Fasciathérapie : quand le corps répare les blessures invisibles
Publié le 15/07/2025
Connaissance de soi
Fasciathérapie : quand le corps répare les blessures invisibles
4 min de lecture
Avec Jeanne-Marie Rugira, psychosociologue et témoin de la résilience
La fasciathérapie reste peu connue. Pourtant, elle offre une réponse sensible et puissante aux blessures invisibles. Qu’il s’agisse de traumatismes physiques, émotionnels ou hérités du passé familial, cette approche agit en profondeur. Elle relie le corps, l’esprit et la vie intérieure.
Dans cet article et la vidéo ci-dessous, nous suivons le parcours de Jeanne-Marie Rugira, psychosociologue et docteure en sciences de l’éducation. Elle a vécu l’exil, la guerre, la maladie. Elle raconte comment la fasciathérapie l’a aidée à retrouver son équilibre, sa force et sa paix intérieure. Grâce à cette méthode, elle a pu se reconstruire, à partir de son corps.
👉 Ces échanges ont été enregistrés lors du 1er Congrès international de Fasciathérapie, coorganisé par FasciaFrance et le CERAP (Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive). Un événement inédit, où thérapeutes, chercheurs et penseurs du vivant ont croisé leurs regards pour redessiner les contours d’une médecine plus sensible.
Une approche thérapeutique globale
La fasciathérapie a été développée dans les années 1980 par Danis Bois. Elle repose sur le rôle central des fascias, ces tissus qui enveloppent et relient toutes les structures du corps. Cette thérapie manuelle ne vise pas seulement à soulager des douleurs. Elle propose de réveiller les capacités de régulation et de transformation du corps.
Contrairement à d’autres approches plus mécaniques, la fasciathérapie s’intéresse à l’écoute du corps vivant. Le thérapeute pose les mains, observe, accompagne. Il cherche à percevoir un mouvement interne très subtil, qui témoigne de la vitalité de la personne.
“J’ai compris que je n’étais pas seulement en train de me soigner… j’étais en train de me transformer.” — Jeanne-Marie Rugira
Quand le corps devient le dernier refuge
Jeanne-Marie Rugira n’a pas découvert la fasciathérapie par curiosité. Elle y est venue par urgence vitale. En 1993, elle quitte le Rwanda pour étudier au Canada. Peu de temps après, le génocide éclate. Elle est séparée de ses enfants, sans nouvelles de sa famille, sans pays où revenir.
Malgré son courage, son corps craque. Elle souffre de saignements pendant deux ans, sans explication. Elle est épuisée, anémiée. Puis viennent les migraines, violentes, invalidantes.
Une amie lui propose d’essayer la fasciathérapie. Elle accepte, sans trop y croire. Mais dès la première séance, elle arrête de saigner. Elle est stupéfaite.
Sentir la vie revenir en soi
Au fil des séances, quelque chose de plus profond se produit. Lors d’un soin, elle sent un mouvement partir de son dos et traverser son corps.
“Qu’est-ce que c’est ?” demande-t-elle à la thérapeute. “C’est la vie,” lui répond-elle.
Ce moment marque un tournant dans sa reconstruction. Elle comprend qu’il existe en elle un lieu de paix, même si le monde autour est en guerre. Ce n’est pas la guerre en elle qui la détruit, mais l’éloignement de ce lieu paisible.
Les fascias, symboles du lien humain
Lors du 1er Congrès international de Fasciathérapie, Jeanne-Marie Rugira partage une idée forte : les fascias ne sont pas seulement des tissus biologiques. Ils symbolisent aussi ce qui relie les êtres vivants.
Dans sa vision, héritée de la culture animiste africaine, tout est interconnecté : humains, plantes, animaux, ancêtres. La fasciathérapie lui a permis de retrouver cette dimension oubliée par l’éducation coloniale qu’elle a reçue.
“La fasciathérapie m’a redonné à mon africanité.”
Résister par le corps
Pour Jeanne-Marie, le soin est un acte politique. Elle parle de “marronnage”, en référence aux esclaves africains qui fuyaient pour construire des communautés libres. À ses yeux, la fasciathérapie permet aujourd’hui une forme de résistance : par le corps, par la présence, par le lien.
“C’est la résistance des vaincus. L’intelligence de la survie.”
Mais elle le rappelle : cette thérapie coûte cher. Elle reste inaccessible pour de nombreuses personnes, notamment dans les pays du Sud. C’est pour elle une question centrale : comment rendre ce soin disponible aux plus fragiles ?
Soigner les blessures invisibles
Jeanne-Marie travaille aujourd’hui avec des femmes rwandaises, survivantes du génocide. Devenues mères à 10 ans, cheffes de famille sans avoir eu d’enfance, elles portent des traumatismes profonds. À 40 ans, elles sont brisées, sans espoir, sans ressources.
Pour ces femmes, elle ne croit plus aux mots, ni aux aides extérieures. Elle croit à une seule chose : reconnecter le corps à sa force de guérison.
“Sinon, on transmet les mêmes traumatismes de génération en génération.”
Une médecine du lien, une sagesse du corps
À travers le parcours de Jeanne-Marie Rugira, la fasciathérapie apparaît comme bien plus qu’un soin. C’est une philosophie du vivant. Elle nous invite à ralentir, à écouter, à réhabiter notre corps avec douceur.
“Je ne souffre pas de la guerre. Je souffre d’être éloignée du lieu paisible en moi.”
En réveillant ce lieu, la fasciathérapie aide à se réparer, se relier, se reconstruire. Elle restaure ce que la violence, la fuite ou l’oubli avaient brisé : le lien avec soi, avec les autres, avec la vie.
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