs, si les femmes s’occupaient des petits, ceux-ci n’étaient pas en surnombre. L’humain fait partie des grands animaux dont la stratégie de reproduction est qualitative. Autrement dit, on fait peu d’enfants mais on s’en occupe longtemps.
Et les chasseurs-cueilleurs vivant en groupe, les femmes qui n’étaient pas enceintes ou allaitantes pouvaient laisser leurs petits à la charge des anciens et de leurs comparses pour partir chasser avec les hommes. Plus le groupe de chasse est important, plus les chances de survie et de succès sont fortes.
Des chasseuses longtemps ignorées
Selon Pamela Geller, archéologue à l’université de Miami, de nombreuses autres tombes de chasseuses ont été découvertes, et ce, depuis longtemps. Mais personne n’a jugé opportun de les identifier comme telles.
Pour les archéologues, il était acté que seuls les hommes chassaient et que la rigide division sexuelle des tâches étaient vraies dans toutes les communautés, où qu’elles soient dans le monde. Si on retrouvait une femme enterrée avec des outils, on estimait que c’était pour un motif symbolique ou religieux.
Pourtant, cette explication ne colle pas forcément, car les objets symboliques ou religieux sont toujours précieux. Et même si une boîte d’outils de chasse présente des instruments sophistiqués (et donc précieux), plusieurs autres sont grossiers et appartiennent clairement au champ du quotidien.
Cela soulève un autre point que Pascal Picq avait évoqué : les disciplines comme l’anthropologie, l’archéologie, la paléontologie, l’ethnologie etc., sont toutes apparues au 19ème siècle dans des sociétés européennes très patriarcales. Sociétés dont nous sommes les héritiers directs. Les chercheurs d’hier et d’aujourd’hui sont donc forcément nourris par leurs conditionnements et paradigmes.
Ce qui n’est pas sans risque pour la recherche, car les découvertes allant à l’encontre de leurs croyances peuvent être niées ou expliquées de façon à ce que cela fasse sens pour eux. N’oublions pas que le cerveau est très fort pour se raconter des histoires, créer du sens là où il n’y en pas et combler les « blancs », quitte à ce qu’on soit complètement à côté de la plaque.
Pour tous, il est difficile de savoir faire preuve d’objectivité, et ce n’est pas forcément un problème, à condition qu’on en soit vraiment conscient. A ce titre, les chercheurs devraient avoir un « devoir de pleine conscience » afin de limiter au mieux l’impact de leurs carcans et subjectivité dans leur travail.
Redéfinir le masculin et le féminin
Ces (re)découvertes archéologiques sont intéressantes, et tombent quelque part à point, à l’heure où les relations hommes-femmes connaissent une crise (ce qui est une bonne chose car c’est le signe d’une évolution). Elles remettent en question les arguments d’autorité utilisés pour justifier une organisation sociale discriminante, en plus d’établir une hiérarchie de valeurs entre les femmes et les hommes.
A ce propos, il est une réalité historique importante à rappeler mais que nous avons tous tendance à oublier : ils sont rares les moments où le champ d’action de la femme se soit restreint au foyer. Les femmes qui sont restées à la maison étaient les nobles, les bourgeoises (donc une toute petite minorité) et celles ayant vécu durant les Trente Glorieuses où l’abondance permettait de faire vivre la famille avec un seul salaire. Mais depuis le choc pétrolier, les femmes sont reparties « chasser des ressources », comme l’ont fait les paysannes, les ouvrières, les domestiques et les épouses des commerçants et artisans avant elles.
Aujourd’hui, le défi véritable qui nous attend est intellectuel. Il demande que l’on questionne à nouveau notre vision binaire du genre humain.
Des questions qui ne sont pas neuves, et qui sont même au centre de certaines écoles spirituelles où pour se sentir complet et épanoui, il faut aller à la rencontre de ses parts masculines et féminines que tout un chacun possède en lui. Un vaste programme !
Source : nationalgeographic.com
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Publié le 12/11/2020, mis à jour le 16/06/2022