D’ici 10 à 20 ans, les dernières nouvelles technologies de l’intelligence artificielle, de la robotisation ainsi que la numérisation et la digitalisation de notre société vont automatiser tous les métiers de services. Ceux-là mêmes qui représentent près de 75 % des emplois français. De fait, ce sont des millions d’emplois menacés et tout un marché du travail chamboulé.
La robotique aura-t-elle raison de nous ? Sommes-nous donc tous voués à être remplacés et finir sur la paille ? C’est vite dit selon certains économistes. Comme nous le verrons, les vrais enjeux et les risques qui accompagnent les machines intelligentes ne sont pas de leur fait, mais de la prise de décision des êtres humains. Comme toujours.
Selon une étude de 2013 de l’Université d’Oxford, les emplois menacés d’être automatisés concerneraient prêt de la moitié d’entre eux (47 % précisément). Nous l’avions déjà vu pour la médecine et les transports . Les autres secteurs étant l’administration, la logistique et la production.
Amazon a déjà installé dans ses entrepôts les robots Kiva, dont la fonction est d’amener des paquets pouvant peser jusqu’à 300 kilos pour un être humain en temps optimal. Tout cela bien sûr ayant pour but de traiter les commandes plus rapidement. Nous pouvons allonger notre liste avec d’autres professions comme.
Les métiers menacés par les robots
Conseiller financier et juriste
Depuis deux ans, c’est une « employée digitale » répondant au doux nom d’Amélia, qui est en charge de répondre aux principales questions des clients de la banque suédoise SEB.
Un autre exemple ? Depuis mars, la société JP Morgan a mis sur le marché le programme Contrat Intelligence, dont la fonction est d’analyser et de détecter la moindre erreur juridique dans tous les contrats de prêts en quelques secondes.
Animateur
Dans les foires et les halls d’exposition, les robots sont déjà mis à contribution en tant que divertissement ou guide auprès des visiteurs. On commence également à les trouver dans les maisons de retraite. La société d’Aldebaran a développé un petit robot de 58cm baptisé Nao. Mignon tout plein, ce petit robot humanoïde destiné à s’occuper des personnes âgées anime des jeux de loto ou de mémoire. Il peut aussi discuter sans s’épuiser et s’énerver avec les personnes atteintes d’Alzheimer. Être un robot a ses bons côtés.
Agriculteur
Le métier d’agriculteur va également évoluer. Comme pour les voitures autonomes en ville, les tracteurs deviendront à leurs tours autonomes pour se déplacer. Dino, le robot de Naïo Technologies, désherbe tout seul, et son petit frère Oz collecte et transporte les rejets à ses côtés.
Journaliste
Que cela soit pour des comptes rendus de match ou des résultats boursiers, les robots rédacteurs du français Syllabs, et des américains Automatted Insights et Narrative Science sont imbattables pour fournir des textes carrés aux informations précises. Ils peuvent écrire jusqu’à 36 000 articles en moins d’une heure. En mars 2015, le site web du « Monde » avait utilisé un de ces logiciels.
Tous à Pôle Emploi ?
Les algorithmes et robots intelligents semblent donc en passe de remplacer l’homme. Néanmoins, tous les économistes ne parient pas sur une si grande révolution. Ulrich Zierhan, du Centre pour la Recherche Economique de Mannheim, s’est également penché sur la question des emplois automatisés, à la demande de l’OCDE. Et pour lui, ce n’est pas la moitié des emplois qui seraient remplacés par les nouveaux robots, mais seulement 10 %. On sera donc loin du chômage de masse.
Peu importe le nombre de robots qu’il y aura, une autre raison justifie que l’on n’ait pas à s’inquiéter pour l’emploi. «: justify;">Il suffit qu’une tâche au sein d’une profession ne puisse être prise en charge par l’automate, pour que l’humain reste indispensable.
Les limites des robots et de l’intelligence artificielle
Pourquoi les robots n’auront pas notre peau ?
Pour le chercheur de Mannheim, ce n’est pas parce qu’un emploi automatisable que cela signifie qu’il soit condamné à l’être.
Pour trois raisons :
- D’abord parce que tout changement est long, en plus de rencontrer des résistances. Les clients peuvent mal l’accepter ou cela peut être pour des raisons culturelles. Mais quelle que soit la résistance rencontrée, tout changement est long, surtout quand c’est à long terme.
- D’autre part, le progrès technique n’est pas seulement destructeur. En plus de nous soulager de certaines tâches pénibles et répétitives, il crée aussi de nouveaux emplois. La société aura toujours besoin de gens pour développer et programmer des logiciels, ainsi que des spécialistes de traitement de données, de l’entretien, de la maintenance et de la coordination du robot.
- Outre la création d’emplois, un autre avantage auquel on ne pense pas immédiatement, c’est que la robotisation s’accompagnera d’une relocalisation de la fabrication industrielle en Occident. Auparavant délocalisée pour des questions de réduction des coûts de main d’œuvre, la machine autonome étant imbattable sur la question, permet de réinstaller la fabrication industrielle à domicile. Partant de l’impact de l’automatisation, le cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group, prévoit en Allemagne une hausse nette de 350 000 emplois d’ici à 5-10 ans.
Les relations interpersonnelles
Qu’est ce qui n’est pas automatisable finalement ? Les rapports entre humains. C’est notre valeur ajoutée suprême et c’est là-dessus que table Ulrich Zierhan. Reprenons l’exemple du médecin. L’automatisation de la lecture des scans lui permettra de revoir son temps et son organisation du travail. Il pourra consacrer plus de temps au côté humain de son métier, en dialoguant davantage avec ses patients, et se consacrer aux cas médicaux plus complexes.
Pour les médecins, comme pour la catégorie d’employés qui perdront leur emploi, ça sera donc tout bénef: ils feront autre chose de plus gratifiant, et cela s’accompagnera d’une hausse des salaires. Mais il y a un loup.
Ulrich Zierhan avertit : « Les travailleurs peu qualifiés qui affrontent les plus hauts risques d’automatisation, reçoivent aussi moins de formations leur permettant de s’adapter ». De plus le chômage ne serait pas le plus gros problème, mais juste la partie cachée de l’iceberg : « Il serait pertinent à court terme de voir l’effet de vague d’innovations technologiques sur la distribution des salaires. »
Le vrai défi robotique : la redistribution des richesses
Depuis une vingtaine d’années, les gains de productivité ne s’associent plus systématiquement à l’emploi. Le PIB et les profits d’entreprises n’ont jamais été aussi bien portants, et comme on le constate, les chômeurs sont nombreux.
En théorie économique, il est alors apparu comme un paradoxe : le salaire médian a baissé et le salaire moyen a augmenté. Les économistes l’expliquent facilement. Les salariés ne peuvent pas gagner plus que ne coûterait une tâche effectuée par un robot, et dans le même temps ces innovations technologiques créent de la richesse.
L’origine du déséquilibre vient de la répartition des richesses. L’exemple d’Instagram et de ses 10 employés qui ont renversé Kodak et ses 140 000 salariés de l’industrie de la photographie, suffit à lui-même. Le résultat a été que la poignée de fondateurs d’Instagram a empoché l’augmentation du PIB, devenant ainsi des multimillionnaires.
Internet est devenue indispensable et a créé des géants, des rois du monde, les GAFAM. Ils se sont accaparé le domaine numérique, et ont investi dans celui de la robotisation et de l’IA. ET en parallèle en concentrant une grosse part du capital.
Où vont-ils vouloir aller et nous emmener ? A quoi va aboutir cette nouvelle et quatrième révolution industrielle, après celle qui nous aura fait sortir des champs et celles qui nous ont offert l’électricité et internet ? Les précédentes révolutions industrielles se sont accompagnées de progrès partagés par tous et d’une hausse de la qualité de vie. La vraie question finalement c’est : en ira-t-il autrement avec la quatrième ?
Pour aller plus loin : Science & Vie, Emmanuel Monnier, « Salariés ou robot, qui sera l’esclave de qui ? », n°1206, mars 2018