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Publié le 22/08/2018, mis à jour le 22/03/2023
Connaissance de soi
Tu haïras ton prochain comme toi-même


Jeunesse radicalisée : comment se nourrit leur haine ?
C’est un fait de société médiatique bien connu, une partie de la jeunesse s’est renfermée sur elle-même et a choisi la voie de l’Islam radical ou du populisme. Le FN est le premier parti des jeunes qui votent, et Daesh recrute des adeptes entre 17 et 28 ans.
Pour tenter de comprendre leurs motivations, et leurs basculements dans ces courants, beaucoup se sont penchés sur leurs parcours de vie, et ont passé au peigne fin leur enfance et leur environnement familial.
Pour Hélène L’Heuillet, psychanalyste et maitre de conférences à Paris-Sorbonne, se limiter au contexte individuel pour comprendre ces jeunes ne suffit pas, il faut aussi interroger le contexte général, autrement dit la société. Car après le décryptage des discours de cette jeunesse radicalisée, qu’elle soit djihadiste ou populiste, Hélène L’Heuillet a entendu le même langage : celui de la haine.
Mais pourquoi tant de haine et comment se nourrit-elle ?
Jeunesse djihadiste ou populiste : le choix commun de la destruction
Que les jeunes soient attirés par les mesures les plus extrêmes, nous le savons depuis l’Antiquité. Ce qui change ici, pour Hélène L’Heuillet, est que cette radicalité, bien qu’elle se revendique comme politique ou religieuse, ne l’est pas du tout. C’est une radicalité de la destruction, dans le sens où il faut tout casser avant de penser à la suite.
Il ne s’agit donc pas de changer les choses, pour créer mieux, mais simplement de détruire. C’est subtil, mais c’est une différence majeure, car nous passons du refus d’un modèle, à la haine pour ce modèle, et c’est ce qu’ont en commun mouvements djihadiste et populiste.
D’ailleurs, dans les deux cas, la haine n’est ni cachée ni refoulée, elle est pleinement assumée. Bien sûr, elle ne s’exprime pas au même niveau : pour les uns, la haine et la violence se traduisent en actes, quand pour les autres, elle reste au niveau du langage. Mais dans les deux cas, on souhaite la mort d’un système, car la haine n’est rien d’autre qu’un « vœu de mort ».
A propos du populisme, Hélène L’Heuillet rappelle : « Si le populisme est un double grimaçant de la démocratie, c’est que, de la démocratie, il critique une forme particulière, la forme représentative de la démocratie moderne. C’est la représentation politique qui est considérée comme responsable de la spoliation du pouvoir qui revient légitimement au peuple ». En somme, les représentants, députés, maires, etc.., ne représenteraient qu’eux-mêmes, et c’est pour cela que cette forme de démocratie doit mourir. C’est le même son de cloche des partisans de Daesh, concernant le mode de vie occidental démocratique et capitaliste, qu’ils jugent hypocrite, corrompu, et irrécupérable.
Les différents discours de fin du monde de cette partie de la jeunesse ont interpellé Hélène L’Heuillet, car elle y a vu un écho à un autre discours, porté cette fois ci par les générations antérieures, et très bien véhiculé dans les médias : le discours décliniste.
Le déclinisme, un autre discours haineux
Les discours déclinistes des générations antérieures où l’on entend dire que c’est la fin de la France, et que nous vivons dans un monde malade, perdu et ruiné, ne représentent finalement qu’un autre discours haineux. Cela revient à dire « après moi le déluge ». Facile quand on a 60, 70 ans. Plus difficile à digérer quand on a 20 ou 30 ans, car cela revient à comprendre que tout avenir heureux est impossible.
Le dénigrement des discours déclinistes ne se limite d’ailleurs pas à l’état du pays ou du monde, il touche aussi la jeunesse. Ces déclinistes dénigrent une jeunesse trop gâtée, trop enfant-roi, qui aurait tout eu, mais à qui, paradoxalement, on ne va rien laisser.
Cette jeunesse mérite-t-elle d’ailleurs qu’on lui laisse quoi que ce soit ? Il y a donc bien une haine de la jeunesse dans les discours déclinistes, où l’on agite le spectre de la mort sous leur nez. Peut on s’étonner que certains le leur arrachent ? Hélène L’Heuillet résume ainsi : « Aux tentations radicales de la partie de la jeunesse qui veut tout détruire, semblent correspondre les tentations radicales de la vieillesse qui dénigre tout sans rien vouloir assumer. »
Pour autant, la haine ne tient pas dans le temps : « En Histoire, les régimes issus de la victoire des discours haineux ne sont pas seulement voués à la destruction, mais aussi à l’autodestruction ». Quid de la Première République ou du IIIème Reich ? Alors quelle solution ? Hélène L’Heuillet exprime la même logique que le « connais-toi toi-même du Temple de Delphes : « Tout le problème vient précisément de ce que l’on projette sur l’autre la haine de soi-même. Il vaudrait mieux commencer par se traiter soi même comme un autre, respecter la part d’altérité qu’on porte en soi, qui est source du langage et du désir, et à ce titre, seule pacifiante. »
Autrement dit, si on ressent de la haine pour quelqu’un ou quelque chose, c’est à l’intérieur de soi qu’il faut aller chercher les réponses. Comme le rappelle le petit conte soufi qui suit :
« Chacun porte en lui sa vision du monde ».
Il était une fois un vieil homme assis à l’entrée d’une ville. Un voyageur s’approcha de lui et lui dit : « Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens dans cette ville ? ». Le vieil homme lui répondit par une question : « Comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ? ». « Egoïstes et méchants, c’est la raison pour laquelle j’étais bien content de partir », dit le jeune homme. Le vieillard répondit : « tu trouveras les mêmes gens ici ». Un peu plus tard, un autre voyageur lui posa la même question : « Je viens d’arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ? » Le vieil homme répondit encore une fois par la même question : « dis-moi mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ? » Ils étaient aimables et accueillants. J’avais de bons amis et j’ai eu du mal à les quitter, répondit le jeune voyageur. Tu trouveras ici les mêmes, répondit le vieil homme. Un homme assis tout près de là et qui avait tout entendu s’étonna auprès du vieux sage de ses réponses différentes. Ce dernier répondit : « Chacun porte en lui sa vision du monde. Et celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres. »
A méditer.
Pour aller plus loin : Hélène L’Heuillet, « Tu haïras ton prochain comme toi-même », Albin Michel, 2017
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