Comment se protéger des violences psychologiques ?
Publié le 25/11/2020, mis à jour le 30/10/2024
Relations interpersonnelles
Comment se protéger des violences psychologiques ?
5 min de lecture
Les violences psychologiques en 3 questions
Où s’exercent les violences psychologiques ?
Moins impressionnantes que les violences physiques et sexuelles, les violences psychologiques ont toujours moins fait parler d’elles. Certaines, comme les violences éducatives ordinaires, ont même été jugées nécessaires pour bien élever un enfant.
Pourtant, comme le décrit Ariane Calvo, psychologue, psychothérapeute spécialisée en psychotraumatisme et auteure du « Manuel d’autodéfense contre les violences psychologiques », ces violences sont loin d’être indolores. Leurs conséquences et dégâts sont réels, graves et sérieux.
Hormis le cadre familial, on retrouve les violences psychologiques sur deux autres terrains : la relation conjugale et la relation hiérarchique professionnelle.
Comment se manifestent les violences psychologiques ?
Le champ des violences psychologiques est vaste et comprend aussi bien les attaques verbales frontales (les menaces, le harcèlement sexuel, moral et les critiques blessantes) que les violences en « sous-marin » :
Les sous-entendus agressifs et quotidiens
Une indifférence ou une hostilité affichée
Une attitude de dictateur sévère ou d’irresponsable incurable
L’intimidation et la honte
Le chantage affectif ou à l’emploi
Le chantage au suicide (l’une des pires violences psychologiques que l’on puisse faire à quelqu’un)
Les tactiques et styles diffèrent mais le but des violences psychologiques est toujours le même : il s’agit de déstabiliser l’autre en enracinant un profond sentiment d’insécurité physique et émotionnel. Ce faisant, on peut alors affermir son emprise en contrôlant et dominant la pensée et les choix de la victime. C’est ici que réside la violence.
Quel est le mobile des agresseurs ?
Le mobile de l’agresseur est très souvent inconscient. Être un bourreau et user de violences psychologiques est à la fois une réponse, une conséquence et une preuve que l’on a été soi-même victime de violences psychologiques durant l’enfance.
Comme l’explique Ariane Calvo, « la violence psychologique provient le plus souvent d'une blessure narcissique. Cela ne veut pas dire nécessairement que l'auteur est un pervers narcissique, mais il est très probable qu'il ait une peur irrationnelle et obsessionnelle de n'avoir aucune valeur. Tous ses efforts, ses attitudes, visent à contrer cette peur.
Cela le conduit à contrôler l'univers qui l'entoure, en particulier toute personne qui lui donne une valeur symbolique (l'enfant, l'époux, la compagne) ou qui lui montre de l'affection ou de l'estime (y compris professionnelle). » C’est ainsi que le malheur et le mal-être se transmettent. Mais pas seulement.
Subir des violences psychologiques au quotidien aboutit à la mort de soi : on ne sait plus qui on est, ce qu’on veut, ce en quoi on croit, ce qui est bon pour nous, ce dont on a besoin. On devient étranger à soi-même. Cet état de confusion est bien réel, il est issu de la blessure psychique imprimée dans notre corps et notre cerveau.
L’impact cérébral des violences psychologiques
Le traumatisme complexe
Il existe différents types de traumatismes. Le plus connu étant le traumatisme simple, qui apparait lors d’un évènement puissant, unique et imprévisible comme un deuil, un attentat, une agression, une séparation quand on est tout petit, un accident etc.
Le traumatisme complexe, lui, est le produit d’une violence durable, répétée et prévisible comme c’est le cas des violences psychologiques. Lors des « phases de maltraitance psychologique, le cortisol sanguin monte constamment, provoquant une atrophie du système limbique, celui qui associe mémoire et émotions. C'est la raison pour laquelle l'accès des personnes psychotraumatisées à leur mémoire et à leurs émotions est très difficile, voire quasi impossible ».
C’est un véritable handicap pour se sortir des violences psychologiques, car en ne pouvant plus se fier à sa mémoire, on doute de son expérience et de ses ressentis. C’est la parole de la victime contre celle du bourreau. L’attitude la plus pertinente est alors d’aller chercher plusieurs avis extérieurs.
La dissociation traumatique
Par ailleurs, un niveau de stress trop important ou trop continu est synonyme de danger de mort pour le corps. Pour se protéger, le cerveau coupe brutalement la production d’hormones de stress enclenchée par le circuit émotionnel. Ce qui a pour conséquence de couper la personne de ses jugements, pensées et ressenti sur le vécu. C’est ce qu’on appelle la « dissociation traumatique ».
L’intention (absolument louable) du corps à vouloir préserver notre survie ne se fait donc pas sans une lourde contrepartie pour notre santé mentale. En nous coupant de perceptions émotionnelles et ressentis, nous sommes coupés également de nos capacités relationnelles, ainsi que des possibilités de réagir pour se défendre face au danger. Au contraire même, on est davantage exposé à l’attirer.
Mais tout n’est pas perdu, car un cerveau traumatisé n’est pas un cerveau condamné, puisqu’il est capable de changer son fonctionnement .
Les clés pour s’armer et se défendre
Fuir la source
Si la personne à l’origine des violences psychologiques est votre patron ou supérieur, il y a l’option de la démission ou celle de la justice. Si c’est votre conjoint, il s’agit alors de se libérer d’une relation toxique , et dans ce cas la partie sera forcément plus longue et lourde.
Enfin, si c’est un parent, la première chose à faire est d’arrêter de s’imposer des obligations et de réduire la communication et le contact au strict minimum. Respecter ses parents, les « honorer » comme il est écrit dans la Bible, n’est pas une invitation à se comporter en esclave vis-à-vis d’eux.
Et s’il est important d’honorer la fonction « père » ou « mère », il l’est tout autant de savoir discerner la personne de sa fonction.
C’est en étant capable d’observer ses parents comme un homme et une femme avec leurs propres bagages et histoires que l’on peut prendre du recul sur notre propre histoire et nos émotions.
Dans les faits, ce n’est pas toujours simple, car encore faut-il pouvoir connaître l’histoire des parents. Tous n’acceptent pas de se livrer et il n’y a pas toujours de témoins comme des grands-parents ou cousins pour nous raconter cette histoire.
Quoiqu’il en soit, entretenir une relation ombrageuse ou toxique est une perte de temps et de vitalité. Et malheureusement, on ne peut améliorer une relation qu’avec sa seule bonne volonté. Une relation c’est un peu une valse.
Vous pouvez faire ce que vous voulez, si en face de vous on refuse de danser, tout est bloqué. Et qu’importe, car pour sortir des violences psychologiques, le vrai combat ne se joue pas à l’extérieur mais en nous.
Cultiver ses ressources intérieures
« La grande difficulté que les victimes rencontrent pour guérir d'un vécu de violences psychologiques et se reconstruire est qu'elles continuent à fonctionner dans une violence autonome, même une fois l'agresseur mis à distance ». A la place de votre ex-conjoint, patron ou parent, c’est votre mental qui occupe la place de bourreau.
Ces pensées tyranniques, qui vous répètent que vous ne valez pas grand-chose et n’êtes bon à rien, sont des croyances, les « vérités » auxquelles vous avez donné du crédit et adhéré à force de les entendre comme telles. Mais quel crédit ont ces soi-disantes vérités ? Aucun.
Désactiver les pensées-parasites est un chemin long, il faut donc beaucoup de patience et de douceur envers soi-même. Il serait en effet contreproductif de se flageller à chaque fois qu’on se surprend à se maltraiter intérieurement. Plutôt que de s’énerver, il faut au contraire se féliciter d’en avoir pris conscience et d’être sorti de sa boucle mentale.
Et surtout, pour changer ses croyances, il faut en créer de nouvelles. Cela demande un vrai travail thérapeutique, où l’on doit prendre le temps de faire la paix avec son passé, ses peurs et de partir à la rencontre de son enfant intérieur et de guérir ses blessures d’enfance.
Quand vous aurez réalisé tout ce travail, vous vous rendrez compte que vous détecterez plus vite les attaques verbales subtiles et autres violences psychologiques. Mais surtout, elles ne vous feront pas grand-chose, à part vous en dire long sur votre interlocuteur.
Source : Ariane Calvo, « Manuel d’autodéfense contre les violences psychologiques », éditions First, 2020
Pour lire cet article, abonnez-vous gratuitement ou connectez-vous