Pollution plastique : on n’est pas sorti des ronces
Des chiffres qui font peur
En 2017, des chercheurs universitaires de Géorgie et de Californie, ainsi que leurs collègues de l’Institut Sea Education du Massachusetts ont publié une étude dans la revue Sciences Advances sur le plastique. On apprend que depuis les années 1950, l’humanité a produit 8,3 milliards de tonnes de plastiques, dont moins d’1/4 sont biodégradables.
Sur le reste des 6 milliards de tonnes de plastiques, seuls 9 % sont recyclés, 12 % incinérés, le reste des 79 % s’étant volatilisé dans la nature, et plus particulièrement dans les océans. Comme le note le rapport de 2016 de la Fondation Ellen Macarthur, les océans contiennent plus de 150 millions de tonnes de plastiques. Si rien ne change d’ici à 2050, nos océans contiendront plus de plastiques que de poissons.
Parmi les pays qui déversent le plus leurs déchets dans les océans on trouve en premier la Chine, les pays de l’Asie du Sud-Est comme l’Indochine, les Philippines et le Vietnam.
Qu’en est-il de la France qui montre un profil médiatique proactive sur les questions écologiques ?
La France, mauvais élève de l’Europe en recyclage du plastique
Avec ses 66 tonnes de déchets de plastiques déversés tous les jours dans la Méditerranée, la France est son 5e plus gros pollueur. Le triste tenant du record étant la Turquie avec 144 tonnes de déchets par jour.
En ce qui concerne le recyclage du plastique en France, là aussi ce n’est pas fameux. En effet, alors que la moyenne européenne est de 40,8 %, notre moyenne nationale de recyclage du plastique est de seulement 22,2%. Nous verrons plus loin ce qu’il arrive au reste. En attendant, notre politique de recyclage laisse à désirer comme le signale en 2018, l’Institut National de la Consommation dans son « Guide anti gaspi ».
En effet, « Le joli discours souvent servi est d’affirmer que nos bouteilles en plastique sont transformées en polaires ou en stylos et servent l’économie circulaire. Une flaque d’eau qui cache un océan de plastiques en perdition. En dehors des bouteilles en plastiques et flacons (480 000 tonnes), moins de 3 % des emballages en plastique (650 000 tonnes) triés ont été recyclés en 2016″ [sur un total de 3,4 millions de tonnes de déchets plastiques].
Comment expliquer ce si mauvais taux de recyclage du plastique ? Jacques Exbalin, enseignant, formateur en développement durable pendant 42 ans, et auteur de « La guerre au plastique est enfin déclarée ! » nous éclaire sur cette énigme.
1er indice : contrairement au bois ou au papier qui peuvent être récupérés et réutilisés, c’est loin d’être aussi évident pour le plastique.
Pourquoi est-il si compliqué de recycler le plastique ?
Plus cher et moins beau
Le plastique recyclé séduit beaucoup moins les acheteurs que le plastique vierge, pour deux raisons :
En plus d’être sur un marché saturé, le plastique recyclé est plus cher que le plastique vierge. De plus, le prix attractif des matières premières comme le pétrole, le charbon ou le minerai rend les matières recyclées beaucoup moins intéressantes.
Enfin, l’aspect visuel du plastique recyclé avec ses pièces noires ou sombres séduit moins la clientèle, qui préfère un plastique tout neuf, tout transparent.
Peu rentable
Si le plastique recyclé est cher, c’est parce que son coût de production est élevé. Michel Loubry, directeur pour l’Europe de l’Ouest de PlasticsEurope l’explique : « Pour installer de manière rentable une installation de régénération de matière plastique, il faut regrouper chaque année 10 000 tonnes de déchets, constitués aux 2/3 d’emballages. Or, pour les emballages légers, comme ceux des barres chocolatées, ou des fromages, qui pèsent quelques centièmes de gramme, cela occasionne des coûts de stockage, de transport et d’énergie trop importants. »
Idem pour les déchets d’appareils électriques et électroniques (du frigo au smartphone), qui sont aussi couteux et difficiles à collecter car très (trop) diversifiés. Nous n’avons pas encore développé une technologie capable de faire ce travail d’orfèvrerie à moindre coût.
Une solution à court-terme
C’est à se demander si recycler le plastique vaut le coup. D’autant plus que selon Nathalie Gontard, directrice de recherche, professeure en sciences de l’aliment à l’INRA :
« On va pouvoir recycler une fois, deux fois, allez, peut être trois fois mais le plastique après le recyclage ne retrouve jamais ses propriétés d’origine, c’est pour cela qu’on le mélange avec des plastiques vierges. [En fait,] si le plastique était vraiment recyclable, on pourrait stopper totalement notre production aujourd’hui car nous avons accumulé à ce jour suffisamment de déchets plastiques pour satisfaire nos besoins sous la forme de matière plastique recyclée pour les 20 années à venir. »
Si le plastique est une vraie plaie à recycler, qu’est ce qui a pris à Edouard Philippe de déclarer un 4 juillet 2017 : « Nous diviserons par deux les déchets mis en décharge et recyclerons 100 % des plastiques sur tout le territoire d’ici à 2025 » ?
L’incinération : une solution irresponsable et dangereuse
Les 3 formes de traitement de déchets
Il y a trois manières de traiter nos déchets plastique :
la mise en décharge
le recyclage des matières plastiques
et la « valorisation » (incinération)
En quoi on valorise des déchets en les brûlant ? Parce que ce processus permet de produire du carburant équivalent au pétrole.
L’opinion publique le sait très peu, mais la valorisation concerne déjà 40 à 45 % de nos déchets plastiques. Avec l’annonce du 1er ministre, on comprend que l’Etat veut passer le cap du 100 %, mais est ce l’idéal ?
Incinérer n’est pas recycler
Un incinérateur rentable demande beaucoup, beaucoup de déchets. Les industriels (Suez, Veolia, Paprec…) veillent donc à signer des contrats avec les syndicats de traitement des ordures, afin qu’ils s’engagent à fournir des quantités suffisantes de déchets. Quitte à aller prélever ceux qui étaient destinés à être recyclés ou compostés. C’est là que cela pose problème, comme l’illustre l’exemple de l’incinérateur des communes de la Porte d’Alsace.
L’incinérateur tout neuf, qui avait coûté 50 millions d’euros, exigeait 85 000 tonnes de déchets ménagers par an, c’est-à-dire 4,5 tonnes de matière à l’heure pour fonctionner 24h/24.
Or, avec le comportement exemplaire des habitants qui ont fait passer la quantité de déchets jetée par habitant et par an de 400 à 80 kg grâce à la collecte incitative et au développement du tri, les responsables de l’incinérateur n’avaient plus assez de matières à brûler, et l’incinérateur tournait à vide.
Finalement, le Conseil général du Haut-Rhin a imposé l’incinération et les habitants devaient remettre leurs plastiques dans leurs poubelles.
Ce que l’on peut donc craindre c’est que le choix de favoriser l’incinération mette fin au recyclage et au compostage. Ce qui n’est pas une bonne perspective compte tenu de la pollution générée par les déchets plastiques
La pollution de l’air générée par les incinérateurs
Les incinérateurs rejettent dans l’air des tonnes de fumées toxiques, dont l’impact environnemental et sanitaire est considérable. Pour avoir une idée, une tonne de déchets brulés produit :
300 kg de mâchefers (ce sont les résidus d’incombustibles qui restent au fond du four).
50 kg de résidus d’épuration des fumées classés dangereuses
6000 m3 de fumées polluantes et d’effluents liquides issus des traitements des fumées et du trempage des mâchefers.
L’exploitant SITA (filiale de Suez) consigne en 2015 les rejets annuels de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIIl. Ces fumées polluantes contiennent des centaines de tonnes de gaz pouvant être responsables sur le long terme de troubles respiratoires, cardiaques ou reproducteurs. En vrac, on trouve du gaz carbonique, de l’oxyde d’azote, de la dioxine, du dioxyde de souffre, de l’acide chlorydrique, des métaux lourds (plomb, zinc, mercure), en plus de milliers de nano et microparticules.
Les industriels promettent de construire des incinérateurs propres, qui tâcheront de mieux traiter leurs fumées toxiques avant de les rejeter dans l’air. Mais en attendant qu’ils agissent, que pouvons nous faire ?
Quelles alternatives à la pollution plastique ?
Puisque le plastique se recycle très mal, selon Jacques Exbalin, le seul moyen efficace de lutter contre est d’apprendre à vivre sans lui.
Des initiatives apparaissent dans ce sens dans les entreprises et milieux professionnels variés, comme la mode, le commerce ou l’architecture.
Et nous ? Quelles initiatives avons-nous ?
Acheter en vrac pour éviter les emballages plastiques.
Se poser la question avant tout nouvel achat, : en as-tu vraiment besoin ?
Réparer, troquer, donner, partager, privilégier les occasions ou les ressourceries.
Faire du compost avec les déchets
Privilégier les matières naturelles : verre, inox, bois, céramique, terre cuite, etc.
Lire ou relire toutes nos astuces « zéro déchets».
Source : Jacques Exbalin, « La guerre au plastique est enfin déclarée », Editions L’Harmattan, 2019
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