En terminant la lecture de l’ouvrage de Marielle Barbe intitulé Profession Slasheur publié aux éditions Marabout en août 2017, on s’est regardé et on s’est dit : « mais, c’est toi, c’est moi, c’est nous quoi… ! ».
Alors avant de partir un jour à New-York avec vous, on a invité l’auteure à partager un thé dans un de nos jolis cafés parisiens. Avec elle, on a exploré les enjeux du monde du travail d’aujourd’hui, de ceux des années à venir, et de chercher encore et toujours l’intérêt pour nos organisations d’un épanouissement personnel et professionnel de chaque travailleur. Cette recherche s’opère par l’identification et la valorisation de ses différents potentiels, qui rendent possible de se reconvertir, de jongler entre plusieurs casquettes, ou de cumuler plusieurs qualifications et professions.
Les mutations en marche des modes de travail
Les quatre grandes mutations sont :
La transformation numérique et la robotisation ont impacté l’ensemble des unités propres au travail : le temps, le lieu, l’action, le statut du salarié
La majorité des arts et métiers du futur doivent encore émerger ;
Le schéma d’un emploi salarial à vie et la retraite de base attendue devient obsolète ;
De nouveaux besoins avec la recherche de sens et de bien-être au travail inhérente à toutes ces données devient primordiale pour cultiver la motivation, développer l’enthousiasme, les envies (envie de changer de vie, d’effectuer une reconversion ou de réorienter sa carrière) et la curiosité de chacun, favorisant ainsi la créativité et l’innovation.
La compréhension de ce schéma devient alors intuitive : en révélant les talents, les potentiels et les compétences des personnes, cela permet à chacun de s’épanouir et de se réaliser pleinement et cela ouvre de nouvelles formes de travail et voies d’évolution et d’expansion pour nos organisations dans le monde professionnel.
L’enjeu est double : individuel et collectif. Et nous sommes d’accord : l’un ne va pas sans l’autre.
D’où vient le mot « slasheur » ?
Une personne, plusieurs potentiels
Composé à partir du mot anglophone « slash » bien installé dans notre langage courant, le mot « Slasher » apparaît pour la première fois en 2007 dans le livre de la sociologue Marci Alboher devenu un best-seller : One Person, Multiple Careers.
Déjà en 2006, Barbara Sher, coach en développement personnel, explore dans son texte « Refuse to choose » la tendance de certaines personnes à ne pas choisir entre différentes activités professionnelles. Oui le non-choix peut être aussi un choix !
Depuis 2015, Emilie Wapnick anime un blog Puttylike et est devenue leader de la communauté des « multipotentialistes ». Ses publications et ses conférences TEDx ont été suivies par plusieurs millions de personnes ; son livre How to be everything est paru en mai 2017. Emilie a eu le mérite de s’attaquer à l’un des premiers préjugés : non, nous n’avons pas tous une vocation, et pour beaucoup d’entre nous, il s’agirait même d’une quête illusoire.
L’incapacité perçue à ne pas répondre assez vite à la fameuse question « que veux-tu faire plus tard ? » est pour certains, génératrice de peurs et frustrations, de gaspillage de temps et d’énergie, d’orientation subie et par conséquent d’ennui et d’insatisfaction.
L’état d’esprit du slasheur
Oui il est possible de s’affranchir du poids de la norme, la théorie de la « moyenne » ou de la « normalité » étant aujourd’hui reconnue comme absurde.
C’est un peu tout cela être slasheur : trouver ce qui nous convient en matière de travail, affirmer ce que nous aimons, ce qui est bon pour nous, aller vers quoi nous sommes doués, équilibrer ses passions, ses envies professionnelles et ses talents, CHOISIR d’avoir plusieurs emplois, afin de ne plus avoir à occulter les différentes facettes de sa personnalité, et d’être capable de s’adapter en permanence à l’impermanence de notre environnement.
Evidemment cela prend du temps et implique de bien se connaître : doux mélange d’audace et de courage pour affirmer sa singularité et d’humilité et de sagesse pour parfois accepter de se faire aider.
Des explorateurs de leur propre vie
Être adepte de la pluriactivité
Certaines conditions sont nécessaires comme se poser les bonnes questions, celles qui sont essentielles : Quelle est ma raison d’être ? Mon fil conducteur ? Mes sources d’enthousiasme ? Quelles sont mes compétences, mes motivations ? Comment j’organise tout ça sans être amené à vivre dans la précarité ? Comment puis-je bénéficier du cumul de plusieurs activités ?
C’est ce chemin que nous décrit Marielle Barbe dans son ouvrage en partageant ses clés de compréhension, des grilles de lecture, des outils, des exercices, des témoignages et des exemples.
Rencontre avec Marielle Barbe, auteur de « Profession Slasheur »
Qui êtes-vous Marielle ?
MB : Longtemps, quand on me demandait ce que je faisais dans la vie, je ne savais pas quoi répondre ! »
Aujourd’hui, Marielle est une slasheuse pleinement assumée. Elle est formatrice / Coach / Consultante / Auteur…Passionnée depuis toujours par le capital humain et sa capacité à contribuer au « bon sens » du monde, c’est en toute logique que sa vie professionnelle s’est construite au croisement du développement durable, du développement personnel et de l’évolution professionnelle.
Pourquoi as-tu écrit ce livre ?
MB : J’ai écrit le livre que j’aurais aimé pouvoir lire plus tôt… J’espère de tout cœur qu’il permettra à tous les curieux pluriactifs de gagner du temps et de prendre toute la mesure de leur valeur ajoutée et de leurs atouts. Modestement et avec beaucoup d’espoir, j’espère qu’il sera aussi une caisse de résonance pour questionner et accompagner la place de chacun dans la société et dans sa relation à son Parce nous sommes entrés dans l’ère des « vies complètes » et que je suis convaincue que le monde a plus que jamais besoin de profils professionnels multiples !
Son message:
MB : Chaque individu, chaque collaborateur est une pépite “ignorée” de l’entreprise et qui ignore parfois lui-même l’étendue de son potentiel et de ses possibles. Il est donc nécessaire et urgent d’identifier, de révéler et de valoriser non seulement les talents, dons, compétences des personnes dans les entreprises mais aussi toutes les connexions, les valeurs ajoutées que cela génère.
Existe-t-il un profil-type de slasheur ?
Qui peut exercer plusieurs métiers ?
Il ne peut avoir d’identité typographique commune, car par définition un slasheur – ni personne d’ailleurs- ne rentre véritablement dans « une case » ou ne correspond à « une étiquette » que l’on voudrait bien nous donner ! Nous sommes tous singuliers ! Et la vie est tout sauf linéaire, elle est organique, évolutive !
Slasher, à mon sens, est avant tout un état d’esprit, une posture, une façon singulière d’envisager la vie professionnelle.
De par mon expérience et mes rencontres avec différents slasheurs qui le sont par choix, on retrouve chez ces personnes quelques caractéristiques communes, telles que : un esprit indépendant et agile, une curiosité insatiable, l’envie, la polyvalence, l’agilité, la flexibilité avec une adaptation aisée au changement, une soif de liberté, un besoin de sens…
Quels sont vos futurs projets ?
MB : Je souhaite aujourd’hui travailler avec les entreprises pour leur apporter des grilles de lecture leur permettant de mieux comprendre chaque individu, de chercher tout ce que chaque collaborateur peut apporter à l’entreprise et surtout de pouvoir les accompagner à bon escient.
Actuellement, il n’existe en effet pas de fiche de poste ou de modèle d’évaluation pour les profils hybrides par exemple, or il s’agit d’un enjeu d’avenir pour les départements de Ressources Humaines et la gestion des talents.
J’ai l’intime conviction que la société tout entière est enfin prête à s’affranchir du modèle imposé de la mono-activité professionnelle. Le monde du travail, parce qu’il y est contraint et n’a plus le choix. Nous tous, parce que nous souhaitons que nos métiers soient avant tout au service de notre réalisation personnelle, de nos aspirations, de nos rêves. Et autant que possible aussi, de la bonne marche d’un monde plus vertueux. »
A nous de jouer ! Tous ensemble, d’être pleinement et de faire, d’incarner « ce changement que nous voulons voir pour ce monde ».
Les slasheurs en France
Selon le salon SME, les slasheurs seraient au nombre de 4,5 millions, soit près de 16% de la population active, 70% sont slasheurs le sont par choix.
Leurs motivations principales sont les suivantes : augmenter les revenus professionnels, ne pas laisser de côté leur passion, désir de travailler pour soi et de se libérer du lien de subordination en devenant leur propre-patron, modèle mixte : télétravail, coworking, bureau, équilibrage vie personnelle/vie professionnelle.
L’ouvrage de Marielle Barbe regorge de références bibliographiques : en effet, de nombreux articles de presse et études portant sur l’évolution du monde de travail, du marché du travail, la tendance à l’entreprenariat et au freelance, le sens au travail, la révolution managériale ont été rédigés récemment.