Internet regorge de tests divertissants pour décrire notre profil amoureux. Suivant nos réponses, nous sommes plutôt romantique, pragmatique, possessif ou altruiste.
Si s’intéresser à sa façon d’aimer permet de mieux se connaître, cela n’est qu’une première étape.
La seconde étape consiste à comprendre pourquoi nous avons développé un tel profil, comment en sommes-nous venus à aimer de telle façon?
Comme l’explique Stéphanie Hahusseau, médecin psychiatre dans son «Petit guide de l’amour heureux» (Odile Jacob), en psychologie, le profil amoureux indique le profil d’attachement affectif.
En observant la réaction de petits âgés de 18 mois quand leur maman s’éloigne, les psychologues observèrent 4 profils d’attachement.
Les profils sécure et évitant
- L’attachement sécure observé chez 62% des petits. Dans ce cas, l’enfant pleure quand il voit sa mère partir. Ses pleurs cessent rapidement et l’enfant reprend ses activités. Dès que sa mère réapparait, il court vers elle pour manifester sa joie de la revoir.
- L’attachement insécure évitant observé chez 14% des petits. Que sa mère parte ou revienne, l’enfant est comme insensible à sa présence. Il ne pleure pas à son départ, et ne la recherche pas à son retour. Son système d’attachement est sous-stimulé.
Les deux types de profils anxieux
- L'attachement insécure anxieux-ambivalent observé chez 9% des petits. Ici le système d’attachement est sur-stimulé. L’enfant est inconsolable au départ de sa mère. Quand elle revient, il court se coller contre elle tout en la repoussant quand il est dans ses bras.
Ces deux profils insécures ont développé deux stratégies de réponse au
stress totalement différentes. L’évitant en minimisant ses besoins émotionnels, l’anxieux en manifestant clairement sa détresse pour que sa mère réponde à ses besoins.
- L’attachement insécure anxieux désorganisé observé chez 15% des enfants. Au retour de sa mère, l’enfant reste dans une colère noire ou développe des comportements bizarres (tics, rester comme pétrifié, tomber face contre terre, marcher droit en détournant la tête).
Ici l’enfant n’a trouvé aucune stratégie pour répondre au
stress. On retrouve ce profil chez les enfants ayant eu des
parents excessivement anxieux, terrifiants et/ou maltraitants (allant de la négligence aux abus sexuels).
Adulte, nous gardons les mêmes profils d’attachements. Comme le résume Stéphanie Hahusseau:
«La relation filiale et la relation amoureuse sont du copier-coller. (…) Le profil amoureux est l'ensemble des émotions et des comportements issus de notre passé. Cela nous prédispose à penser, ressentir et à nous comporter en manifestant plus ou moins de méfiance, de confiance ou d'ambivalence envers les autres en général. Et dans la relation amoureuse en particulier».
Comment reconnaître son profil amoureux?
Les 4 profils amoureux
Les profils amoureux se décomposent donc ainsi:
- L’amoureux sécure n’a aucun mal à se rapprocher des autres émotionnellement. Il a confiance en lui et en son partenaire, qui est sa base sécure. Il est là pour lui, et réciproquement.
- L’amoureux insécure évitant. Totalement indépendant, il est distant, méfiant, presque froid. Les grandes effusions sentimentales l’étranglent. Il a tendance à minimiser ses besoins affectifs et n’a confiance en personne sauf en lui-même. Il est très à l’aise dans une relation tiède centrée sur les avantages financiers et sociaux du couple.
Ce n’est pas tant un trait de caractère qu’un mécanisme pour se protéger du risque d’être blessé. La grande hantise de l’évitant est qu’on lui fasse du mal.
- L’amoureux insécure anxieux demande beaucoup d’attention et de gestes d’affection de son partenaire. Il est totalement dépendant affectivement, manque de confiance en lui et angoisse chaque jour d’être abandonné. Dans sa tête, l’amour doit être fusionnel.
- L’amour insécure désorganisé. C’est le «dawa psychique et émotionnel». On n’en sort pas tout seul et sans l’aide d’un professionnel spécialisé dans les séquelles traumatiques.
Quel profil amoureux nous attire?
Contrairement à ce que nous pourrions croire, l’amoureux sécure n’est pas
forcément l’idéal pour tous. En fait, nous sommes plutôt attirés par des personnes correspondant à notre propre profil.
Toutefois, il n’est pas rare aussi de constater des couples aux besoins antinomiques comme le couple anxieux/évitant. L’anxieux s’attend à ce que son partenaire soit distant. Tout comme l’évitant s’attend à ce que son partenaire soit un pot de colle émotif.
Il est à noter que ces couples fonctionnent quand l’homme est évitant et la femme anxieuse. Dans le cas inverse, la relation ne dure pas longtemps.
Quoiqu’il en soit, avoir un partenaire au profil similaire rend le couple plus durable et plus heureux.
Ces profils sont-ils toutefois définitifs ou pouvons-nous changer?
Peut-on changer son profil amoureux?
Selon les études, on estime que 2/3 des individus gardent leur profil d’attachement hérité de la petite enfance:
- 83% des sécures restent sécures.
- 61% des évitants restent évitants.
- 50% des anxieux restent anxieux.
Le profil change donc pour 30 à 40% des individus. La raison est la même. Un sécure peut devenir insécure à la suite d’une rupture et/ou d’une relation amoureuse douloureuse.
Un insécure peut devenir sécure grâce à une relation satisfaisante et stable.
Notre profil amoureux est donc souple. Les circonstances peuvent le faire évoluer, mais également un travail sur soi-même.
Si les sécures n’ont pas besoin de changer quoi que ce soit, les évitants et les anxieux peuvent agir sur leur profil. En travaillant sur soi, c’est-à-dire son rapport à son passé et ses schémas cognitifs.
Les anxieux désorganisés, comme mentionné plus haut, ne peuvent pas agir seuls. Ils ont impérativement besoin d’une aide extérieure.
Actuellement, la recherche s’intéresse avant tout à l’analyse et à la description des différents comportements. Il existe peu de solutions ou de propositions pour changer son profil.
Les solutions proposées ici sont donc toutes issues de l’expérience clinique de Stéphanie Hahusseau.
Comment faire la paix avec son passé?
Pour atténuer son profil insécure, il faut avant tout prendre conscience de ses excès. Comprendre que certaines peurs (d’abandon, d’avoir mal) et réactions (fuite ou détresse émotionnelle) sont beaucoup trop fortes par rapport à la situation.
Le travail sur soi peut ensuite commencer. Il se compose à la fois d’un traitement de ses souffrances passées et d’une réorganisation de ses réflexes et
croyances.
Deux techniques permettent de revenir sur ses blessures d’enfance et souffrances émotionnelles. Le but étant de se confronter à ses souvenirs pour évacuer les émotions associées.
Stéphanie Hahusseau préconise pour ce faire deux techniques: l’autoreparentage et l’exposition aux souvenirs. Le but de la première étant d’affronter la douleur afin de la ramener à des proportions acceptables, moins intenses.
La technique d'autoreparentage se déroule ainsi:
- S'isoler et se replonger dans une situation de la journée où on a ressenti une grande souffrance.
- Évaluer sa souffrance (le sentiment d’abandon ou la peur d’avoir mal) sur une échelle de 10.
- Se concentrer sur l’endroit de son corps où la douleur émotionnelle agit. Faire plusieurs respirations à cet endroit pour l’amplifier.
- Laisser aller vagabonder son esprit vers son enfance pour voir apparaitre des images et des souvenirs.
- S’imaginer auprès de l’enfant que l’on a été et l’écouter nous raconter ce qu’il ressent. Le serrer ensuite très fort contre soi pour le rassurer ou le défendre face à ceux qui lui ont fait du mal. Cela contribuera à vous apaiser.
- Une fois apaisé, repenser et revenir à la situation présente et réévaluer la souffrance sur une échelle sur 10.
Raconter ses souvenirs
Avant de vous exposer à vos souvenirs, dressez une liste des
évènements les plus douloureux de votre vie d’adulte et d’enfant.
Programmez ensuite une soirée tranquille pour chacun de ses souvenirs et suivez les indications suivantes:
- Racontez par écrit un souvenir en entrant dans les détails. Déterminez quel est le moment le plus difficile du souvenir.
- Fermez les yeux et visualisez ce moment difficile.
- Respirez sans effort, et soyez attentif aux sensations physiques inconfortables éprouvées, ainsi qu'aux émotions négatives ressenties. Évaluez votre douleur sur 10
- Associez ce souvenir à la façon dont vous vous percevez viscéralement. Je suis nul, je suis coupable, je ne mérite pas d’être aimé, etc.
- Listez les conséquences de cette croyance sur votre vie. J’ai la sensation de ne rien mériter, je suis convaincu de ne pas être assez bien etc.
Une fois cette liste terminée, peut commencer l’exposition au souvenir. Le but étant de les ressentir, les nommer et de les accepter pour éviter qu’elles reviennent dans le présent.
S’exposer à ses souvenirs
- Allongez-vous et fermez les yeux en restant concentré quelques minutes sur votre respiration.
- Puis centrez-vous sur la région des battements du cœur. Essayez de percevoir à cet endroit les mouvements respiratoires.
- Visualisez le souvenir douloureux comme s’il était projeté sur un écran. Repassez-vous cette image plusieurs fois en faisant comme si vous respiriez jusqu'à l'écran.
- Observez ce qui se passe dans votre corps. Une douleur apparait quelque part? Essayez de suivre l'expiration jusqu'à cette douleur. Votre conscience se rapproche progressivement de la douleur en profitant de chaque mouvement du souffle. Restez près de cette douleur sans chercher à la soulager.
- Au bout d'un moment, votre attention va sans doute partir ailleurs. Une autre émotion, image, ou souvenir vont faire irruption. Suivez le mouvement et projetez-la nouvelle reproduction mentale sur un écran imaginaire. Visionnez-la plusieurs fois en respirant jusqu'à l'écran imaginé.
- S'il s'agit d'une émotion, nommez-la, observez combien elle est présente et ne cherchez pas à la soulager ou à la rationaliser. Laissez-la être et soyez présent à cela.
Refaites ce travail plusieurs fois d’affilée. Il est normal, et même attendu, que vous ayez mal et pleuriez. Vous êtes réellement en train de vous en défaire.
Ne vous préoccupez pas de l’ordre chronologique. Le stockage des émotions ne classe pas et entremêle les souvenirs d’adulte à ceux de l’enfance.
Au bout de quatre séances de quarante-cinq minutes à une heure, reprenez votre liste de souvenirs et réévaluez vos niveaux de souffrances. Si le score est moindre, cela signifie que vous êtes sur la bonne voie. Dans le cas contraire, choisissez un autre événement dans votre liste plus impactant émotionnellement.
Grâce à ce travail votre détresse émotionnelle s’amenuisera.
En parallèle à ce travail, vous allez également, au quotidien, vous exercer à de nouveaux réflexes cognitifs.
Comment faire évoluer son profil amoureux?
Comment devenir moins anxieux?
Que l’on soit anxieux ou détaché, le travail sera assez similaire. Il suffira essentiellement de retourner son cerveau. C’est assez difficile, puisqu’il s’agit de prendre systématiquement le contre-pied de ses pensées.
Pour un anxieux, dès qu’il pensera que son conjoint l’aime moins, il faudra qu’il pense exactement l’inverse. En parallèle, il notera sur papier (l’écriture est très importante) tous les signes et manifestations d’affection de son conjoint.
Le travail principal des anxieux est d’apprendre à devenir autonome sur le plan affectif.. Le conjoint joue ici un rôle important puisqu’il devra aider l’anxieux à se sécuriser.
Cette sécurité s’instaure non pas tant en parole ou en aide factuelle ou matérielle, mais en soutien émotionnel. Cela peut être tout simplement de prendre son conjoint anxieux dans ses bras.
Pour que son conjoint soit d’autant plus réceptif à cette demande, l’anxieux peut lui expliquer que ce besoin est temporaire. Il ne durera pas toute la vie, mais le temps de 6 mois. Cela peut paraître long mais on ne change pas des années de comportement du jour au lendemain.
Plus vite le conjoint accepte de jouer le jeu, plus l’anxieux deviendra tranquillement indépendant. Et moins il aura besoin de réclamer un câlin.
Par ailleurs, l’anxieux n’est pas obligé de s’appuyer uniquement sur son conjoint. Il peut développer ses sources de réconfort, et d’amour, auprès d’une sœur, d’un frère, d’un ami ou d’un parent. Il faut juste s’assurer que la personne soit d’un naturel affectueux, loin du profil évitant!
Comment devenir moins évitant?
Au fond l’évitant s’est fermé de tous parce qu’il est persuadé qu’on va lui faire du mal. Il anticipe. Tout son travail va être de zapper cette perception.
Tout comme l’anxieux, il va devoir retourner son cerveau et partir du principe qu’on lui veut du bien.
En sortant un calepin et un stylo, il va répertorier tous les jours, et pendant plusieurs moins, toutes les marques d’affections reçues. Un café qu’on lui a payé, un câlin de son enfant, un compliment de son collègue, une proposition de sortie, etc..
Là encore, il faut compter 6 mois de travail sur soi et d’écriture. Encore une fois, on ne peut pas faire autrement. Le simple fait de prendre conscience d’un évènement unique ne suffit pas à corriger 30, 40, 50 ans de méfiance instinctive.
C’est grâce à l’écriture que l’on adapte une nouvelle habitude et un nouveau schéma cognitif.
En parallèle, l’évitant va devoir prendre sur lui et s’intéresser aux pensées intimes et à la vie de son conjoint. Connait-il si bien son passé? Le nom de ses collègues? Ses rêves?
On ne connait personne si on se contente des grandes lignes. Il faut creuser. Et plus on creuse, plus l’autre est attachant et plus il s’attache aussi à nous.
Enfin, et cela vaut pour les anxieux et tout le monde, les compromis, la flexibilité mentale et la réciprocité sont de très bons moyens pour enfin devenir un amoureux sécure et
épanoui.
Ce
travail est évidemment long et éprouvant. Cela revient presque à
apprendre une langue étrangère. Toutefois, non seulement les bienfaits dépassent largement la satisfaction intellectuelle mais ils confirment que l’amour peut soulever des montagnes. Vos montagnes.
Source: Stéphanie Hahusseau, Petit guide de l’amour heureux, Odile Jacob, 2015