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Publié le 30/05/2024, mis à jour le 05/11/2024
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Les clés de l’autorité éducative pour réussir sa parentalité
Entretien avec Didier Pleux : l’autorité éducative, une nécessité urgence
Dans son dernier livre “L’autorité éducative, une urgence” publié chez Odile Jacob, le psychologue Didier Pleux aborde des thèmes essentiels pour les parents et éducateurs. Cet entretien approfondi nous plonge dans sa vision de la parentalité, à travers une critique des théories déterministes en psychologie et l’introduction de son concept de “synthèse de vie”.
Introduction à l’autorité éducative selon Didier Pleux
Didier Pleux met en lumière l’importance d’une autorité parentale équilibrée et discute de l’influence de l’enfance sur notre manière d’être parents. Il explique comment nos expériences de vie, notre tempérament et le contexte socio-culturel interagissent pour façonner notre approche éducative.
Critique des théories déterministes en psychologie
Les principaux points de l'entretien : Critique des théories déterministes en psychologie : Pleux rejette l'idée que notre passé détermine strictement notre avenir en tant que parents. Selon lui, c'est l'interprétation que nous faisons de nos expériences qui est déterminante. Concept de "synthèse de vie" : Il s'agit de prendre conscience que nos expériences, dès l'enfance, sont interprétées de manière très émotionnelle. Cette synthèse de vie influence notre comportement et notre manière de gérer les situations. Importance de l'autorité parentale : Une autorité équilibrée est cruciale. Didier Pleux insiste sur le fait que l'autorité ne doit pas basculer dans l'autoritarisme, mais qu'elle doit être présente pour aider l'enfant à gérer ses pulsions et frustrations. Rôle des mentors et de l'autorité extérieure : Lorsque l'autorité parentale fait défaut, les figures d'autorité extérieures et les mentors deviennent indispensables pour le développement personnel de l'enfant ou de l'adolescent. Gestion des frustrations chez les enfants : Didier Pleux parle de l'importance d'apprendre aux enfants à tolérer les frustrations. Il critique les approches trop permissives qui, selon lui, mènent à une intolérance croissante aux frustrations.Critique des théories déterministes en psychologie
Amal Dadolle : Alors, à quel point nos expériences d'enfance influencent-elles notre manière d'être parents? Didier Pleux : Comme vous l'avez dit dans l'introduction, je lutte contre l'idée du déterminisme. On pense souvent que si on a eu un parent colérique, on risque de devenir un gentil Dalai Lama. Au contraire, on va répéter des schémas colériques. Je dis que ce qui compte, c'est l'interprétation de l'enfant. Que va-t-il décider? Très tôt, il peut décider que si son père est injuste, il cherchera des justes ailleurs. Il n'est pas obligé de se rebeller. L'enfant construit lui-même l'interprétation de son enfance. Sinon, c'est déterministe et triste. Amal Dadolle : Alors, est-ce que tous les parents maltraitants ont eux-mêmes été maltraités? Didier Pleux : Non, non. Certains parents maltraitants ont été maltraités, mais pas tous. Si on regarde les recherches, beaucoup de parents avec une enfance difficile ne veulent pas répéter cela. Ils sont conscients de leur maltraitance et construisent un univers pour ne pas reproduire ces comportements. Ce n'est pas inconscient. Ils ont vécu des choses terribles et ne veulent pas les répéter. Mais il est vrai que certains les reproduisent. Dire que la reproduction est la norme, je n'y crois pas du tout. Amal Dadolle : Dans votre livre, vous expliquez que certaines personnalités sont devenues maltraitantes bien qu'elles aient eu une enfance heureuse. Vous pourriez développer, par exemple, l'Allemagne nazie? Didier Pleux : Oui. Dans le nazisme, certains disaient qu'une culture nationaliste et protestante crée des fascistes. Mais beaucoup de nazis étaient, comme dit Primo Levi, maléduqués. Pas dans le sens nationaliste, mais dans le sens permissif, avec un sentiment de puissance. Donc non, tous les schémas sont possibles. Amal Dadolle : Comment les différentes expériences de vie influencent-elles la parentalité? Didier Pleux : Ça influence la parentalité parce qu'on fait des synthèses tout au long de notre vie. Quelqu'un qui a vécu l'injustice peut devenir plus humaniste et empathique parce qu'il a souffert de ça. Je pense que, consciemment, avec notre histoire, si on l'accepte et qu'on ne la refoule pas, on peut construire des choses. Les personnes en psychothérapie croient souvent que ce qui s'est mal passé explique leur pathologie actuelle. En réalité, ce n'est pas toujours le cas. C'est ce qu'ils ont pensé de la situation qui compte. Par exemple, un enfant peut penser qu'un père autoritaire ne l'aime pas, alors qu'il est juste strict. Certains enfants pensent qu'ils sont mauvais à cause de cela, jusqu'à ce qu'un thérapeute ou quelqu'un d'autre leur dise qu'ils se trompent. D'autres voient les différences et disent que leur père est bon ailleurs. Je crois que c'est optimiste de dire cela. Vous parliez de résilience dans votre introduction. La résilience, c'est penser différemment à la vie, à ses émotions et à son histoire. Accepter son passé, mais aussi reconnaître sa responsabilité pour sa vie. Ce n'est pas blâmer les parents, mais comprendre et avancer. Amal Dadolle : Quel rôle jouent le tempérament, les expériences de vie et le contexte socio-culturel dans notre manière d'exercer la parentalité? Didier Pleux : Il y a deux variables essentielles dans l'éducation. Premièrement, nos croyances psychologiques. Selon ce que nous croyons, nous allons éduquer de telle ou telle façon. Ensuite, il y a le contexte sociétal. Par exemple, j'ai grandi pendant les années 68 où l'individualisme était prôné après des années d'autorité stricte. Cette époque a prôné le développement personnel. Cependant, mettre l'individu avant tout peut négliger les autres. Depuis 50 ans, l'éducation est soupçonnée de castrer et d'inhiber l'enfant. Nous devons épanouir l'enfant, mais trop l'épanouir peut le déshumaniser. Le troisième facteur est le tempérament. Je critique l'éducation bienveillante à la française, car elle néglige le tempérament. Un enfant anxieux a besoin de bienveillance et de protection. Mais un enfant fougueux et extraverti peut voir la bienveillance comme une faiblesse et un manque d'autorité.L'importance de l'autorité éducative à l'école
Amal Dadolle : Vous n'êtes pas d'accord avec les théories qui disent que notre enfant décide de notre rôle de parent, comme celle de Boris Cyrulnik. Que pensez-vous des recherches qui montrent un lien entre les traumatismes de l'enfance et les problèmes de comportement des parents? Didier Pleux : Il y a des recherches neuroscientifiques qui montrent que le fœtus est sensible au son et à la voix. Mais dire que cela entraîne des traumatismes ou des dépressions à la naissance, je n'y crois pas. La résilience montre que même les enfants du Kosovo, de Gaza, ou d'Israël peuvent rebondir malgré les traumatismes. J'ai connu des rescapés de l'Holocauste et du génocide au Rwanda. Ils ont vécu des choses terribles, mais ont pu se reconstruire et devenir humanistes. L'humain rebondit toujours. Amal Dadolle : Vous défendez l'importance de l'autorité dans l'éducation des enfants. Comment conciliez-vous cette nécessité avec le risque de basculer dans l'autoritarisme, qui peut engendrer des conséquences négatives pour l'enfant? J'ai aimé l'exemple que vous donnez quand vous étiez jeune psychologue dans une maison de redressement. Didier Pleux : C'était un foyer d'action éducative, pas une maison de redressement. Dans les années 70, on prônait l'éducation moderne. J'ai appris l'autorité là-bas, surtout après les années 68 où l'individualisme était fort. On ne pouvait pas changer la société avec notre foyer, mais l'action éducative changeait les adolescents. Le travail affectif seul ne suffisait pas. Les adolescents passaient à l'acte malgré les thérapies. Les foyers ont négligé l'éducation pour des thérapies individuelles et du développement personnel. Cela a échoué et les foyers ont fermé dans les années 80. L'éducation doit inclure le métier, le rattrapage scolaire, le sport, la créativité, l'effort et le respect des autres. J'ai quitté les hypothèses psychanalytiques pour retrouver le bon sens. J'ai vu des parallèles entre les enfants en consultation et les délinquants. Souvent, les enfants avaient fait ce qu'ils voulaient sans autorité, frustration ou contrainte. J'ai développé mes hypothèses dans mon livre "De l'enfant roi à l'enfant tyran". Un enfant peut devenir tyrannique s'il ne rencontre pas d'autorité, a un tempérament impulsif, vit dans un contexte de consommation et une éducation trop permissive.La critique de l'éducation sans limites de Françoise Dolto
Amal Dadolle : Vous n'êtes pas d'accord avec François Dolto à propos de ses idées sur l'autonomie et l'éducation sans limite. Pourtant, ces idées sont souvent appréciées pour leur respect et humanité envers l'enfant. Ne pensez-vous pas que certaines de ces idées peuvent être utilisées de manière équilibrée dans une éducation moderne? Didier Pleux : Non, absolument pas. C'est tout un débat, mais je ne suis pas d'accord avec ses idées. En France, Dolto est une icône intouchable. Sous couvert de respect de l'enfant, elle a dit des choses aberrantes, comme le fait que les parents sont traumatisants. Pour elle, l'autorité paternelle casse et inhibe, tandis qu'une mère trop affective inhibe aussi. Elle prônait une éducation sans autorité, avec des choix libres pour les enfants sur tout, de leurs vêtements à leur heure de coucher. Les gens qui défendent Dolto n'ont pas lu ses travaux en détail. Son discours est souvent absurde. En France, l'éducation bienveillante a repris ces idées. Par exemple, un livre récent sur l'autorité expliquée aux enfants est basé sur ses idées. Je pense que l'autorité est nécessaire. Il doit y avoir une hiérarchie, pas militaire, mais au-dessus de l'enfant. Les enfants doivent comprendre qu'ils ont des limites. Le développement personnel est important, mais il faut aussi apprendre la réalité. Hannah Arendt critique l'éducation égalitariste, affirmant que sans autorité, on ne prépare pas l'enfant à la vie réelle. Un enfant valorisé sans apprendre la réalité s'effondre à la première difficulté. L'égalitarisme familial vient de Dolto et des idées des années 70. Il était nécessaire de remettre en question l'autoritarisme, mais Dolto est allée trop loin. Il faut retrouver une autorité juste sans tomber dans l'excès de démocratie familiale. Ma crainte est que l'on retombe dans un mouvement de balancier. L'autorité doit être en amont, pas en réaction. Il ne faut pas tout permettre, mais il ne faut pas non plus des sanctions excessives. L'autorité doit être équilibrée et préparer l'enfant à la réalité.Méthodes pour réguler les pulsions des enfants
Amal Dadolle : Quelle est la qualité essentielle d'un parent équilibré? Vous parlez de transmission, c'est ça? Didier Pleux : Oui, la qualité essentielle est d'exister en tant que modèle. Pas besoin d'être parfait, mais avoir une spécificité. Vous l'avez dit, c'est la transmission. Les parents connaissent plus de la réalité que les enfants, donc ils doivent en parler : sexualité, goûts, genres, etc. Proposer et instruire tout en ayant de l'empathie pour reconnaître la singularité de l'enfant. Il y a des choses qui ne vont pas coller avec nos options morales, philosophiques, et autres. Il faut une certaine souplesse, mais l'autorité parentale doit dominer, l'enfant s'actualisera plus tard. Comme quelqu'un m'a dit, c'est comme planter un arbre : au début, il faut beaucoup de tuteurs pour qu'il pousse droit. Un débat à la télévision, il y a 20 ans, opposait un colonel qui voulait des arbres droits et un artiste qui voulait des arbres qui vont dans tous les sens. L'arbre doit être guidé, mais pas contraint. L'autorité doit être nuancée et intelligente.Le concept de synthèse de vie et son influence sur le comportement
Amal Dadolle : Qu'est-ce que le concept de synthèse de vie et comment influence-t-il notre comportement? Didier Pleux : La synthèse de vie, c'est comprendre que, quand on est petit, on n'a pas une pensée abstraite. Si notre mère n'est pas affective, on pense qu'elle ne nous aime pas, pas qu'elle souffre de dépression. Ces synthèses émotionnelles peuvent changer avec l'environnement et des rencontres. Parfois, cela se fait par la thérapie, mais souvent par les expériences de vie. J'ai vu des gens carencés affectivement qui trouvent l'amour et se sentent enfin dignes d'amour. Cela montre que les choses bougent, contrairement aux hypothèses déterministes des psychanalystes classiques. Même en repensant à mon père injuste, je réalise que mes émotions actuelles ne sont pas dues à lui, mais à la situation présente. C'est une approche cognitive : utiliser notre réflexion pour interpréter nos sentiments, mais pas de manière symbolique, plutôt dans le réel.Les défis de la parentalité dans un contexte de traumatismes
Amal Dadolle : Vous mentionnez que la parentalité est influencée par plusieurs facteurs, comme le tempérament, le contexte socioculturel et les croyances personnelles. Comment ces éléments interagissent-ils dans votre concept de synthèse de vie? Comment ça fonctionne ensemble? Didier Pleux : Oui, comme vous le dites, c'est un mélange de notre histoire, de ce que disaient nos parents, enseignants, amis, et du contexte sociétal. Par exemple, la génération de mes enfants a appris à ne pas trop écouter les parents à cause de l'influence sociétale des années 68. Quand on agit ou ressent des émotions comme la déprime, l'angoisse ou la colère, il faut se demander ce qui nous pousse à nous comporter ainsi. On peut faire une auto-analyse rapide. Amal Dadolle : Comment ça se passe ces synthèses de vie, ces récits intérieurs, quand on a été victime de traumatismes sévères et persistants? Je pense notamment au stress post-traumatique suite à un événement. Didier Pleux : Le stress post-traumatique est inscrit dans la mémoire et se répète. Les gens refoulent souvent pour essayer de vivre, mais pour dépasser un traumatisme, il faut le reconnaître et l'accepter. Accepter ne signifie pas se résigner, mais intégrer le traumatisme dans sa vie pour construire quelque chose de nouveau. Les schémas émotionnels des traumatismes restent, mais ils peuvent être déconstruits. Par exemple, un ami avait des crises d'angoisse liées à un sentiment d'abandon. Il peut se rappeler que maintenant, il n'est plus seul et peut parler à un ami proche. Les traumatismes doivent être traités non pas comme l'origine unique du mal-être, mais en trouvant des moyens de sortir du traumatisme. Avec des techniques modernes, on peut déconstruire le traumatisme en se disant que ce n'était pas de notre faute, mais un accident ou un hasard. Il s'agit d'une méthode de déconstruction du traumatisme, même si celui-ci reviendra toujours.L'importance de l'autorité dans le développement personnel
Amal Dadolle : Donc, si j'ai bien compris, le harceleur et le harcelé ont un défaut d'autorité. Didier Pleux : Oui, le harceleur manque d'autorité. Par exemple, les surveillants dans les cours de récréation doivent protéger les enfants. Dans les années 60, il y avait une grande protection des surveillants. Maintenant, il y a plus de passivité. Les adultes doivent être vigilants et intervenir. Amal Dadolle : Vous mentionnez le livre "Sa majesté des mouches". Pouvez-vous en parler pour ceux qui ne connaissent pas? Didier Pleux : Le livre montre que sans autorité, les enfants deviennent violents. Rousseau pensait que l'homme est fondamentalement bon, mais il a abandonné ses propres enfants. Je crois que l'enfant n'est ni bon ni mauvais, il est en devenir. Sans autorité, il peut devenir tout-puissant et violent. Comme dans "Sa majesté des mouches", sans adultes, les enfants créent une société violente avec des leaders tout-puissants. C'est pourquoi il faut une autorité pour réguler les pulsions, pas les supprimer, mais les réguler. Amal Dadolle : Quelles méthodes éducatives les parents peuvent utiliser pour réguler les pulsions? Didier Pleux : L'éducation doit apprendre à tolérer les frustrations. Par exemple, si un enfant veut changer de jouet parce qu'il est difficile, le parent doit l'encourager à persévérer. Si un enfant refuse le solfège, il faut l'aider à traverser cette période difficile. Il faut montrer aux enfants que même les adultes luttent contre leurs propres envies. Par exemple, si les parents limitent leur temps d'écran, ils montrent l'exemple. L'autorité doit être réaliste et humaine, pas moralisatrice. L'attitude bienveillante peut aider, mais elle ne doit pas être indulgente. Il faut des autorités justes et bienveillantes pour humaniser l'enfant. Si l'autorité est uniquement parentale, il est nécessaire de rencontrer d'autres mentors pour éviter de devenir trop dépendant d'un seul modèle. Il y a urgence à élever les humains pour éviter la montée de comportements égocentriques et agressifs. L'indulgence risque de nous mener vers des idéologies autoritaires et la destruction de notre environnement. Pour lutter contre cela, nous devons accepter et relever le défi d'éduquer à nouveau. Les enfermements psychiatriques ou carcéraux ne sont pas la solution. Les déshumanisés ne sont pas des monstres, ce sont nos pères.Conclusion : Vers une autorité éducative équilibrée
Le constat n’est pas seulement le mien quand l’on voit l’augmentation des comportements égocentriques, incivils, voire agressifs, quand on assiste à l’éclosion de nouvelles pathologies que j’ai qualifiées « d’intolérance aux frustrations ». Jusqu’à ce jour, la réponse reste la même : l’attitude humaine bienveillante peut et va renverser la tendance ; peut-être quand elle se manifeste par la compréhension mais pas du tout quand elle traduit une simple indulgence.Amal Dadolle : Didier Pleux, vous avez choisi de nous lire un passage extrait de votre livre? Pourquoi avez-vous choisi cet extrait? Didier Pleux : Parce qu'il résume tout ce que nous venons de dire. Il parle de l'intolérance aux frustrations, qui signifie une incapacité à vivre la réalité et celle des autres. On ne peut pas résoudre ce problème uniquement avec la bienveillance et l'amour. Bien sûr, l'amour est important, sinon cela devient de l'autoritarisme. Mais l'indulgence est ce que je n'aime pas. Comprendre, oui, mais pas être indulgent. Cet extrait montre que sans autorité, les enfants peuvent être attirés par des idéologies religieuses ou politiques extrêmes. Sans autorité, ils se tournent vers de fausses autorités. Cela a des conséquences aussi sur l'écologie. Les enfants doivent apprendre à se freiner pour que l'environnement survive. Il y a des enfants écologistes tolérants aux frustrations, donc tout le monde n'est pas pareil. Amal Dadolle : Comment la punition doit-elle être appliquée par les parents? Vous avez mentionné que vous n'êtes pas entièrement pour "le fil dans ta chambre". Comment travailler la sanction? Didier Pleux : "Le fil dans ta chambre" coupe la relation au lieu de redéfinir les règles. Il faut que l'enfant comprenne qu'il a franchi les limites et que le parent n'est pas d'accord. Cela peut initier une bonne culpabilité. Si un enfant n'arrête pas de brûler des feux rouges, il faut établir un code familial : des récompenses pour les comportements positifs et des conséquences pour les négatifs. Il faut être cohérent en tant que parents. Amal Dadolle : Quelle est l'importance des mentors et des figures d'autorité extérieure dans le développement personnel de l'enfant ou de l'adolescent? Didier Pleux : Les adolescents ont besoin de figures d'autorité à admirer. Si les parents ne jouent pas ce rôle, ils vont chercher des modèles ailleurs, comme des célébrités. Les adolescents ont besoin de se soumettre à une idée à un moment donné. Si on ne leur fournit pas de bons modèles, ils peuvent être séduits par des idéologies dangereuses. Amal Dadolle : Qu'en est-il de l'autorité à l'école? Didier Pleux : L'autorité à l'école est aussi importante. Les enseignants doivent être fermes au début et établir des liens positifs avec les élèves. Mais il ne faut pas éviter les confrontations nécessaires. Si un élève est agressif, il faut tenir compte de sa fragilité, mais aussi savoir reconnaître quand il s'agit d'une intolérance aux frustrations. Amal Dadolle : Comment reconnaître un "big-fucking-baby" en tant qu'enseignant ou éducateur? Didier Pleux : Un "big-fucking-baby" est un élève qui ne supporte pas les frustrations. Si, après avoir essayé d'aider et de respecter l'élève, il continue à être agressif et à ne pas suivre les règles, alors il s'agit probablement d'un élève intolérant aux frustrations. L'école doit être un lieu où l'on apprend à gérer les frustrations. Amal Dadolle : Comment faisiez-vous pour remettre sur le droit chemin ces jeunes délinquants dans cette maison éducative? Il y avait un taux de récidive presque nul. Didier Pleux : On utilisait une approche affective avec respect, empathie et bienveillance. Mais il y avait aussi un aspect éducatif : rattrapage scolaire, formation professionnelle, et tâches quotidiennes comme mettre la table et faire son lit. C'est un mélange de respect et de contraintes. J'ai entendu un soldat américain dire que si on n'est pas capable de faire son lit le matin, on ne fera pas de grandes choses. Cela commence par des petites choses comme faire son lit. Quand mes petits-enfants viennent, je leur demande s'ils ont fait leur lit. C'est du bon sens. Amal Dadolle : Comment est reçu votre livre? Il vient de sortir, mais... Didier Pleux : Il est plutôt bien reçu. Les ventes se portent bien, surtout après des interviews à la radio. Le livre est d'actualité, tout le monde parle d'autorité. Les Suisses ont même intitulé mon livre "L'éducation bienveillante, tome 2". Il ne suffit pas de parler d'éducation bienveillante, il faut aussi de l'autorité. Amal Dadolle : Pourquoi avez-vous choisi de faire ce métier? Didier Pleux : J'étais éducateur avant de devenir psychologue. J'ai fait ce métier pour aider les autres, m'occuper de délinquants et de personnes déshéritées. Amal Dadolle : Comment est venue cette volonté d'aider les autres? Didier Pleux : Je ne sais pas. Peut-être l'influence de mon oncle curé ou des mentors qui avaient un idéal humaniste. Les années 68 étaient marquées par l'humanisme, le respect de la classe ouvrière, et l'opposition à la guerre du Vietnam. Nous étions des humanistes, pas encore dans l'époque du "chacun pour soi". Amal Dadolle : Et pour vous, Françoise Dolto? Didier Pleux : Je la considère comme une opportuniste. On ne peut pas être pétainiste en 1943, trotskiste en 1946, et soixante-huitarde en 1975.L’indulgence n’est pas la réponse adéquates à ce que j'appelle les comportements d'intolérance aux frustrations. Seules des autorités justes, bienveillantes mais aussi et surtout conflictuelles, telles que je les ai définies dans cet essai, peuvent humaniser l’homme.
Si, en premier lieu, l’autorité se doit d’être parentale, il est nécessaire d’en rencontrer d’autres. L’autorité ne saurait être unique ; c’est en multipliant mes mentors que je ne suis pas devenu « fan de… », « membre de… », « partisan de… », « disciple de… ».
Il y a urgence, car l’indulgence, cette tolérance craintive et passive, risque non seulement de nous jeter dans les bras des idéologies ou religions autoritaristes, mais aussi de nous précipiter doucement mais sûrement vers la destruction de notre environnement.
Pour lutter contre l’effondrement de l’humanité et de son écologie, je ne cesse de répéter qu’il nous faut accepter ces humains qui se déshumanisent pour relever le défi de les élever à nouveau. Les enfermements psychiatriques ou carcéraux, la multiplication des lois avec leurs polices, les dictatures ou pouvoirs tyranniques ne sauraient être la réponse adéquate. Ces « déshumanisés » ne sont pas des monstres mais des hommes et des femmes ; ce sont nos pairs.
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Publié le 30/05/2024, mis à jour le 05/11/2024