Fasciathérapie : quand le toucher réinvente le soin
Publié le 21/05/2025, mis à jour le 28/05/2025
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Fasciathérapie : quand le toucher réinvente le soin
69 minutes min d'écoute
Dans les coulisses du Congrès International de Fasciathérapie avec Fascia France – Jour 1
Qu’est-ce que la fasciathérapie ?
La fasciathérapie est une thérapie manuelle qui agit en profondeur sur les fascias, ces tissus conjonctifs présents dans tout le corps. Elle repose sur un toucher lent, précis, attentionné, qui stimule les capacités d’autorégulation du corps et active les ressources physiques, émotionnelles et cognitives de la personne.
Contrairement aux massages ou manipulations classiques, la fasciathérapie vise à “dialoguer” avec le tissu, et non à le forcer. Elle se fonde sur les travaux de Danis Bois, professeur agrégé et fondateur du CERAP (Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive), co-organisateur du premier Congrès International de Fasciathérapie en mai 2025 à Vannes, auquel BloomingYou a participé.
🎧 Vous pouvez écouter le deuxième épisode ici : Épisode 2.
Le fascia : ce tissu que nous avions oublié
Pendant des siècles, l’anatomie humaine s’est construite sur l’étude des corps morts. Les fascias – ce réseau fibrillaire qui enveloppe muscles, organes, os et nerfs – ont longtemps été considérés comme de simples “tissus de remplissage”.
“Le fascia, ce n’est pas un organe. Ce n’est pas non plus un système au sens strict. C’est la trame constitutive de notre corps. C’est un tissu ubiquitaire, du cuir chevelu jusqu’au gros orteil.” — Dr Jean-Claude Guimberteau, chirurgien et chercheur en micro-anatomie vivante.
Il aura fallu l’arrivée de la micro-caméra, du garrot chirurgical sans saignement, et d’un œil curieux pour que ce tissu vivant soit enfin révélé. Guimberteau, pionnier de l’imagerie des fascias in vivo, a bouleversé notre conception du corps. Le fascia n’est pas une simple enveloppe. Il est mouvement, adaptation, réseau, mémoire.
Jean-Claude Guimberteau : “Le fascia n’est pas un organe, c’est une structure constitutive du vivant”
Le Dr Guimberteau a filmé le tissu conjonctif vivant pendant des dizaines d’années. Ce qu’il observe, c’est une organisation chaotique… mais parfaitement fonctionnelle.
“Pourquoi ce tissu si performant mécaniquement est-il si irrégulier ? Pourquoi l’irrégularité donne-t-elle un résultat optimal ?” — Dr Guimberteau
Il y voit un parallèle avec les systèmes complexes non linéaires. Rien n’est prévisible, mais tout fonctionne. Et cette imprévisibilité du fascia rejoint aussi notre monde intérieur : émotions, adaptation, trauma. La fasciathérapie s’adresse précisément à ce chaos organisé.
Les bienfaits observés de la fasciathérapie
Qu’il s’agisse de douleurs, de stress, de fatigue chronique ou de récupération, les bienfaits rapportés sont nombreux :
“Ce n’est pas une technique qui impose. C’est une présence à l’autre, une écoute du tissu, de ce qu’il veut bien laisser émerger.” — Véronique, praticienne en somato-psychopédagogie
Douleur chronique : l’étude qui change tout
La Dr Isabelle Bertrand, praticienne et chercheuse, a conduit une étude clinique sur la lombalgie chronique, en comparant trois groupes de patients : kinésithérapie, fasciathérapie, et pratique mixte.
“Sur cinq séances, tous les groupes montrent une réduction significative de la douleur. Mais le groupe mixte a aussi des effets plus marqués sur la qualité de vie et l’impact fonctionnel.” — Dr Bertrand
Son étude menée sur 188 patients et 60 praticiens confirme ce que les fasciathérapeutes observent sur le terrain : le toucher conscient a un impact réel sur la douleur, l’anxiété et la qualité de vie.
Fasciathérapie et grossesse : un lien corps-bébé renforcé
Le toucher des fascias pendant la grossesse n’est pas qu’un confort. C’est une porte vers la relation mère-bébé, selon la sage-femme Marielle Jean :
“Une femme qui souffre pendant la grossesse est moins disponible à son bébé. Le travail des fascias permet de rétablir du confort corporel, et donc de la disponibilité émotionnelle.” — Marielle Jean
Les résultats sont saisissants : dans le groupe de femmes ayant reçu des séances de fasciathérapie pendant la grossesse, le toucher maternel postnatal est plus présent, plus affectif, plus engagé.
“On a vu des mamans embrasser leur bébé, entrer en contact tactile naturellement, alors que ce n’était pas le cas dans le groupe témoin.” — Marielle Jean
Le corps en mouvement : sportifs et fascias
La fasciathérapie s’invite aussi dans le monde du sport de haut niveau. Le lanceur de marteau Yann Chaussinand, finaliste olympique, en témoigne :
“Avec la fasciathérapie, j’ai appris à écouter mon corps. J’ai retrouvé des sensations, une élasticité dans le geste, une récupération plus rapide.” — Yann Chaussinand
La navigatrice Isabelle Joschke, qui a couru le Vendée Globe, raconte une transformation similaire :
“Avec la fasciathérapie, j’ai retrouvé l’épaisseur de mon corps. Mes pieds sentaient le pont du bateau. Je me suis sentie chez moi, dans mon corps.” — Isabelle Joschke
Le cerveau et le toucher : la science rattrape la main
La neuroscientifique Laure Zago, chercheuse au CNRS, explore les effets du toucher thérapeutique sur le cerveau :
“En 10 minutes de massage facial, on observe une augmentation de l’activité parasympathique, une baisse du stress perçu, et une activation des zones cérébrales liées à la conscience corporelle.” — Laure Zago
Ce toucher, dit “affectif”, réveille le corps, calme le mental, régule l’émotion.
“On désengage les circuits de rumination mentale. On réactive la présence à soi.” — Laure Zago
Une médecine du futur ?
Alors, que serait une médecine qui prendrait en compte ces découvertes sur les fascias ?
Selon Guimberteau, ce ne serait pas une médecine “contre” la médecine classique, mais une approche qui :
Observe le vivant, et pas seulement ses fragments
Relie les disciplines, du microscope à la main
Incorpore l’imprévisible, comme élément clé du soin
Respecte la subjectivité, la sensation, l’expérience du patient
“Il n’y a pas qu’une seule manière de soigner. Et quand un toucher améliore, sans nuire, pourquoi s’en priver ?” — Dr Jean-Claude Guimberteau
La fasciathérapie n’est pas une mode. C’est une évolution du regard sur le soin, qui réconcilie le corps et l’esprit, le visible et le sensible, le scientifique et l’intuitif. Et si la santé de demain passait aussi… par un toucher attentif ?
Les propos et témoignages présentés ici ont été recueillis à l’occasion du 1er Congrès International de Fasciathérapie, qui s’est tenu au Palais des Congrès de Vannes, les 9 et 10 mai 2025.
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