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Publié le 02/05/2024, mis à jour le 07/05/2024
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Traumas d’enfance et santé mentale : impact sur les émotions et comportements adultes
L’impact profond des traumatismes d’enfance sur les émotions et comportements adultes
Yasmine Lienard, médecin psychiatre et auteure de « Guérir des blessures de son enfance » paru aux éditions Odile Jacob, est notre invitée. Elle nous dit que pour guérir, il faut comprendre chaque personne dans toute sa complexité. Vie, histoire, culture, environnement, corps et émotions. Avec compassion et science, elle explique comment soigner l’esprit en passant par le corps.
Dans ce podcast, le docteur Lienard nous invite à réfléchir ensemble pour une société plus sereine. Pour en savoir plus sur les blessures de l’enfance et leur impact sur notre vie d’adulte, nous discutons avec le docteur Yasmine Lienard, psychiatre et ancienne chef de clinique à l’hôpital Saint-Anne à Paris. Elle travaille maintenant à Bordeaux, notamment sur la douleur adulte et la médecine intégrative.
Amal Dadolle : Vous parlez de l’impact des traumatismes d’enfance dans votre livre. Comment ces traumatismes affectent-ils les émotions et le comportement à long terme?
Yasmine Lienard : Quand un enfant subit un traumatisme, des mécanismes de survie se développent dans son cerveau et son corps. Ces mécanismes laissent une marque durable. Pour expliquer cela, j’utilise souvent l’exemple des animaux avec mes patients. Prenons un chat maltraité pendant un mois. Si vous le remettez ensuite dans un environnement normal, il ne sera pas comme avant. Il sera sur ses gardes, parfois agressif, et peut ne pas manger ou s’isoler.
Ces troubles du comportement peuvent durer toute sa vie. Chez les animaux maltraités, on observe des réactions automatiques même des années après. Cela nous aide à comprendre l’effet sur les animaux, mais nous ne comprenons pas encore totalement cet impact chez les adultes.
Nos comportements et relations adultes découlent souvent de ce qui nous a marqués durant notre enfance, surtout entre 8 et 12 ans. Cette période est cruciale pour le développement du cerveau et nos réactions futures.
L'importance de reconnaître et de soigner les blessures de l'enfance
Amal Dadolle : Pourquoi est-il important de reconnaître et de soigner les blessures de l'enfance? Yasmine Lienard : Il est crucial d'identifier et de traiter la source des problèmes. Dans la vie, nous rencontrons des symptômes comme le stress ou les addictions. On se demande souvent pourquoi on continue de fumer ou pourquoi on a des compulsions alimentaires. Pourquoi nos relations amoureuses échouent ou pourquoi il y a de la violence conjugale. Si on ne traite pas la cause profonde, on se contente de masquer les symptômes sans guérir la blessure elle-même. En tant que psychiatre, mon expérience clinique et mes études des causes, symptômes, maladies et traitements m'ont menée à cette conclusion : les troubles viennent souvent d'une dérégulation émotionnelle causée par des événements de l'enfance. C'est une période clé. Pour beaucoup de patients, il est essentiel de traiter le cœur du problème. En s'attaquant à la racine, on peut transformer profondément et efficacement plusieurs symptômes liés, comme la dépression, l'anxiété, le stress et les addictions. Ces symptômes sont en surface ; il faut plonger au cœur de l'océan pour résoudre véritablement le problème.Redéfinir la gestion des émotions : diversité culturelle et bienveillance personnelle comme clés de guérison
Amal Dadolle : Dans votre livre, vous mentionnez un terme appelé "syndrome méditerranéen". Vous dites qu'à l'époque où vous étiez étudiante, on observait des Méditerranéens exprimer bruyamment leurs émotions. Aujourd'hui, vous y voyez une richesse culturelle. Vous critiquez le contrôle excessif des émotions pratiqué en Occident, qui peut être nuisible. Vous soulevez une question importante : comment la diversité culturelle influence-t-elle notre guérison émotionnelle ? Yasmine Lienard : Oui, dans mon livre, je discute de la science derrière les problèmes psychologiques et psychiatriques. Aux États-Unis, on révise même les catégories diagnostiques, réalisant que la régulation des émotions est souvent à la racine de nombreux symptômes. Mais le livre traite aussi de l'importance de l'expression des émotions pour notre guérison, individuelle et collective. Les émotions sont souvent vues négativement, que ce soit au travail ou en famille. Comprendre que ressentir des émotions est naturel et sain est crucial pour la guérison. Il ne faut pas confondre maladie et émotion. Collectivement, nous devrions accepter que montrer sa tristesse, sa colère, ou sa joie est normal. Ce n'est pas le problème. Le vrai enjeu est de savoir comment nous gérons ces émotions. Concernant le syndrome méditerranéen, nous ne l'utilisons plus comme terme. Les cultures, particulièrement en Afrique du Nord, montraient moins de dépression et de troubles alimentaires, entre autres. Leur rapport aux émotions était très différent. Cela montre l'importance de pouvoir exprimer librement ses sentiments.Cultiver la bienveillance envers soi-même au quotidien
Comprendre les comportements dysfonctionnels : l'Impact des traumas d'enfance sur la régulation émotionnelle adulte
De l'Individu à la société : comment la gestion des émotions influence les dynamiques sociales
Réduire la souffrance mentale et les coûts associés
Les bienfaits de la méditation de pleine conscience et l'équilibre psychologique des personnalités publiques
Amal Dadolle : Vous parlez de la méditation de pleine conscience dans le traitement des troubles alimentaires. Quels autres effets positifs peut-elle avoir? Yasmine Lienard : La méditation de pleine conscience est essentielle pour réguler les émotions. Elle est utilisée non seulement pour les traumas avec des techniques spécifiques comme le MDR ou le somatic experiencing, mais aussi comme partie intégrante de nombreuses thérapies. Elle aide à développer une attention portée au corps, ce qui régule naturellement les émotions, y compris dans le cerveau. Outre les troubles alimentaires, elle est bénéfique pour les addictions, l'anxiété, et les rechutes dépressives. Elle s'avère être un outil puissant pour comprendre et traiter divers troubles. Amal Dadolle : La chute de certaines personnalités publiques pourrait-elle souligner l'importance de l'équilibre psychologique? Yasmine Lienard : Oui, c'est assez triste de voir des personnes réussies socialement montrer des comportements inappropriés. Ces comportements reflètent souvent des traumas d'enfance non résolus. Ces personnes pourraient bénéficier de travailler sur elles-mêmes pour éviter de nuire et de souffrir inutilement. La célébrité et la richesse ne guérissent pas les traumas, elles peuvent même les aggraver en exacerbant le narcissisme et un sentiment de toute-puissance. Non traités, ces problèmes peuvent s'aggraver et éclater publiquement.Ressources insuffisantes en psychiatrie : un défi majeur pour le traitement des troubles psychologiques
Crise en pédopsychiatrie : manque de ressources et conséquences à long terme pour les enfants
Yasmine Lienard : La pédopsychiatrie est particulièrement touchée car elle nécessite une équipe complète, incluant la prise en charge des familles. C’est un secteur en déclin alors que le besoin est criant. Sans soins adéquats, nous verrons des conséquences graves à l'âge adulte pour ces enfants non soignés.Repenser la psychiatrie : innovations biologiques et personnalisation des soins
Amal Dadolle : Comment évolue la reconnaissance de la dimension biologique des troubles psychiques avec les découvertes scientifiques actuelles et quelles sont les limites des traitements médicamenteux ? Yasmine Lienard : Sur le plan biologique, nous faisons des progrès mais sans avancées significatives pour des diagnostics précis, comme pour la dépression ou le trouble bipolaire. Nous comprenons mieux les mécanismes de régulation des émotions et le stress. Les études montrent que la méditation de pleine conscience peut être aussi efficace que les médicaments pour traiter l'anxiété, ce qui soulève des questions sur l'efficacité réelle des médicaments. Cela ouvre de nouvelles perspectives, notamment dans l'utilisation de l'intelligence artificielle pour comprendre la conscience, le cerveau et les émotions. Nous sommes au début d'une ère potentiellement révolutionnaire pour la psychiatrie.Valoriser la singularité dans la guérison psychiatrique : une approche respectueuse de l'Individu
Amal Dadolle : Quelle importance accordez-vous à la singularité des patients dans le processus de guérison? Yasmine Lienard : La singularité des patients est fondamentale. Imposer des normes standardisées en termes de traitement et de thérapie est inefficace. Chaque individu est unique et complexe. Reconnaître cette singularité est une forme de respect et de curiosité envers l’autre. Par exemple, dans le domaine de l’alimentation, les conseils généraux ou les régimes standards ne tiennent pas compte des subtilités individuelles telles que les premières expériences alimentaires, les liens familiaux, ou les contextes culturels. La psychiatrie évolue vers une approche qui valorise cette écoute individuelle, s’inspirant des mouvements comme l’antipsychiatrie, qui prônent la créativité et l’unicité de chaque personne comme clés de leur guérison. En acceptant et en valorisant l’atypicité et la diversité, les individus peuvent trouver leur place et s’intégrer dans la société.Vers une psychiatrie libératrice : inspirations des pratiques alternatives et communautaires
Amal Dadolle : Vous parlez passionnément de l’antipsychiatrie dans votre livre. Comment les expériences de Kingsley Hall, où psychiatres et résidents collaborent sur un pied d’égalité, peuvent-elles inspirer les pratiques actuelles? Yasmine Lienard : Je suis fascinée par ces approches qui ont exploré la psyché humaine avec amour et curiosité, sans chercher à imposer des normes. La psychiatrie a souvent été critiquée comme un outil de normalisation et de contrôle. Les initiatives comme celles de Franco Basaglia en Italie, qui a contribué à l’abolition des hôpitaux psychiatriques, montrent une autre voie. La psychiatrie communautaire développée dans les années 70 a permis des soins plus personnalisés et proches des patients, en allant à leur rencontre dans leur propre environnement. Cela permet de mieux comprendre l’individu dans son propre contexte, souvent très riche et instructif. L’art brut, par exemple, valorise l’expression artistique des patients psychiatriques, offrant une perspective unique sur leur univers intérieur. Ces approches nous montrent l’importance de traiter les gens non pas en les conformant à une norme, mais en libérant et en valorisant leur diversité et leur créativité.Exploration créative : L' art-thérapie comme chemin vers l'autonomie et la guérison
Amal Dadolle : Vous parlez des avantages de l’art-thérapie. Quels sont les bénéfices d’une thérapie qui favorise l’autonomie du patient et le soutien de ses choix thérapeutiques ? Yasmine Lienard : Le traitement des traumas et de la violence commence avec le corps. Discuter des problèmes ne résout pas les troubles émotionnels. Par exemple, un patient peut comprendre ses problèmes mais continuer à avoir des comportements destructeurs. Il est essentiel de passer par le corps pour réguler les émotions. Des techniques corporelles permettent de retravailler les scènes traumatiques et de libérer les mouvements retenus. L’art-thérapie est une partie de ce processus, aidant à accéder aux émotions authentiques et à la pleine conscience. Cela aide les personnes dissociées de leur corps à renouer avec leurs sensations. Les médiums artistiques sont doux et aident à se reconnecter à soi-même avec amour.Intégration de la singularité et de la créativité dans les traitements psychiatriques modernes
Amal Dadolle : Comment la reconnaissance de la singularité des patients comme acteurs de leur guérison transforme-t-elle leur expérience de la maladie et favorise-t-elle un avenir meilleur ? Yasmine Lienard : Reconnaître les patients comme acteurs de leur guérison renforce leur estime de soi et leur motivation. En les impliquant activement dans le processus thérapeutique, ils se sentent valorisés et inclus, ce qui est essentiel pour leur rétablissement. Cette approche diminue la stigmatisation et les aide à se sentir partie intégrante de la communauté, contribuant ainsi à une meilleure intégration sociale et à un avenir plus prometteur. Amal Dadolle : Vous évoquez la violence ajoutée à la violence. Yasmine Lienard : La dissociation, où l'esprit se coupe du corps, est une réponse à la violence. Prenons l'exemple d'une enfant régulièrement maltraitée, qui subit une désorganisation neurologique grave. À l'âge adulte, elle pourrait recourir à des drogues ou éprouver des difficultés relationnelles dues à une mémoire corporelle des traumas. Ces séquelles impactent sa capacité à gérer le stress et à se sentir en sécurité, même en absence de danger immédiat. Amal Dadolle : Quelle influence Peter Levine a-t-il eu sur votre compréhension des traumas et de la dissociation ? Yasmine Lienard : Peter Levine a grandement influencé ma compréhension des traumas. Sa recherche montre comment la dissociation liée aux traumas conduit à une désorganisation émotionnelle profonde. Cette perspective aide à mieux comprendre et traiter les patients souvent jugés difficiles ou insupportables, qui sont en réalité profondément traumatisés. Reconnaître cela permet d'éviter de les retraumatiser et de les aider plus efficacement.Folie et génie : intégrer la créativité dans les traitements de santé mentale
Amal Dadolle : Dans votre livre, vous explorez le lien entre folie et génie. Faudrait-il être fou pour être génial, ou le génie rend-il fou ? Yasmine Lienard : Il n'est pas simple de trancher, mais il existe un lien entre la folie et la créativité. Cette relation est souvent le reflet d'une sensibilité exacerbée qui peut être à la fois source de génie artistique et de souffrance psychique. Comprendre cela permet d'approcher la créativité et la maladie mentale avec nuance, en reconnaissant leur imbrication sans stigmatiser ni romantiser la souffrance. Amal Dadolle : Comment la reconnaissance du lien entre créativité et maladie mentale peut-elle enrichir les méthodes thérapeutiques ? Yasmine Lienard : Reconnaître le lien entre créativité et maladie mentale nous permet de mieux comprendre et accompagner les artistes et les créatifs dans leurs phases de vulnérabilité. Cela nous incite à soutenir leur expression créative tout en fournissant un cadre sécurisant qui respecte leurs phases émotionnelles complexes. Cette approche favorise une guérison alignée sur l'identité créative du patient, permettant une meilleure intégration personnelle et sociale.Vers une spproche holistique en psychiatrie : écoute intérieure et innovations pour l'avenir
Amal Dadolle : Dans un monde en constante évolution où l'individu peut se sentir perdu, quelle est selon vous la clé pour maintenir un équilibre mental? Yasmine Lienard : La clé est de se tourner vers l'intérieur et d'écouter ses émotions sans jugement. Reconnaître que toutes nos émotions sont légitimes est essentiel. Cela implique d'accepter nos sentiments comme ils viennent, sans essayer de les contrôler ou de les supprimer. Cette écoute intérieure permet d'accéder à notre essence et de comprendre notre singularité. Il est aussi crucial de s'entourer de personnes bienveillantes qui respectent nos émotions et nous soutiennent. Pour ceux qui ont vécu des traumas, il est important de traiter ces expériences avec des approches adaptées comme l'EMDR ou le somatic experiencing.Gérer l'anxiété avec pleine conscience : accueillir les émotions pour une meilleure santé Mentale
Amal Dadolle : Comment gérer efficacement nos émotions, comme l'anxiété, une fois que nous les avons identifiées? Yasmine Lienard : Il est important de ne pas chercher à se détacher de nos émotions, mais plutôt de les explorer avec curiosité et sans jugement. Les personnes anxieuses doivent apprendre à accepter leur anxiété comme une partie de leur expérience. Adopter une attitude de pleine conscience peut aider à observer où et comment l'anxiété se manifeste dans le corps. Au lieu de lutter contre ces émotions, il est plus bénéfique de les accueillir et de comprendre ce dont nous avons besoin pour nous sentir en sécurité à ce moment-là. Amal Dadolle : Quelqu'un vous a-t-il particulièrement marqué et comment illustre-t-il les principes que vous défendez? Vous mentionnez Thanh Nghiem dans la préface de votre livre. Yasmine Lienard : Thanh Nghiem est une personne remarquable qui illustre bien l'importance de répondre à ses propres besoins même en ayant atteint des sommets professionnels. Après une carrière brillante, elle a choisi de soutenir des causes significatives et de s'attaquer à ses propres souffrances. Elle incarne l'idée que prendre soin de soi est crucial, peu importe le succès extérieur. Son parcours montre comment l'introspection et l'engagement envers le bien-être personnel peuvent transformer la vie et inspirer les autres.Redéfinir la psychiatrie pour le futur : innovation, collaboration et développement durable
Amal Dadolle : En tant que psychiatre, quelles sont vos principales préoccupations pour l'avenir de la santé mentale, notamment en lien avec les objectifs de l'OMS et la réalité des moyens actuels? Yasmine Lienard : Je souhaite une refonte de la psychiatrie avec une approche plus collaborative et ouverte aux innovations. Il serait idéal de former un comité diversifié de psychiatres et de scientifiques pour repenser ensemble la psychiatrie de demain. Nous avons besoin de moyens concrets, tels que des fonds et des espaces dédiés, pour réinventer les pratiques et les infrastructures. Un exemple est l'intégration de la nature et des espaces apaisants dans la conception des hôpitaux, inspirée par des architectes visionnaires. Cette vision va au-delà de la psychiatrie, elle concerne la conception même de nos villes pour promouvoir le bien-être général. Amal Dadolle : Quels espoirs et quels projets avez-vous, notamment en collaboration avec les politiques et autres psychiatres? Yasmine Lienard : Il existe déjà des initiatives positives et des collaborations fructueuses. Nous organisons des congrès et je travaille actuellement à l'Institut de médecine intégrative, où nous traitons des patients avec des douleurs chroniques. Bien que ce ne soit pas strictement de la psychiatrie, ma formation de psychiatre enrichit notre approche. Nous cherchons à développer des projets autour du psycho-traumatisme et à trouver des financements pour créer des espaces de soins innovants. Des cliniques privées et d'autres initiatives montrent également qu'il est possible de faire évoluer la psychiatrie. Un peu plus de soutien pourrait grandement aider à étendre ces innovations plus largement.abonnez-vous gratuitement
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Publié le 02/05/2024, mis à jour le 07/05/2024