La neuro-architecture n’est pas une tendance de décoration ni une pseudo-science. C’est plutôt une discipline émergeante basée sur les neurosciences qui explique comment votre environnement bâti influence directement votre cerveau, vos émotions et votre bien-être quotidien. Fiona Beenkels est architecte et spécialiste en neuro-architecture, auteure de La Neuro-architecture : comment optimiser votre santé et votre bien-être grâce à l’aménagement de votre espace (First Éditions).
Combien d’entre vous se réveille fatigué, même après huit heures de sommeil ? De plus, combien rentrez-vous chez vous le soir en espérant vous détendre, pour vous retrouver encore plus tendu dans votre propre salon ? Et pour les parents : combien regardez-vous votre enfant tourner dans son lit nuit après nuit, sans comprendre pourquoi aucune stratégie ne fonctionne ?
Généralement, on attribue ces malaises au stress, aux agendas saturés ou à la vie moderne. Mais et si la réponse était plus simple ? Et si votre maison elle-même jouait un rôle — non pas pour vous rendre malade, mais pour vous maintenir dans une situation qui ne vous convient pas ?
C’est exactement cette question que Fiona explore. Et ce qu’elle a découvert est vraiment transformateur.
En moins de trois ans, Fiona a transformé plus de 250 espaces de vie. Importantly, ce ne sont pas des espaces Instagram-parfaits, mais des espaces qui fonctionnent réellement pour le cerveau des gens qui les habitent.
Notamment, des chambres d’enfants où les cauchemars s’arrêtent. Par ailleurs, des bureaux où les gens retrouvent leur créativité perdue. Et puis, des chambres d’adultes où les couples redécouvrent l’intimité pour la première fois depuis longtemps. Elle a également formé 130 architectes à la neuro-architecture — une discipline qui fusionne les neurosciences et le design d’espace.
Son approche est clairement différente. Au lieu d’utiliser le feng shui mystique, elle vous explique, avec la science du cerveau, pourquoi votre inconscient ne peut pas se détendre dans certains espaces.
Avant la neuro-architecture, Fiona était étudiante en architecture, pleine de rêves. Malheureusement, elle a découvert une réalité : l’enseignement était rempli de stress, de critiques brutales et de négativité.
« C’est un problème d’éducation universitaire. Au lieu de juger un projet, on juge souvent la personne », explique-t-elle.
À 19 ans, elle n’était pas prête pour ça. Pas préparée aux jugements sans fin, à la pression constante, à la négativité systématique. En architecture, faire des nuits blanches n’est pas seulement acceptable, c’est considéré comme normal.
Notamment, elle raconte : le jour où elle a rendu son mémoire, sa promotrice lui dit « ne t’inquiète pas, tu as six jours ». Et Fiona répond « non, j’en ai trois ». La promotrice poursuit : « oui, mais jour et nuit ».
Voilà exactement le contexte dans lequel elle travaillait.
À 19 ans, son corps a craqué. Elle développe des problèmes de sommeil, subit des variations de poids, puis expérimente des troubles hormonaux. À cause de cela, elle a dû arrêter ses études pour survivre.
« Eh bien, j’ai pas survécu ! » dit-elle avec un sourire amer. « On peut qualifier ça de burn-out. À 19 ans j’étais vraiment pas bien et c’est mon corps qui a réagi. »
Pendant sa récupération, elle explore la méditation, le yoga, l’hypnose. C’est notamment une séance d’hypnose qui change tout.
« C’est une séance d’hypnose qui m’a vraiment sorti d’un problème médical du jour au lendemain. »
Cette expérience la transforme. Soudainement, le cerveau devient son obsession.
« Je me suis dit : ce cerveau, il me passionne ! Je m’en fous de l’architecture traditionnelle. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est le corps, le cerveau, notre réaction. »
Elle explore la psychologie pendant des années, puis un jour : « Je me suis rendu compte que ces deux disciplines étaient compatibles. »
Fiona : En me formant à la neuro-architecture, principalement. Quelques formations vraiment bonnes existent, et là tout s'est connecté.
Ce que c'est réellement
La neuro-architecture applique les neurosciences à la conception d'espace. Clairement, ce n'est pas de la théorie — c'est mesurable et vérifié. Nous savons maintenant, grâce à des chercheurs comme Fred Gage au Salk Institute et Colin Ellard, comment le cerveau réagit aux éléments architecturaux.
En effet, votre cerveau ne voit pas juste « une maison ». Votre cerveau analyse activement l'espace. Il crée une carte cognitive. Votre cerveau mesure les risques. Il décide s'il est sûr de se détendre ou s'il doit rester vigilant.
Et c'est précisément là que l'architecture classique a raté quelque chose pendant des siècles.
Comment votre cerveau réagit réellement
Quand vous entrez dans une pièce, plusieurs processus se produisent :
D'abord, l'hippocampe crée une « carte cognitive » basée sur la géométrie de l'espace. Ensuite, l'amygdale évalue rapidement si c'est sûr. Finalement, l'hypothalamus décide de libérer du cortisol ou de la sérotonine.
Imaginez un bureau face à un mur blanc, sans fenêtres. Malheureusement, votre cerveau détecte que vous n'avez aucune vue. Vous êtes potentiellement « piégé ». Par conséquent, le cortisol s'élève. Inévitablement, votre vigilance augmente. Vous ne pouvez donc pas réellement vous détendre ou vous concentrer.
C'est involontaire. Et c'est exactement neurobiologique. À ce titre, c'est ce qui arrive à 65% des gens en télétravail.
Les 5 principes clés de la neuro-architecture
1. La position dans l'espace : commander la pièce
Fiona : « La première chose que j'analyse, c'est comment les gens sont positionnés. Systématiquement, je découvre la même chose : 65% des gens en télétravail sont assis face à un mur. »
Pourquoi c'est un problème ? Essentiellement, votre cerveau interprète cette position comme de la vulnérabilité. Vous ne voyez pas ce qui se passe derrière vous. Vous êtes « piégé ».
Heureusement, la solution est simple : réarrangez votre bureau pour voir la pièce. Mieux encore, positionnez-vous pour voir la porte. Ainsi, vous apaisez votre système nerveux primitif.
Pour le lit, c'est un peu différent. Vous ne devez pas être directement face à la porte. Cependant, positionnez-vous pour la voir.
« C'est ce que j'appelle "commander la pièce" — pouvoir voir les accès, percevoir les mouvements, sans être en première ligne. »
2. Les couleurs : beaucoup plus que décoration
La neuro-architecture montre que les couleurs sont vraiment des outils neurologiques.
Fiona : « Les couleurs chaudes — rouges, oranges, jaunes — activent votre système nerveux. C'est magnifique pour un salon. Mais pour une chambre ? C'est clairement un désastre. »
Une chambre rouge envoie un signal à votre cerveau : reste vigilant, reste actif. Naturellement, ça supprime la mélatonine. Donc, vous dormez mal.
À l'inverse, les couleurs froides — bleus pâles, gris doux, verts neutres — calment le système nerveux. Manifestement, elles permettent à votre cerveau de produire les hormones du sommeil.
« Tout le monde pense que c'est subjectif. Que c'est une question de goût. Toutefois, ce n'est pas une question de goût. C'est une question de neurobiologie. »
3. Les formes et géométries : courbes vs angles aigus
Voici quelque chose qui remet sérieusement en question le design moderne : les angles aigus créent du stress.
Ce n'est pas du feng shui. Au contraire, c'est que notre cerveau primitif interprète les angles pointus comme des menaces.
Fiona : « Nous avons une préférence innée pour les formes courbes. Cela provient de l'évolution. Une surface incurvée ne vous blesse pas. Un angle aigu, potentiellement, oui. »
Elle recommande donc :
- Des meubles avec des coins arrondis, notamment dans les espaces de repos
- Éviter les angles aigus pointant vers votre lit ou espace de travail
- Des tables ovales plutôt que carrées pour les enfants ou les espaces de concentration
« Les tables rondes prennent moins de place. De plus, elles calment le système nerveux, et les enfants se concentrent mieux. C'est simple et efficace. »
4. La lumière : l'horloge de votre cerveau
Fiona insiste particulièrement sur ce point : la lumière est l'outil le plus puissant que vous avez.
Fiona : « La lumière n'est pas juste une question d'éclairage. Vraiment, c'est l'horloge maître de votre cerveau. »
La lumière bleue le matin supprime la mélatonine et augmente la vigilance. C'est exactement ce que vous voulez à 7h. Cependant, si vous regardez des écrans bleus jusqu'à 22h, votre cerveau ne comprend pas que c'est l'heure de dormir.
« Je recommande de travailler près d'une fenêtre si possible. Et puis, en soirée, changez vos ampoules pour une lumière plus chaude — 2700K ou moins. »
Les résultats sont manifestes : meilleur sommeil, meilleure concentration, meilleure humeur.
5. Le cadre au-dessus du lit : une découverte étonnante
Amal : Comment un simple cadre au-dessus du lit peut vraiment vous empêcher de dormir ?
Fiona : Parce que votre cerveau, même en dormant, enregistre votre environnement. Un cadre avec des angles aigus ou une composition instable maintient votre amygdale vigilante.
C'est subtil, certes. Mais sur des mois et des années, ça s'accumule. Donc, vous dormez, mais pas profondément.
« Je recommande de garder la zone au-dessus du lit simple et calme. »
Pour les enfants : un espace qui soutient
L'une des applications les plus importantes concerne les enfants — surtout ceux qui ne dorment pas ou qui sont hyperactifs.
Amal : Beaucoup de parents désespèrent. Leur enfant ne dort pas. Ils essaient tout et rien ne marche.
Fiona : Souvent, la solution n'est pas une thérapie. Simplement, c'est la chambre.
Si la chambre est peinte en couleurs vives et stimulantes, si elle a trop d'angles aigus, si la géométrie crée de la confusion — l'enfant reste hypervigilant. Vous ne pouvez pas « thérapiser » un enfant qui ne peut pas se calmer neurologiquement.
« Je recommande pour les chambres d'enfants :
- Des couleurs neutres ou froides
- Un mobilier avec des coins arrondis
- Une disposition simple et claire
- Une vue claire de la porte
- Une plante ou une image de nature pour calmer le système nerveux »
Les résultats sont spectaculaires. « J'ai eu des parents qui disaient : pour la première fois en trois ans, mon enfant a dormi une nuit complète. »
La question du coût
Amal : Cette approche est-elle réservée aux gens riches ?
Fiona : J'adore cette question. Et je peux vous dire : la neuro-architecture ne coûte pas cher. Bien au contraire, elle fait économiser de l'argent.
Voici pourquoi : généralement, les gens rénovent sans savoir pourquoi. Ils voient quelque chose sur les réseaux sociaux et achètent une peinture grise — 2000 euros. Puis, ils réalisent qu'ils se sentent pire. En burn-out. Déprimés.
Avec la neuro-architecture, vous savez pourquoi vous faites chaque chose. De plus, vous doutez moins. Et vous choisissez plus vite.
Je vois régulièrement des clients qui ont rénové sans conseil préalable — ils ont repeint, changé les meubles, remplacé les portes — puis ils m'appellent en disant qu'ils se sentent épuisés chez eux.
« Tant qu'ils sont dans du gris, ils resteront en burn-out et ça va les maintenir dedans. » Ces 2000 euros sont perdus. Ou, pire, il faut tout recommencer.
La neuro-architecture évite ça complètement. Vous faites les bonnes décisions dès le départ.
Et pour les fils qui traînent ?
Amal : Mais si je ne veux pas voir l'arrière de mes écrans d'ordinateur ?
Fiona : Il existe plein de solutions créatives. Des caches, des plantes, des configurations innovantes. Si vous êtes vraiment bien installé, vous allez trouver des solutions esthétiques. L'essentiel, c'est d'être bien positionné pour que votre cerveau se détende.
« On n'a pas l'habitude de réfléchir différemment. Néanmoins, une fois que vous commencez, les solutions arrivent naturellement. »
Les bureaux scolaires : repenser les tables carrées
Amal : Pour les enfants à l'école, on a des bureaux carrés face à un mur. Comment change-t-on ça ?
Fiona : C'est une excellente question. Les écoles pourraient clairement être bien plus agiles. Les petites tables rondes ? Ça fonctionne très bien. Elles prennent moins de place. Et puis, ça crée un environnement moins stressant pour apprendre.
Quand je dis aux gens de ne pas se mettre face à un mur et de regarder vers la porte, ils répondent souvent : « Mais je vais voir mes écrans de dos et tous les fils. »
Ma réponse ? Il existe de nombreuses solutions pour cacher les fils. Des caches, des panneaux, des configurations créatives. Le point n'est pas l'esthétique — c'est que votre cerveau se sente bien. Une fois que vous avez ça, les solutions arrivent naturellement.
Un mystère qu'elle n'a pas résolu
Amal : Y a-t-il un bâtiment quelque part dans le monde où vous vous dites : « Là, ils ont tout compris » ?
Fiona : Non. Pas encore. Pour le moment, je ne l'ai pas trouvé.
Fiona ne peut pas pointer vers un bâtiment parfait. Apparemment, le parfait n'existe tout simplement pas. Les bâtiments vivent avec les gens qui les habitent. Ils changent avec les événements, avec les transformations de la vie.
Son intime conviction
Amal : Qu'est-ce que vous savez avec certitude sur les espaces et le bien-être ? Quelle est la conviction qui guide votre travail et qui a guidé votre livre ?
Fiona : J'ai la conviction profonde que l'espace peut guérir.
Je n'aime pas dire que l'espace nous rend malades — c'est une nuance importante — mais l'espace peut aller bien plus loin que ce que j'ai écrit dans ce livre.
J'ai donné des exemples qui montrent déjà une forme de guérison. Cependant, je suis persuadée qu'avec les bons outils, avec la connaissance de soi et la recherche continue, l'espace peut être un instrument puissant pour vraiment guérir.
Et c'est une conviction qui m'appelle profondément. C'est quelque chose de très humain. Et très puissant aussi.
Conclusion : regarder votre maison différemment
Amal : Merci, Fiona. Vous venez vraiment de changer la manière dont ceux qui nous écoutent vont regarder leur habitat.
Merci d'avoir remis en question toute une industrie. Et merci d'avoir mis des mots sur ce que les gens ressentent sans comprendre, les insomnies des enfants, le stress chronique de ceux qui vont travailler.
Merci d'avoir fait de l'architecture un acte de soin.
Pour ceux qui nous écoutent
Le livre de Fiona s'appelle La Neuro-architecture : comment optimiser votre santé et votre bien-être grâce à l'aménagement de votre espace (First Éditions).
Ce livre peut vraiment changer votre vie. Non pas pour vous donner une maison Instagram parfaite — c'est le contraire du point. Mais pour vous donner une maison où vous pouvez enfin vous reposer. Où vous pouvez respirer. Où vous pouvez créer sans épuisement.
Ce soir, quand vous rentrez chez vous, regardez votre espace différemment.
Pas comme un problème à résoudre, mais comme un allié à réveiller.
Et rappelez-vous ce que Fiona a dit : le lieu parfait n'existe pas, mais un lieu qui vous soutient, lui, est possible.
À lire : Beenkels, Fiona. La Neuro-architecture : comment optimiser votre santé et votre bien-être grâce à l'aménagement de votre espace. First Éditions.