Les parents toxiques sont ceux qui vont adopter un comportement passif-agressif borderline et sans affect et empathie avec leurs jeunes enfants. Non seulement, ils ignorent leurs besoins d’insouciance et de sécurité affective, mais ils effectuent sur eux un travail de manipulation. Le but étant que l’enfant soit totalement sous l’emprise psychologique du parent pervers.
Dans cette catégorie, on trouve le parent alcoolique violent physiquement, psychologiquement, le parent mentalement malade, le père dominateur-castrateur (ou la mère dominatrice-castratrice), le parent-déserteur ou le parent-démissionnaire. Le pire de cette catégorie étant l’abuseur sexuel.
Selon Julie Arcoulin, autrice de nombreux ouvrages consacrés aux manipulateurs, le parent pervers narcissique est quelqu’un dont la faille narcissique est devenue un gouffre. Son besoin de détruire l’autre et de le voir souffrir par plaisir (du pur sadisme en somme) expliquent pourquoi il ne peut qu’entretenir une relation destructrice avec quiconque. Même avec son enfant qu’il ne voit que comme une victime privilégiée.
Il se positionne face à lui comme tout puissant et détruit l’amour-propre de l’enfant en se montrant tour à tour gentil et drôle puis critique et blessant. Une catastrophe notoire donc avec des failles psychologiques importantes pour l’enfant devenu adulte.
Le but d’un parent toxique n’est pas de prendre soin de son enfant, mais d’en faire sa chose pour servir ses intérêts. L’enfant manipulé va être utilisé pour contrôler les faits et gestes de l’autre parent.Et dans le cadre d’un divorce, il ne sera ni plus ni moins qu’un instrument de vengeance pour blesser l’ex-conjoint.Pour y parvenir, le parent toxique va répliquer avec l’enfant les mêmes techniques de manipulation qu’il use avec un adulte :
l’emprise. Il va se montrer séducteur, utiliser les mensonges, le chantage émotionnel, le harcèlement moral, la culpabilité, les cadeaux empoisonnés ou encore l’alternance entre compliments et critiques acerbes.L’objectif du manipulateur est de faire perdre tous ses repères à sa victime pour l’isoler afin qu’elle n’écoute plus qu’une seule voix : la sienne.Avec son enfant en demande d’amour et de reconnaissance, l’emprise du manipulateur se fait encore plus facilement. Il en, d’ailleurs, bien conscient et abuse de la situation, non sans ruiner la santé mentale de son enfant.
Comment un parent toxique impacte la santé mentale de son enfant ?
Une perte très faible d’estime de soi et une perte d’identité
A force d’être rabaissé, d’essuyer les critiques humiliantes et les petites phrases assassines du parent, l’enfant perd inévitablement confiance en lui.Quant à la perte d’identité, elle est acquise, entre autres, par la parentification, un terme pour désigner qu’on devient le parent de son parent.Les enfants ne comprennent pas tout ce qu’il se passe dans le monde des adultes, et encore moins dans leur tête. En revanche, ils ont d’excellents ressentis, et sont capables de percevoir le mal-être chez les autres.Le 1er instinct d’un enfant est donc d’aider son parent toxique à aller mieux. Mais accaparé par les besoins et les envies du parent toxique, l’enfant ne trouve pas le temps de se pencher sur les siens.
Une anxiété et une peur du rejet viscérales
Le déficit de sécurité, induite par des parents toxiques, trouble le bon développement cognitif et comportemental des enfants. Une fois adultes, ils auront tendance à se sur-adapter pour mieux répondre aux besoins des autres, et à rechercher l’amour inconditionnel dans leurs relations amoureuses.Ces
blessures suivront l’enfant dans toute sa vie d’adulte, à n’importe quel âge, si aucune thérapie, ou processus de reconstruction n’est entamée.Heureusement, le parent toxique n’est pas le seul adulte dans le paysage de l’enfant. Son influence destructrice peut être largement atténuée par d’autres membres de la famille, à commencer par sa mère ou son père sain d’esprit.Pour ce faire, Julie Arcoulin préconise de donner à l’enfant des armes intellectuelles et psychologiques, afin qu’il puisse prendre du recul et se défaire de l’emprise et de la manipulation émotionnelle de son parent toxique.
Quels sont les recours du parent sain face au parent toxique?
Sécuriser émotionnellement son enfant
L’aimer inconditionnellement
Cela sous-entend de ne pas faire de chantage affectif, pas de calcul, ni de reproches même si ses choix favorisent le parent toxique. En tant qu’adulte responsable, on ne peut pas demander à son enfant de combler ses blessures et manques affectifs.Comme le rappelle si bien Julie Arcoulin, un enfant ne devrait pas avoir à se soucier des conséquences de ses actes et décisions sur ses parents. Il devrait simplement apprendre à écouter ses besoins, ses envies et à les respecter.
Le valoriser pour construire son estime et confiance en soi
L’objectif du parent toxique étant de rabaisser son enfant, le rôle du parent sain sera de compenser en montrant à l’enfant qu’il a le droit d’être fier de lui en le félicitant et en l’encourageant sur ce qu’il fait bien ou aime.
Être un repère stable
Il est illusoire de croire qu’en étant plus permissif et plus cool pour compenser la violence d’en face, on puisse adoucir la vie de son enfant. C’est une logique généreuse mais fatale, car en laissant tout passer, on le laisse complètement perdu. Les enfants recherchent naturellement les limites pour pouvoir comprendre leur environnement, et mieux interagir avec lui.En refusant les comportements qu’il aurait acquis par mimétisme de son parent toxique, on offre à l’enfant un phare quand son parent toxique le déstabilisera.
Ne jamais justifier les comportements du parent toxique
Pour soulager la souffrance d’un enfant, on essaye souvent de justifier le comportement déviant de l’adulte. C’est un mauvais raisonnement. Non seulement on se rend complice du parent toxique, mais on empêche en plus l’enfant de comprendre qu’il y a un souci. Pire, il peut envisager d’imiter le comportement manipulateur de son parent toxique vu qu’il n’y a aucun mal à cela.
Protéger psychiquement son enfant
Développer son esprit critique
Lorsque l’enfant rapporte des anecdotes sur le comportement déviant du parent toxique (comme un mensonge ou un coup de poing pris dans la figure), le parent sain peut développer le
sens critique de l’enfant en lui posant des questions sur ses ressentis et ce qu’il considère juste. C’est un exercice d’équilibriste quand les enfants sont petits, car même maltraités par leurs parents, ils sont encore dans la phase d’adulation.Le parent sain devra donc se forcer à garder ses émotions et à rester sur les faits, pour éviter de donner l’impression à l’enfant qu’il accuse « injustement » son père ou sa mère toxique. Un enfant sous emprise, par définition, va systématiquement prendre le parti du parent manipulateur. Aussi injuste que soit cette situation, elle est naturelle. Elle s’explique par le phénomène de parentification mentionnée plus haut.Développer l’esprit critique de quelqu’un est un travail de longue haleine. L’essentiel est de faire comprendre à l’enfant qu’il n’est pas obligé de croire tout ce qu’on lui dit, et qu’il a le droit d’avoir des opinions contraires à celles de ses parents. De plus, en lui apprenant à faire confiance en ses ressentis, on lui apprend à avoir confiance en lui.
Dénoncer les comportements déviants
Il faut apprendre à l’enfant à distinguer le bien du mal, les bons comportements et traitements des mauvais (exhibitionnistes, violents, colériques, attouchements, phrases assassines, reproches indirects ou culpabilisation).
Autoriser l’enfant à condamner les comportements inappropriés
L’héritage du judéo-christianisme, qui veut que chacun « honore son père et sa mère » aura fait beaucoup de mal aux enfants qui ont eu des parents indignes. Personne n’a à subir les situations délirantes, les brimades et le mal-être empoisonnant de ses parents. On peut couper les ponts tout en s’assurant que leur situation matérielle est assurée.
Se protéger soi-même d’accusation d’aliénation parentale
Que cela soit des mails, textos, lettres, il faut tout garder. Et ce, pour deux raisons :
- Pour l’enfant qui aura peut-être besoin de prendre conscience de toute la toxicité de son parent et d’avoir des éléments objectifs en cas de doute.
- En cas de recours à la justice pour apporter des preuves solides sur la nuisance du parent toxique, et ne pas être accusé d’aliénation parentale, un moyen utilisé par l’un des parents pour manipuler et dresser l’enfant, ou la fratrie, contre l’autre parent.
Pour la petite histoire, le syndrome d’aliénation parentale est une théorie conçue en 1985 par le Dr Richard Gardner. Selon ce docteur, dans 95 % des cas de divorce, les mères manipulent leurs enfants pour leur faire dire au tribunal les pires horreurs sur leur père. Jugée fumeuse par les psys, la théorie de Gardner est reçue comme nulle et non recevable.Mais cela ne décourage pas pour autant le Dr Gardner. Il fonde une maison d’édition spécialement conçue pour propager sa théorie qui connaitra un grand succès auprès du monde juridique. Il publie des articles sur le sujet dans des magazines de droit, et on le convoque dans les tribunaux en cas de suspicion de syndrôme d’aliénation parentale.Le hic, c’est qu’en plus d’être un escroc, Gardner était une personnalité dérangée. Sa théorie ne reposait sur aucune démonstration scientifique rigoureuse, et alors qu’il se prétendait professeur à la faculté de médecine et de chirurgie de l’université de Columbia, on découvrit que c’était faux. Il mit fin à ses jours à 72 ans en se poignardant une vingtaine de fois le ventre.Fin de la petite histoire qui aura fait beaucoup de mal dans beaucoup d’autres histoires de vie.
Que faire si l’enfant s’enferme dans le mutisme?
C’est le principal obstacle auquel peut se confronter le parent sain. La protection émotionnelle de l’enfant ne peut se faire que s’il y a
un échange . Or, certains se réfugient dans un mutisme par stratégie de survie suite aux séquelles subies avec le parent toxique.Moins j’en dit, moins on pourra utiliser mes paroles pour me faire mal.Mais, comme le souligne Julie Arcoulin, il faudra utiliser les outils quand même. En finesse, de manière détournée, en usant de toutes les stratégies possibles. Par les contes métaphoriques, les discussions amenées à table à travers l’actualité, des films, des dessins animés.En plantant la graine du doute, on amorce un début d’éveil et une prise de conscience. L’enfant se met alors à douter et à déjouer la manipulation affective et mentale. C’est le début de la fin de l’enfer et du retour vers soi.
Source : Julie Arcoulin « Survivre aux parents toxiques », Editions Le Courrier du Livre,