Nous avons tous cette petite voix intérieure qui juge, critique et rabaisse. “J’aurais dû mieux faire”, “Je suis nul”, “Pourquoi ai-je encore échoué ?”. Ces pensées, banalisées au quotidien, finissent par s’ancrer profondément.
Cette voix n’est pas innée. Elle est héritée de notre passé, de notre éducation, de nos expériences scolaires ou familiales. Un professeur qui répétait “tu peux mieux faire”, un parent exigeant, une société qui glorifie la performance… Ces influences finissent par créer une voix intérieure intransigeante qui nous pousse à l’auto-sabotage.
Pourquoi répète-t-on toujours les mêmes erreurs ?
Le cerveau humain privilégie l’habitude. Même si elle est toxique, une pensée automatique rassure, car elle est familière.
- Vous vous dévalorisez après la moindre critique ? Il y a probablement un schéma de jugement intérieur sévère.
- Vous avez peur d’échouer et n’osez pas vous lancer ? C’est peut-être un schéma d’échec ou de rejet.
- Vous cherchez sans cesse à être parfait ? Vous êtes enfermé dans un schéma d’exigences élevées.
Céline Tran raconte l’histoire d’un patient qui, après une simple critique de son supérieur, a passé une nuit entière à se juger et envisager de démissionner pour éviter d’affronter sa propre culpabilité.
« Imaginez que votre meilleur ami vive la même situation. Lui diriez-vous "Tu es nul, tu devrais démissionner" ? Certainement pas. Alors pourquoi vous parler ainsi ? »
Nous avons normalisé la sévérité envers nous-mêmes sans réaliser que ces pensées négatives ne sont pas un gage d’amélioration, mais une source de souffrance.
Quand ces schémas deviennent trop lourds, nous adoptons des comportements pour éviter la douleur. Céline Tran en décrit plusieurs types :
- L’évitement : fuir les interactions sociales par peur du rejet.
- L’hyper-intellectualisation : rationaliser les émotions au lieu de les ressentir.
- Le perfectionnisme excessif : vouloir tout contrôler pour masquer ses insécurités.
- L’attaque : transformer la peur ou l’angoisse en agressivité.
- L’assujettissement : dire "oui" à tout, jusqu’à ne plus savoir ce que l’on veut réellement.
Elle donne l’exemple du syndrome du caméléon, où une personne change d’avis constamment pour éviter les conflits, au point de ne plus savoir ce qu’elle aime vraiment.
La société glorifie la performance… mais à quel prix ?
« On vit dans une société qui glorifie la performance et le perfectionnisme. À quel moment cette recherche d’excellence se retourne-t-elle contre nous ? »
L’exigence n’est pas un problème en soi. Elle permet d’accomplir de grandes choses. Mais lorsqu’elle devient obsessionnelle, elle génère insatisfaction et épuisement.
Céline Tran parle d’un homme qui, obsédé par la perfection dans son travail, en oubliait sa famille. Sa femme lui a alors lancé un ultimatum :
« Si tu continues comme ça, je te quitte. »
Cette anecdote illustre comment un déséquilibre entre performance et bienveillance envers soi-même peut détruire notre environnement personnel.
Comment sortir de ces schémas négatifs ?
1. Identifier et nommer sa voix intérieure
Céline Tran propose un exercice : imaginez que votre critique intérieure est une radio.
- Radio Catastrophe : "Tu vas échouer, c’est certain."
- Radio Exigeante : "Tu n’en fais jamais assez."
- Radio Abandon : "Les autres vont finir par te laisser tomber."
En lui donnant un nom, on réalise que cette voix n’est pas nous, mais une construction mentale qui peut être déconstruite.
2. Apprendre à s’adresser à soi-même comme à un ami
Se parler avec bienveillance ne signifie pas être complaisant. Cela signifie adopter une exigence saine, où l’on se motive sans s’autoflageller.
«Imaginez-vous en train de parler à votre meilleur ami. Diriez-vous : "Tu es nul, personne ne t’aimera jamais" ?»
Cette prise de conscience permet de remplacer la dureté par une voix intérieure qui soutient plutôt que détruit.
3. Accepter ses émotions au lieu de les fuir
Une émotion ne dure que 90 secondes si elle est accueillie sans jugement.
- Plutôt que d’ignorer une peur ou une tristesse, on peut la localiser dans son corps et la respirer.
- L’important est de ne pas réagir impulsivement, mais d’attendre que l’émotion s’apaise avant de choisir une réponse adaptée.
Victor Frankl disait :
"Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace de liberté. Dans cet espace, nous avons le pouvoir de choisir notre réponse."
4. Définir ses valeurs comme boussole de vie
Au lieu d’agir sous l’effet des schémas négatifs, il est essentiel de se demander :
- Qu’est-ce qui me fait vibrer le matin ?
- Quelle personne ai-je envie d’être ?
- Quels comportements sont en accord avec mes valeurs profondes ?
Ce travail de discernement permet d’agir selon ce qui est juste pour soi, plutôt que de réagir sous l’influence des blessures du passé.
La bienveillance envers soi-même : une force et non une faiblesse
Beaucoup pensent que la bienveillance est une forme de complaisance.
« La vraie bienveillance, ce n’est pas tout accepter ou s’excuser de tout. C’est une posture qui permet d’être plus fort face aux difficultés de la vie. »
Céline Tran souligne que la vie est déjà suffisamment exigeante. Si nous nous infligeons en plus une critique permanente, nous nous enfermons dans une double souffrance.
Elle insiste sur une idée clé :
« Nous sommes la seule personne avec qui nous allons vivre toute notre vie. Alors pourquoi rendre cette cohabitation insupportable?»
Sortir de l’auto-sabotage n’est pas un luxe. C’est une nécessité pour vivre une vie plus sereine et épanouissante.
📖 À lire absolument :
Céline Tran, Apprendre la bienveillance envers soi-même, Éditions Odile Jacob, 2023.