Dans un Afghanistan rongé par les conflits et les inégalités, Fawzia Koofi s’est imposée comme une voix puissante et incontournable. Ancienne vice-présidente du Parlement afghan, elle incarne le courage d’une femme qui a défié les traditions patriarcales pour défendre les droits des femmes et promouvoir la liberté.
Auteure du livre « Lettre à mes sœurs », publié chez Michel Lafon, elle livre un témoignage bouleversant sur son parcours exceptionnel, marqué par la résilience et la détermination.
Cet entretien est une immersion unique dans l’histoire et le combat d’une femme hors du commun. À travers ses réflexions et son analyse incisive, Fawzia Koofi éclaire les défis persistants des droits des femmes dans des contextes hostiles. Une rencontre inédite qui invite à la réflexion et célèbre la force de l’engagement.
L’éveil d’une conscience : une enfance en Afghanistan
Fawzia Koofi partage une enfance marquée par la guerre en Afghanistan. Elle raconte :
- La fuite de sa maison sous les tirs ennemis : « Cette expérience a forgé mon courage et ma capacité à survivre. Je me souviens de chaque instant, des cris, des visages terrifiés et de l’urgence de fuir sans savoir ce que l’avenir réservait. »
- Le quotidien difficile : « J’ai grandi dans un Afghanistan où les rues étaient parfois joyeuses, parfois effrayantes. Quand j’étais enfant, je me souviens de ces journées où je jouais dans les rues de Kaboul, puis soudain tout changeait avec les bruits de guerre. »
- Le rôle central de sa mère : « Ma mère, bien que non éduquée, a été une force dans ma vie, insistant pour que j’aie accès à l’éducation malgré les obstacles familiaux. Elle devait prendre des décisions courageuses pour protéger ses enfants, même lorsqu’elle était elle-même brisée par les pertes et les difficultés. »
- Des souvenirs marquants : « Je n’oublierai jamais le jour où j’ai vu une roquette frapper la bibliothèque de mon école. Les livres brûlaient, emportant avec eux les espoirs et les rêves de notre jeunesse. Ces images restent gravées en moi. »
- Les humiliations vécues par sa mère : « Ma mère a subi des épreuves inimaginables. Lorsque mon père a pris d’autres épouses, elle a dû masquer sa souffrance derrière un sourire. Elle me racontait qu’à chaque fois qu’une nouvelle femme franchissait la porte de notre maison, elle sentait son monde s’écrouler. Malgré tout, elle continuait à se battre pour nous offrir un semblant de stabilité et d’espoir. »
Le pouvoir de la parole
Pour Fawzia Koofi , la parole est une arme puissante capable de briser les chaînes de l’injustice :
- Un acte de résistance : « Prendre la parole, c’est exister. Dans un monde où le silence est souvent imposé, parler devient un acte de courage. »
- Un levier de changement : « Lorsque j’étais au Parlement, je savais que mes mots pouvaient faire la différence. Chaque discours était une occasion de défendre les droits des femmes et de dénoncer les abus. »
- Inspirer les autres : « En prenant la parole, je ne parle pas seulement pour moi, mais pour toutes celles qui n’ont pas encore trouvé leur voix. Je veux qu’elles sachent que leurs mots ont aussi de la valeur. »
- Le coût du courage : « La parole a un prix. J’ai été menacée, calomniée et attaquée pour mes positions. Mais je sais que le silence serait une défaite encore plus grande. »
- Un message universel : « Peu importe où nous sommes, la parole peut unir, guérir et motiver. C’est l’un des outils les plus puissants dont nous disposons pour construire un avenir meilleur. »
Résistance et engagement : la force de l’espoir
Fawzia Koofi partage des réflexions sur la manière dont la résistance, l’engagement et l’espoir peuvent transformer des vies :
- L’importance de résister : « La résistance est un acte quotidien. Cela peut être aussi simple que de refuser de se soumettre ou de défendre une autre femme. Chaque acte compte. »
- Un engagement personnel : « J’ai souvent été la seule femme dans des discussions où les droits des femmes étaient ignorés ou méprisés. Mon engagement est venu du désir de représenter celles qui n’ont pas la chance d’être entendues. »
- L’espoir comme moteur : « Même dans les moments les plus sombres, l’espoir m’a toujours permis d’avancer. Je crois profondément que le changement est possible, même lorsqu’il semble lointain. »
- Des exemples inspirants : « Je vois des femmes afghanes qui, malgré les menaces, continuent d’éduquer leurs enfants, de travailler et de rêver. Leur force est une source d’inspiration inépuisable. »
- Un avenir meilleur : « L’espoir est contagieux. Quand nous croyons en un avenir meilleur, nous motivons les autres à se joindre à nous dans ce combat. »
Lutte contre l’illettrisme : une priorité majeure
Fawzia Koofi insiste sur l’importance de l’éducation et le rôle de l’alphabétisation dans l’émancipation des femmes :
- Un outil d’oppression : « L’illettrisme est une des armes les plus puissantes utilisées pour contrôler les femmes. En Afghanistan, les femmes illettrées sont plus vulnérables aux abus et aux mariages forcés, car elles ne peuvent ni comprendre leurs droits, ni revendiquer leur place dans la société. »
- Une expérience personnelle : « Ma mère, bien qu’elle n’ait jamais appris à lire, m’a toujours poussée à aller à l’école. Elle savait que l’éducation pouvait briser le cycle de dépendance. »
- Des conséquences dévastatrices : « L’illettrisme contribue aussi à des interprétations erronées de la religion. Beaucoup de ceux qui manipulent les textes religieux pour justifier des actes violents ou injustes ne savent même pas lire le Coran. Cela alimente l’extrémisme et légitime des pratiques inhumaines comme les mariages forcés. »
- Le rôle de l’interprétation masculine : « Une grande partie des textes religieux de l’islam ont été écrits et interprétés par des hommes, ce qui a souvent biaisé leur sens original. Ces interprétations servent à justifier des pratiques oppressives envers les femmes. »
- Un appel à l’éducation des filles : « Éduquer les filles, c’est leur donner les moyens de lire et de comprendre les textes religieux elles-mêmes. Cela leur permet de contester les interprétations erronées et de redéfinir leur rôle dans la société. »
- Un appel à l’action : « Éduquer les filles, c’est non seulement leur donner une chance de se libérer, mais aussi créer une société plus éclairée et juste. L’alphabétisation est une arme contre l’ignorance, la manipulation et la tyrannie. »
Une analogique avec l’affaire Gisèle Pélicot et le combat des femmes en occident
Fawzia Koofi fait un parallèle entre son combat et celui des femmes dans d’autres parties du monde, notamment l’affaire Gisèle Pélicot, qui a marqué les esprits par sa lutte pour les droits des femmes et par les abus qu’elle a subis :
- Un combat pour la justice : « Tout comme Gisèle Pélicot, victime de la brutalité sournoise de son mari et des hommes qui ont abusé de sa vulnérabilité, j’ai utilisé ma position pour dénoncer les abus systémiques en Afghanistan. Le combat pour les droits des femmes transcende les frontières. »
- La marginalisation des victimes : « En Afghanistan, les femmes violées sont accusées d’adultère, et en Occident, d’autres formes de patriarcat persistent. Les luttes comme celle de Gisèle Pélicot montrent que l’injustice prend différentes formes mais trouve toujours des femmes prêtes à y résister. »
- Une solidarité internationale : « Que ce soit en Afghanistan ou en France, les femmes partagent une lutte commune. Nous devons apprendre des victoires obtenues ailleurs pour renforcer notre propre combat. Gisèle Pélicot a démontré que la persévérance et la solidarité peuvent changer des vies. »
- Une histoire partagée : « L’histoire de Gisèle Pélicot, comme celle de tant d’autres, montre que chaque avancée dans les droits des femmes est le fruit de sacrifices et de courage. Ces combats nous rappellent l’importance de rester unies et déterminées. »
L’engagement politique et la défense des droits des femmes
Fawzia Koofi est devenue une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes en Afghanistan. Voici les points saillants de son engagement :
- La rédaction de lois : « J’ai voté des lois pour protéger les femmes, notamment contre la polygamie et les violences domestiques. En tant que femme au Parlement, j’ai souvent été confrontée à des préjugés, mais je savais que chaque pas comptait. »
- La lutte contre les pratiques archaïques : Elle critique la polygamie et dénonce son impact négatif sur les femmes. « Mon père s’est marié sept fois. J’ai vu la souffrance de ma mère et de ces femmes qui vivaient dans une douleur silencieuse. »
- L’importance de l’éducation : « Chaque fille éduquée est une victoire contre l’obscurantisme et la tyrannie. Je me souviens des visages des jeunes filles qui, malgré tout, rêvaient de franchir les portes des écoles fermées. »
- Les humiliations vécues par les femmes : « Les femmes en Afghanistan subissent quotidiennement des injustices. Certaines sont mariées de force, d’autres sont privées de toute liberté. C’est une lutte constante pour simplement exister et être reconnues comme des êtres humains à part entière. »
La santé mentale et les attaques : un combat au quotidien
Fawzia Koofi évoque avec courage les conséquences des menaces et des attaques qu’elle a subies tout au long de son parcours :
- Les attaques personnelles : « Être une femme en politique en Afghanistan, c’est être une cible permanente. J’ai survécu à des tentatives d’assassinat, des intimidations, et des campagnes de diffamation orchestrées pour me faire taire. »
- Le poids sur la santé mentale : « Ces expériences laissent des cicatrices invisibles. Il est difficile de vivre constamment dans la peur pour soi-même et pour ses proches. La santé mentale est un aspect souvent négligé de notre lutte, mais il est crucial d’en parler. »
- L’impact de l’exil : « Être forcée de quitter son pays est une blessure profonde. C’est un déracinement qui affecte à la fois le corps et l’esprit. Mais même en exil, je trouve la force de continuer à me battre pour mon peuple. »
- Les pratiques pour le bien-être : « J’ai découvert que des activités comme le yoga et le Pilates peuvent m’aider à gérer le stress et à retrouver un équilibre. Ces moments de recentrage sont essentiels pour garder une énergie positive dans mon combat. »
- Un message d’espoir : « Malgré tout, je refuse de céder à la peur. Chaque jour, je choisis de transformer cette douleur en une énergie positive pour continuer mon combat. »
Conclusion : une responsabilité collective et une source d’inspiration
À la fin de cet entretien, ce que
Fawzia Koofi nous laisse, c'est une claque silencieuse. "Lettre à mes sœurs" n'est pas qu'un témoignage. Ce n'est pas un plaidoyer ou une simple ode à la résilience. C'est un cri contenu, une vérité tranchante qui vous suit bien après la dernière page, bien après les mots échangés ici. Ce livre ne nous flatte pas, il ne cherche pas à nous rassurer.
Il nous met face à nos contradictions, face à notre passivité parfois confortable. Il nous demande : qu'avez-vous fait de votre privilège, de votre voix ? Et si vous aviez grandi sous des tirs, auriez-vous eu le courage de vous lever comme elle l'a fait ?
Fawzia Koofi nous donne une leçon cruelle, mais nécessaire. Dans les pires moments, l'espoir n'est pas une évidence, c'est un effort, une décision. La sienne a été de ne pas plier, de ne pas céder, de refuser que l'obscurité soit la fin de l'histoire.
Alors, souvenez-vous de ces mots, non pas comme une bombe, mais comme un rappel. Souvenez-vous qu'il ne suffit pas de regarder la lumière, il faut la porter, et parfois, il faut la créer. Parce que résister, espérer, combattre, ce n'est pas naturel, c'est une tâche, une œuvre. Et c'est ce qui fait de nous des humains.
Merci, Fawzia Koofi , d'avoir partagé votre lumière. Et merci à vous, qui nous écoutez ou nous lisez, d'avoir pris le temps de la recevoir.