L’art de l’excellence ou comment agir avec grandeur!
Publié le 31/05/2023, mis à jour le 04/11/2024
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L’art de l’excellence ou comment agir avec grandeur!
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Pourquoi avons-nous besoin de renouer avec l’art de l’excellence?
S’éloigner de la victimisation et agir avec grandeur
Depuis plusieurs années, nous assistons à un changement de paradigme profond de la société.
L’émancipation de la femme et l’évolution des mœurs apportent leur lot de bienfaits mais également de bêtises.
Ainsi, sous couvert d’un humanisme empreint d’une «pureté morale», émergent des groupes de censeurs qui revisitent l’histoire à l’aune de ce qu’ils jugent bien ou mal.
Ils nient toute la complexité de l’espèce humaine et font de la «victimisation» un étendard sacré. Et gare à ceux qui critiqueraient leurs actions, ils verraient leur bienveillance questionnée…!
Aujourd’hui, un auteur associé à l’histoire colonialiste ou avec des accointances antisémites, fut-il un romancier de génie, se voit disqualifié.
Tel est le sort de Jane Austen, d’Ernest Hemingway, de John Steinbeck, de Roald Dahl ou encore de Céline. Leurs œuvres sont réécrites (ou menacées de l’être) afin qu’elles respectent la parité et l’inclusion en recouvrant les descriptions de la cruauté et de la bêtise humaine d’un masque bienveillant.
Outre le fait que cette posture idéologique rappelle des heures sombres de notre histoire, n’enferme-t-elle pas la société dans un monde faux, aseptisé et sans intérêt?
L’excellence, le seul art pour devenir «une meilleure version de soi-même»
Ce nouvel ouvrage est fondamentalement différent des autres. Vous vous dévoilez concrètement en évoquant vos enfants, votre mode de vie tant privé que professionnel, mais aussi vos opinions politiques. Qu’est-ce qui a motivé une telle démarche?
Fanny Nusbaum : Mes enfants. Tous mes livres sont motivés par le désir de leur transmettre quelque chose. Cet ouvrage n’est pas politique. Il décrit dans quelle philosophie de vie j’ai envie de faire grandir et évoluer mes enfants.
Votre livre a pour titre «L’art de l’excellence». Que représente l’excellence pour vous?
Fanny Nusbaum : L'excellence (ou la performance) est quelque chose qui est clouée au pilori par notre société actuelle. Ces notions renvoient à une course au bling-bling ou à l’élitisme. Elles appartiennent au «camp du mal» et des oppresseurs. Or, je crois que l’excellence est une notion bien plus belle et plus grande que cela.
Je n’ai pas envie que mes enfants grandissent dans une société où seule la mise en avant de leur vulnérabilité (qui une forme de victimisation) est applaudie. Ou décrétée comme courageuse. Je veux qu’ils essaient de donner le meilleur d’eux-mêmes. D’être les plus beaux, les plus grands et les plus forts qu’ils puissent être.
C’est donc cela l’excellence. La volonté d’être réellement «la meilleure version» de soi-même. Une expression phare, pour ne pas dire essentielle, du développement personnel qui a été dévoyée par la philosophie de l’essentialisme.
Que sont l’essentialisme des humanistes et l’existentialisme des embellistes?
L’essentialisme des humanistes vs l’existentialiste des embellistes
Vous opposez deux états d’esprit que sont l’essentialisme et l’existentialisme. Pouvez-vous nous les définir et nous expliquer leur philosophie de vie?
Fanny Nusbaum : L’essentialisme est la philosophie de ceux que j’appelle les humanistes. Ils estiment que la valeur de la vie humaine est absolue. Nous naissons dans un corps avec un caractère et nous passons toute notre vie à découvrir ce que nous sommes. Ou pour le dire autrement, à découvrir notre essence.
Cette quête du «savoir qui je suis» est particulièrement prégnante dans notre société et justifie tous nos comportements et nos actions. Si j’agis de telle ou telle manière, ce n’est pas ma faute, mais parce que je suis né(e) comme cela.
Fanny Nusbaum : L’existentialisme est la philosophie des embellistes (dont je fais partie). Elle part du concept de devenir soi-même selon Nietzsche . Nous construisons ce que nous sommes et nous pouvons devenir la personne que nous avons envie d’être.
Face aux souffrances et aux difficultés de vivre, l’existentialisme et l’essentialisme ne conduisent pas aux mêmes postures.
La première nourrit la souffrance en faisant l’éloge de la vulnérabilité, et par là-même celle de la victimisation.
Le seconde invite à assumer et agir face à sa souffrance émotionnelle . C’est de cette façon que nous pouvons rester debout face aux épreuves de la vie et en ressortir grandis.
De l’humanisme noble à l’humanisme philanthropique
Le sous-titre de votre livre est En finir avec la dictature des humanistes. En quoi vous associez l’essentialisme avec les humanistes?
Fanny Nusbaum : Le terme «humanisme» est aujourd’hui devenu une notion très philanthropique. Or, initialement, l’humanisme, et surtout l’humanité, est une notion venue de la Renaissance. Quand quelqu’un travaillait ses humanités, cela signifiait qu’il étudiait des disciplines dites nobles comme le latin, le grec, puis la philosophie et les sciences. Ces études contribuaient à bâtir sa dignité en tant qu’individu. Elles l’anoblissaient, l’inspiraient et l’encourageaient à réaliser de grandes choses.
Les Lumières, au travers de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, ont redéfini l’humanisme en y ajoutant une notion philanthropique. Elle est alors devenue la volonté de vouloir le bien de l’humanité en lui accordant la prévalence sur les autres vivants.
FN: Je n’apprécie pas cette vision de l’humanisme héritée des Lumières, car elle implique que quoi que nous fassions, notre vie est sacrée. L’essentialisme est allé plus loin en fustigeant la quête de grandeur. Sa morale implique de ne pas vouloir faire de l’ombre aux autres. De ne pas chercher à être le plus grand et le plus fort. Or, je trouve que c'est délétère pour l'humanité.
Mais n’est-ce pas un discours un peu élitiste ?
FN: Bien sûr. Mais je ne vois pas où est le mal dans l’élitisme, au sens où j’attends des autres qu’ils montrent le meilleur d’eux-mêmes. Ce que je trouve plus respectueux et humaniste que de simplement leur dire «je n’attends absolument rien de toi». J’ai envie de voir des êtres humains finir leur vie en se disant «waouh…j’ai accompli des choses chouettes!»
Si l’esprit élitiste de l’existentialisme n’est pas aussi délétère que ce nous pouvons penser, en quoi l’essentialisme l’est-il? Comment nuit-il à la société?
Comment l’essentialisme des humanistes nuit-il à la société?
Les dérives des humanistes/essentialistes
Vous écrivez: «La censure est monnaie courante dans la confession humaniste, autant que dans toutes les religions. Mais, ce qui est paradoxal ici, c’est qu’on n’a jamais tant parlé de libertés humaines qu’en terre humaniste et qu’on déguise la censure au nom des droits de l’Homme.»
FN: Sur LinkedIn, j'ai été fustigée pour avoir proposé une pensée différente et peu populaire. Des essentialistes sont venus me dire que ma pensée était dangereuse et que je devrais avoir honte. Or, cela pose plusieurs problèmes:
Une pensée n’est jamais dangereuse en soi. C’est ce que l’on va en faire qui peut l’être. Par ailleurs, on n’est jamais convaincu par une idée isolée. On adhère à une idée quand on l’a déjà un peu en soi.
Dire à quelqu’un qu’il devrait avoir honte est une façon de le censurer.
Vous écrivez: «En sciences ou ailleurs, l’indignation est la posture anti-pensée par excellence.» Pourquoi l’est-elle?
FN: Nietzche avait écrit «nul ne ment autant qu'un homme indigné». S’indigner, c’est empêcher tout débat. On jette l'opprobre sur la personne en la reléguant dans le camp du mal. Ce sont les outils de communication de l'humanisme contre lesquels je m'élève.
Au-delà, de la posture de l’indignation. Comment l’esprit essentialiste d’aujourd’hui dessert-il la science?
FN: L’essentialisme crée des scientistes qui font de la science très mécanisée pour tout expliquer ou alors pour aller contrer une idée nouvelle. Une idée nouvelle commence dans l’«à-peu-près». Il faut la laisser émerger, être partagée et enfin étayée. Or, ces scientistes la détruisent immédiatement en pointant des détails, en s’appuyant sur une étude scientifique et sans jamais proposer de leur côté une idée nouvelle. Ils sont non seulement mécanistes mais aussi réductionnistes. Ils enlèvent à la science toute sa grandeur.
Réflexions existentialistes sur l’état du monde
Vous évoquez la thèse du penseur grec Polybe sur les cycles politiques des sociétés. Que sont ces cycles et dans lequel se trouve notre société actuellement ?
FN: Selon Polybe, toute société connait six cycles politiques avec une alternance de cycles ascendant/régressif:
La monarchie éclairée
La tyrannie
L’aristocratie, où le pouvoir revient à une assemblée de sages
L’oligarchie
La démocratie
L’ochlocratie, où le pouvoir est détenu par la foule
FN: A mon sens, nous avons un pied dans l’ochlocratie via la meute ou la horde présente sur les réseaux sociaux. Cette meute manifeste son pouvoir par la victimisation, la vulnérabilité et l’interdiction de devenir un plus grand soi-même.
À propos des enjeux environnementaux, vous écrivez: «on voit pulluler les solutions d’urgence pour «réduire sa propre énergie », mais rarement la seule et unique solution viable à moyen et long terme: s’attaquer à la démographie. » En quoi l’est-elle?
FN: Je ne suis pas une spécialiste mais cela me paraît être du bon sens. Nous sommes 8 milliards d’habitants, demain 10 milliards, et c’est à partir de ce nombre que l’on va commencer à décliner selon les spécialistes. Or, nous avons déjà une planète en feu.
Sur le plan psychologique, qui est ma partie, nous nous sentons de plus en plus noyés dans la masse. Nous sommes tellement nombreux qu’il devient très difficile de se différencier des autres et de trouver sa place. Ce qui contribue au mal-être général.
L’un de nos besoins identifiés par Nietzsche est la volonté de puissance. Nous avons besoin de nous sentir puissant, au sens d’être visibles et importants aux yeux des autres. Et face à cette situation, notre seul pouvoir reste de cultiver l’art de l’excellence.
Comment cultiver l’art de l’excellence?
Cultiver son masculin et son exigence
À propos des femmes qui ont marqué leur temps comme Cléopâtre, la Grande Catherine, Frida Kahlo ou Simone Veil, vous écrivez: «Ce qu’avaient ces femmes de particulier, c’est qu’elles portaient en elles un fort ratio de masculin» Suggérez-vous par là que les féministes de toute école devraient s’attacher à encourager le masculin chez les femmes?
FN: J'ai l'impression que c'est ce qu'elles font souvent mais pas de manière suffisante. J’aime les féministes d’aujourd’hui quand elles nous montrent qu’une femme peut aussi bien faire qu’un homme. Instaurer des quotas et donner des privilèges aux femmes est dévalorisant. C’est comme si nous avions besoin de béquilles pour y arriver.
Chaque homme et chaque femme possède en lui/elle le féminin et le masculin. Le féminin renvoie à la sensibilité, à la douceur et à la rondeur. Le masculin renvoie à l’audace, à l’ambition et à la détermination dans le combat. Ces mêmes valeurs qui sont rabrouées par l’essentialisme.
FN: Naturellement, nous (hommes comme femmes) devons cultiver la sensibilité. Mais nous devons aussi cultiver l’audace. Ce truc masculin qui veut que nous montrions le meilleur d’eux-mêmes. C’est une qualité humaine magnifique.
À propos des enfants, vous expliquez que l’expression «vos enfants ne sont pas vos enfants» vous irrite. Pourquoi donc?
FN: Parce que cette magnifique pensée de Khalil Gibran renvoie à l’idée humaniste que nous n’attendons rien de nos enfants. Or c’est faux. Nos enfants sont le prolongement de nous-mêmes et sont censés devenir un meilleur nous-mêmes.
En matière d’éducation existentialiste/embellistes, il y a un juste milieu à trouver entre laisser son enfant faire ses choix sans intervenir et être trop interventionniste. Pousser constamment son enfant à donner le meilleur l’empêche de s’approprier ses propres envies et ambitions. De même qu’il ne développe pas l’autodiscipline.
Cultiver son authenticité et l’esprit F.E.A.R.
Parmi vos 40 commandements pour mener une vie embelliste, il y en a un qui intrigue, à savoir organiser sa dépression. Et un autre qui interpelle en encourageant à avoir des amis racistes et humanistes. Pouvez-vous nous les expliquer ?
FN: Je préconise d’organiser sa dépression pour éviter de la subir et de la voir s’éterniser.
Organiser sa dépression consiste à s’y plonger pleinement sans prévoir la suite. On laisse seulement sa pensée vagabonder. De cette façon, la pensée se fait créative et dessine une porte de sortie. Ensuite, on se remet au sport tout doucement et on remonte en puissance.
FN: Quant à avoir des amis racistes et humanistes, il s’agit d’être en cohérence avec soi-même. On ne peut pas se dire ouvert d’esprit si on refuse d’entendre une autre pensée que la sienne.
Pour qui veut devenir un embelliste, quelles sont selon vous les plus belles expressions de l’existentialisme?
FN: Il y a quatre éléments existentialistes auxquels j’ai donné les 4 lettres du mot «peur» en anglais (fear):
F pour le flair. L’embelliste utilise son flair en permanence. Si, par exemple, on ne sent pas quelqu’un, on ne lui donne pas le bénéfice du doute, contrairement à ce que ferait un humaniste.
E pour l’excellence. Cela signifie de faire toujours de son mieux à chaque moment.
A pour l’audace. Vous devez toujours oser, sans jamais craindre le ridicule. A défaut, vous menez une petit vie proprette, or ce n’est pas le souhait d’un embelliste.
R pour le rayonnement. Il s’agit d’apporter au monde le meilleur de vous-même. Il ne faut pas le garder pour soi. Et qu’importent les retours négatifs, il y aura forcément des gens qui seront heureux de le voir, de le lire, de l'entendre et de communier avec vous.
En conclusion sur l'excellence
Les qualités statutaires humanistes peuvent ne pas être en rapport avec les réelles qualités personnelles de l’individu qui les revendique, soit que la personne « vaille mieux », soit au contraire que son statut lui permet de prétendre à une valeur supérieure à son propre et réel mérite.
Ajoutons que la dissonance et la capacité des valeurs à se renverser en anti-valeurs s’éclairent d’autant mieux quand ces dernières sont lues à la lumière des cultures et des époques. Prenons par exemple l’opprobre sur le mariage pour tous il y encore quelques années et qui est communément accepté aujourd’hui.
Le livre de Fanny Nusbaum est une invitation à la désobéissance aux normes du groupe, et à l’expression de soi en disruptant la réussite académique au profit de la rupture avant-gardiste.
Bref une ode à l’authenticité, la créativité , l’inventivité, l’audace et la liberté.
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