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Publié le 22/02/2023, mis à jour le 31/05/2023
Connaissance de soi
Comment s’attache-t-on à Dieu?
Foi ou religion, quelle différence?
Pour se sortir d’un mal-être existentiel ou agir face à la souffrance émotionnelle les thérapeutes, psychiatres et psychologues évoquent différentes sources de résilience. Parmi elles, on compte une personne aidante et réconfortante, la distanciation par l’humour, une activité créative ou sportive.
L’une des sources de résilience les plus notables étant le sens comme l’a soutenu Frank Viktor, père de la logothérapie et rescapé des camps d’extermination nazis. C’est-à-dire, la faculté de donner du sens à ses souffrances pour les intégrer dans son récit de vie.
Pour accéder à ce sens, la croyance en un dieu est un avantage non négligeable.
Un fait que les experts de la santé mentale ont toujours convenu par empirisme avant de chercher des preuves. A l’instar du neuropsychiatre Boris Cyrulnik racontant un échange avec un enfant-soldat. Revenu traumatisé de la guerre au Congo, l’enfant de 12 ans lui confesse: «je ne me sens bien qu’à l’église.»
Un échange qui fait écho à d’autres. Nombre de patients et même de collègues ont tenu au neuropsychiatre les mêmes propos:
«la foi en Dieu m’a apaisé et aidé à traverser les épreuves.»
Nous nous attachons à Dieu selon deux voies appelées la religiosité et la foi. La religiosité est l’attachement sentimental à une religion. Tandis que la foi découle de la sensation métaphysique de l’existence de Dieu. Elle peut s’inscrire dans un cadre religieux ou spirituel.
Comment expliquer qu’un être invisible puisse avoir autant d’impact sur la psychologie humaine? Comment expliquer que les croyants ressentent une proximité affective avec une telle entité?
C’est à ces questions que répond le dernier ouvrage de Boris Cyrulnik, «La psychothérapie de Dieu» (Odile Jacob).
Pour comprendre les mécanismes psychologiques de l’attachement à Dieu, il faut avant tout concevoir comment il naît.
Comment vient-on à croire en Dieu?
La croyance comme héritage familial et social
Selon Boris Cyrulnik, nous venons à la religiosité et/ou à la foi suivant trois schémas:-
Le schéma du milieu, le plus répandu et commun des schémas.
La croyance comme besoin et apaisement
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Le schéma du besoin urgent.
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Le troisième schéma comme conséquence d’une double carence (affective et culturelle)
Quels sont les effets psychologiques de la croyance en Dieu?
Sécurité intérieure et extérieure
Outre les besoins physiologiques, la foi et davantage la religiosité répondent à tous les besoins évoqués par la pyramide de Maslow. Les besoins de sécurité, d’appartenance, d’estime de soi et même d’épanouissement (notamment quand la foi et la religiosité sont doublement présentes) sont plus que comblés. Dieu est une figure éminemment protectrice. Croire en Lui, c’est acquérir une forme de sérénité dans le présent et être libéré de la peur du futur. En clair, c’est accéder à un lâcher-prise mental libérateur. Un lâcher-prise directement observé par la neuro-imagerie. Comme l’explique Boris Cyrulnik,«la croyance en Dieu participe à la régulation des émotions. Une résonance magnétique fonctionnelle rend visible l'aire cingulaire antérieure (ACC) qui produit des signaux de détresse en cas de douleur physique ou de conflits relationnels. Or, ces signaux s’atténuent dès que la personne se met en relation avec Dieu par le moyen des rituels de sa religion.»Pour ce qui est du sentiment d’appartenance, la religiosité répond largement aussi à ce besoin. Les croyants tissent des liens de fraternité et de familiarité à travers les prières, les rencontres dans le lieu de culte, les rituels et les fêtes. Celui qui a foi sans adhérer à un cadre religieux ressent dans une moindre mesure le sentiment d’appartenance. Il se sent appartenir à ce monde, à la communauté mondiale, mais sans avoir autour de lui un groupe soudé. Un autre bénéfice de la religiosité et de la foi spirituelle est l’affermissement de la dignité et de l’estime de soi Notamment grâce aux interdits dans le cadre religieux.
Dignité et estime de soi
Les interdits religieux qu’un athée ou un spirituel pourraient trouver étouffants ne sont pas du tout perçus comme tels. Ces sacrifices sont perçus comme des outils pour pouvoir se dépasser et se transcender. De cette façon, ils permettent de rehausser sa propre force intérieure, son sentiment de dignité et son estime de soi. Si la religiosité procure davantage de bienfaits psychologiques que la foi spirituelle, c’est parce qu’elle a l’avantage d’offrir un cadre et une structure à disposition. La quête spirituelle suppose de bâtir soi-même cette structure. Ce qui demande plus de temps, de réflexion et d’errance. En contrepartie le rapport à Dieu est profondément intime puisqu’il est personnel. Ce qui contribue également à renforcer son sentiment de dignité, d’estime de soi et de sécurité intérieure. Tous ces bienfaits psychologiques expliquent la force de l’attachement à Dieu, ainsi que les raisons pour lesquelles Il n’est pas prêt de disparaître. Y compris dans le monde Occidental. Le fait que Dieu se soit effacé de notre civilisation s’explique en partie par le fait que nous vivions dans une société en paix et sécurisante jusqu’à récemment. Cette sensation de sécurité s’effrite grandement au contact des situations géopolitiques, économiques, sociales et environnementales instables. Ce n’est pas un hasard si la spiritualité séduit de plus en plus de monde en Occident. Il reste toutefois à rappeler la thèse principale de Boris Cyrulnik: notre relation à Dieu est conditionnée par notre attachement filial. Ce qui sous-entend que plus notre attachement filial est secure, plus notre foi ou religiosité est secure, donc accueillante, ouverte et curieuse des autres croyances. A l’inverse, plus l’attachement filial est insecure, plus notre croyance l’est. Ce qui peut se traduire par de l’intolérance religieuse.Comment comprendre l’intolérance religieuse?
Contexte belliqueux et attachement insecure
L’intolérance religieuse trouve deux sources principales.1. Un contexte politique ou social belliqueux où différents groupes s’affrontent.
L’autre est un mécréant, un ennemi. Quand il est en infériorité numérique, le groupe se replie sur lui-même et se clôture. Le conformisme s’épanouit et avec lui l’intolérance avec tout ce qui se différencie du groupe.2. Un attachement insecure et rigide durant l’enfance.
Le sentiment d’insécurité ne doit ici rien au contexte, il provient de soi-même. Les autres croyances sont jugées insupportables car elles viennent troubler un fragile attachement à Dieu. Pour se protéger, la personne développe alors les stratégies de défense mentale que sont le repli ou l’adhésion au communautarisme. A propos de la conversion au radicalisme religieux, Boris Cyrulnik l’identifie comme étant une situation relevant d’une double carence. Une carence affective couplée à une carence culturelle.Théorie sur la conversion au radicalisme
La culture (livres, jeux, films etc.) peut fournir une porte de sortie sous forme d’exutoire imaginaire ou de rêve à poursuivre. Mais quand on se retrouve privé d’amour et d’imaginaire, nous ne pouvons pas concevoir ou nous projeter dans un monde autre que celui que nous percevons. Adultes, ces personnes n’arrivent à sortir de leur violence intérieure que grâce à un cadre extérieur rigide et sévère. Cela peut être la prison, l’armée ou la secte religieuse. Si ce cadre les soulage, c’est parce qu’il les libère d’eux-mêmes. Ils n’ont plus à décider de leur vie et à faire des choix. Un autre s’en charge pour eux, ce qui soulage efficacement leur profonde détresse psychique. Ainsi, plus l’agitation mentale est grande, plus nous avons besoin d’être soumis à un Dieu-Père Fouettard. Plus nous sommes en paix avec nous-mêmes, plus Dieu est bienveillant et en paix avec la concurrence.Conclusion, le vrai Mystère reste
La théorie de l’attachement est somme toute assez pertinente pour comprendre la nature d'un certain attachement à Dieu. Nous disons un certain attachement car ce qu’évoque la Psychothérapie de Dieu fait largement référence à la religiosité plutôt qu’à la foi. Son apparition et sa particularité par rapport à la religiosité restent encore à creuser. Gageons que de futures recherches sauront apporter les réponses. Gardons la foi.Source: Boris Cyrulnik, Psychothérapie de Dieu, Odile Jacob, 2022
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