Quelles sont les différentes personnalités narcissiques?
Des petits et grands Narcisses
A travers les réseaux sociaux, et l’étalage constant de nos vies et visages à force de selfies, qui échappe aujourd’hui au narcissisme?
Le serions-nous tous devenus par la force des choses?
Comment se repèrent les personnalités les plus dangereuses, les plus à même de nous faire du tort?
Que dire et penser du narcissisme des hommes politiques ou des dirigeants des grands groupes?
Jean Cottraux, docteur, psychiatre et l’auteur de «Tous narcissiques!» (Odile Jacob) décrypte et explique les différentes nuances du narcissisme.
Serions-nous tous narcissiques?
JC:Oui tous, à des différents degrés. Il y a, cependant, différents types de narcissisme et certains sont plus préoccupants que d’autres. Ceux que nous voyons dans les cabinets, ce sont des égos instables ou alors des victimes de narcissiques malveillants. Je présente dans mon livre, une liste de gens sous l’emprise des pervers narcissiques, qui sont très bons pour attirer et rejeter les gens. Notre travail est de leur apprendre à quitter leur tyran.
Les 3 profils des personnalités narcissiques
1. Le narcissique malveillant, le pervers narcissique, est un prédateur. Il fonctionne sur un mode psychopathique transgressif, mais il sait aussi bien s’adapter à la société. C’est un prédateur dissimulé, ce qui en fait le plus dangereux. Parmi eux, on trouve les harceleurs sexuels et toutes les autres personnes toxiques. Ces personnalités estiment qu’elles ont tout le temps raison, ce qui fait que la thérapie est complètement impossible avec elles.
Le narcissique dépressif et instable compense une faille narcissique par une espèce d’ambition démesurée et une image de soi impressionniste. Il a un manque total d’empathie pour les autres ou les utilise à ses propres fins.
Le narcissique charismatique et séducteur se rapproche de la normalité. Il opère une balance entre ce qui est centré sur lui et ce qui est pour les autres.
Pourquoi avoir eu envie d’écrire sur les narcissiques?
JC:C’est un thème que l’on rencontre constamment quand on est psychiatre, mais également dans la vie à travers les relations sentimentales et sociales. Toutes les relations sociales sont narcissiques, puisque par définition, on créé des différences. Les gens les plus égoïstes et antisociaux se rencontrent aux plus hauts échelons des entreprises ou hôpitaux.
Comment le narcissique malveillant se distingue-t-il des autres narcissiques?
Où sévit le narcissisme?
Trouvons-nous des Narcisses dans les sciences ?
JC:Il y en a beaucoup dans les sciences! Par exemple, il y a eu le scientifique Bruno Bettelheim, qui était habile socialement et trafiquait ses données et son CV. Un autre, dans les années 40-50, avait produit une thèse avec de fausses données en disant que le QI était génétique.
Comparé au monde de la science, le narcissisme dans le monde politique saute aux yeux. Nous sommes dans l’adulation, la quête de puissance, du pouvoir, de la reconnaissance. Tout cela reflété dans le miroir télévisé des médias.
Concernant la politique et l’actualité, vous écrivez: «le terrorisme est venu des pays musulmans. Le 11 septembre est le narcissisme culturel islamique qui a frappé en plein cœur le narcissisme occidental»
JC:Oui, c’est une évidence. Cela a même été reconnu par les officiels américains de l’attentat du 11 septembre. Ils ont qualifié cet attentat de «faible en technologie, mais haut en concept». Après avoir ressenti l’humiliation des deux guerres successives du Golfe, les pays musulmans ont humilié les USA.
Sans porter de jugement sur les deux partis, ce que nous voyons est un affrontement de narcissisme culturel. C’est important de le dire. Chacun a sa part de responsabilité, dont l’Occident, qui n’a pas su négocier ce passage historique pour des raisons économiques. Il faut aussi avoir une réflexion là-dessus pour résoudre le problème.
Qui sont les pervers narcissiques?
Comment devient-on un pervers narcissique?
JC:C’est souvent quelqu’un qui a eu une éducation loupée:
Soit par une absence de frustration dans l’éducation avec une valorisation permanente de l’enfant. Quoiqu’il fasse il a toujours raison.
Soit par une trop grande exigence. Les parents, des éternels insatisfaits, en demandent trop à l’enfant en lui fixant des objectifs impossibles à atteindre. C’est ainsi qu’apparait le narcissique instable.
Il y a enfin, pour le narcissique malveillant, le facteur génétique. On sait, aujourd’hui, que la psychopathie a des aspects génétiques. On se retrouve avec un psychopathe camouflé. A savoir, quelqu’un qui ne va pas prendre un fusil pour braquer une banque, mais qui aura la même philosophie.
On entend beaucoup parler de pervers. Et les perverses?
JC:Statiquement, on compte deux-tiers d’hommes et un-tiers de femmes. Les femmes ne sont pas non plus en reste à la tête des entreprises.
Bien que les perverses existent, c’est toutefois un trait qui est plus masculin. De même, la personnalité psychopathique, transgressive et sociopathique est plus masculine dans son ensemble. En revanche, les femmes sont plus dans le narcissisme instable, l’oscillation entre la dépression et la grandiosité.
Les personnalités narcissiques sont-elles toutes toxiques?
Churchill, narcissique bienveillant vs Trump, narcissique malveillant
Vous comparez un narcissique malveillant célèbre, Hitler, avec d’autres personnalités du paysage politique international d’aujourd’hui. Pourquoi?
JC: Aujourd’hui, Trump est un cas encore plus célèbre qu’Hitler. Selon plusieurs psychiatres américains dont le professeur John Gartner issu de la renommée université Johns Hopkins, Donald Trump serait un narcissique malveillant accompli. Il concentre les critères de la triade noire: machiavélisme et manipulation, le narcissisme et la psychopathie. Cela a abouti à de gros titres dans la presse tels que «Trump est-il fou?»Si pour le professeur John Gartner, le Président des États-Unis devait être destitué pour des raisons psychologiques, sa prise de position était toutefois inédite. Donner son avis sur une personnalité publique sans l’avoir examiné et obtenu son consentement va à l’encontre du code éthique de l’Association américaine de psychiatre. Cette règle est même connue sous le nom informel de la règle Goldwater.En tant que citoyen, nous ne pouvons qu’élire un politique qui pense autant au bien du pays qu’à sa propre gloire personnelle. Ce fut le cas pour Churchill. Il avait d’énormes problèmes psychologiques, mais il a su les mettre de côté pour l’intérêt général.
Leader serviteur vs leader-toxique
Dans le monde du travail, quels effets une personne narcissique peut avoir sur l’entreprise et comment elle se repère ?
JC:Sur ce sujet, j’ai écrit dans le livre une pièce de théâtre intitulée «le bal des faucons». Le faucon est celui qui voit loin et qui est assez habile pour entraîner une équipe derrière lui.
Les chefs d’entreprise sont des faucons. Ce sont des visionnaires, qui veulent transformer les choses et sont capables de rassembler des troupes. Ils se mettent dans une posture de leader-serviteur et sont autant bénéfiques pour l’entreprise, que pour leur gloire personnelle (conf. Churchill).
Ceux dont les entreprises doivent se débarrasser sont les narcissiques malveillants, qui tissent leur toile dans l’ombre et peuvent faire de gros dégâts!
Les narcissiques instables sont aussi problématiques parce qu’ils peuvent déprimer au moindre échec. Ils ont toujours besoin d’un accompagnement et d’une aide. Ce qui n’est pas optimal pour le fonctionnement d’une entreprise.
Comment les différentes générations manifestent-elles leur narcissisme?
Comment sommes-nous passés d’une génération silencieuse à la génération d’aujourd’hui, la génération «moi je»?
JC:C’est la faute de la génération des Baby-boomers. En élevant les enfants avec très peu de frustrations, ils sont devenus très égocentriques. Ce phénomène s’est accentué autour du millénaire qui a vécu dans l’internet et les réseaux sociaux. Cela en fait une génération très centrée sur sa propre image. Une étude montre qu’il y a deux à trois fois plus de narcissiques dans la génération du millénaire que chez les Boomers. Cela se retrouve sur le web où les gens vivent, uniquement, à travers les réseaux sociaux.
Comment définiriez-vous le narcissisme de la génération des Baby-boomers?
JC:C’est le narcissisme du Prophète. Ceux qui ont tout inventé, mais qui au final laissent un monde qui n’est pas si formidable que ça.
Quelle projection faites-vous sur la génération «moi je» pour les 10, 15, 20 ans à venir ?
JC:C’est difficile d’en faire une, car il y a deux générations du millénaire, celle des occidentaux hédonistes et celle de Daesh. Ces deux types sont en train de s’affronter actuellement.
Le narcissisme de Daesh est le narcissisme du héros martyr et rédempteur, qui s’est construit autour de l’humiliation des pays arabes. Pour eux, les occidentaux ont leurs responsabilités et doivent l’assumer. Ce sont les deux versants de la culture du narcissisme.
Quelle forme de narcissisme voyez-vous venir après la génération «moi je»?
JC:Tout dépendra de l’évolution de la société et du monde, mais cela peut-être la génération des héros.
Pour aller plus loin: "Tous narcissiques", Jean Cottraux, Odile Jacob, 21,90 euros
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