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Publié le 06/01/2021, mis à jour le 17/10/2022
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Solène Ducrétot : qu’est-ce que l’écoféminisme ?
D’où vient l’écoféminisme ?
Un concept né il y a 50 ans
L’écoféminisme est un terme issu de la contraction des termes écologie et féminisme introduit par Françoise d’Eaubonne en 1972. Selon cette thèse, les femmes comme la nature sont victimes de la domination masculine. Ainsi, aucune révolution écologique ne saurait faire l’économie d’une révolution féministe qui, elle seule, peut apporter un remède au système de domination des hommes sur la nature et les femmes.
Parmi les écoféministe, Solène Ducrétot, journaliste, réalisatrice, à l’origine du collectif les Engraineuses et du premier festival écoféministe de France. Elle a co-écrit avec Alice Jehan « Après la pluie. Horizons écoféministes » publié chez Tana éditions. Dans cette transcription, Solène Ducrétot raconte les raisons de son engagement, sa vision du féminisme et ce qu’est l’écoféminisme.
- Pourquoi avoir co-écrit livre avec Alice Jehan ?
- Solène Ducrétot : Parce qu’avec les Engraineuses, on s’est donné pour mission de développer le mouvement écoféministe naissant en France. On a créé l’année dernière le premier festival écoféministe et on a eu envie d’aller plus loin en écrivant ce livre qu’on a voulu accessible, ludique et qui permet d’être une première porte d’entrée sur les différents sujets qui sont liés à l’écoféminisme.
L’engagement de Solène Ducrétot
- A titre personnelle, comment vous êtes-vous engagée dans l’écoféminisme, avez-vous créé un festival et écrit un livre sur les horizons de l’écoféminisme. Comment cela s’est matérialisé en vous ?
- SD : De mon métier de journaliste et réalisatrice spécialisée dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Cela fait presque 15 ans que je travaille sur des sujets engagés autour de l’environnement et des droits des femmes. Le problème, c’est qu’au travers de mes expériences professionnelles, à chaque fois on traitait ces sujets de façon unique, d’un côté l’environnement, d’un autre côté les droits des femmes, mais jamais de façon conjointe.
- C’est en découvrant l’écoféminisme que cela a fait résonnance. En combinant ces deux sujets, on pouvait aller plus vite. La première expérience de terrain qui m’a vraiment impacté et montré que cela marchait fait partie des actions majeures de l’écoféminisme en France, notamment celles de Care France, une OGN qui met en place beaucoup d’actions pour autonomiser les femmes principalement dans le secteur de l’agriculture. Les bénéfices sont grands, autant pour la société et l’environnement. Il serait simplement temps d’essaimer ces solutions qui sont déjà là et qui méritent d’être connues et répliquées partout dans le monde.
Comment s’incarne le féminisme d’aujourd’hui ?
- Quelle est votre vision du féminisme ?
- SD : Le féminisme d’aujourd’hui véhiculé par les médias est biaisé parce qu’assimilé uniquement aux Femens et à la colère. C’est un peu vrai, mais le féminisme c’est bien plus vaste que cela. Il y a énormément de collectifs, d’associations, de structures qui se sont montés sur différents sujets. C’est un milieu qui fourmille de joie, de créativité et l’écoféminisme en fait partie.
- Vous dénoncez une vision à la fois injuste, naturaliste et inefficace d’un certain féminisme. Vous dites « celui dont la vision nie toute détermination historique, sociale et culturelle n’est pas fondamentalement féministe ». Pourquoi ?
- SD : La genèse de l’écoféminisme consiste à faire comprendre que les maux de notre société (condition des femmes, dégradation de l’environnement, racisme, capitalisme vorace, homophobie etc.) viennent quasiment tous de ce qu’on appelle l’oppression patriarcale. Notre objectif est d’englober le plus de monde possible, et de rentrer dans un mode de société qui soit solidaire les uns envers les autres. C’est pour cela qu’il est nécessaire de combiner les luttes pour aller plus loin, plus vite et d’avoir plus d’impact face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
- Pourquoi la question du féminisme dépasse la question du genre ?
- SD : Une figure écoféministe, l’écrivaine Starhawk, explique qu’une société idéale serait basée sur le pouvoir du dedans et non sur le pouvoir sur les autres, qui est ce fameux système d’oppression. Cela dépasse les questions du genre.
- Comment définir le pouvoir du dedans ?
- SD : Ce sont toutes les richesses que l’on peut avoir en nous et qu’il faudrait revaloriser pour pouvoir construire une société qui ne soit pas bancale.
Il y a un processus dans l’écoféminisme lié à la spiritualité et qui vise à se reconnecter à ses émotions. Sans cela, on perd notre humanité et on arrive aux problèmes sociaux et environnementaux actuels.
Pourquoi relier écologie et féminisme ?
- Pourquoi relier l’écologie et le féminisme ?
- SD : Il y a une formule qui résume l’intérêt des deux combats : « qui voudrait la part égale d’un gâteau cancérigène ? » Autrement dit, à quoi bon se battre pour avoir l’égalité homme-femme si c’est pour se rendre compte qu’on ne peut plus vivre sur la planète. Et réciproquement, à quoi bon s’épuiser à sauver la planète si c’est pour une fois de plus mettre de côté la moitié de la population mondiale. L’idée, c’est de sauver les deux et d’être tous ensemble pour le faire.
- Quels sont les valeurs portées par le mouvement écoféministe ?
- SD : C’est une vaste question parce que le mouvement féministe se définit par sa pluralité et sa richesse de dynamiques. On peut quand même distinguer deux branches majeures :
- La branche matérialiste qui va traiter la question des droits des femmes face au changement climatique, les questions de terrain regroupant toutes les actions des ONG. L’idée c’est de faire que les femmes ne soient plus victimes mais actrices du changement.
- Dans la branche spirituelle, on va plutôt travailler sur une reconnexion cœur-corps-esprit où on va se réapproprier ses émotions pour pouvoir ensuite les transformer de façon enrichie pour ensuite passer à l’action et faire en sorte, si possible que cela aille mieux.
Comment s’organisent les groupes écoféministes pour sortir de l’hégémonie patriarcale ?
L’éclosion d’un réseau
- Comment s’organisent les militantes écoféministes pour sortir de cette hégémonie patriarcale ?
- SD : Ce qu’il y a d’intéressant dans le mouvement écoféministe, c’est que les actions viennent souvent de la société civile. Ce sont des femmes qui agissent collectivement ou individuellement. Certaines le font de façon collective par des associations ou des collectifs comme les Engraineuses. D’autres de façon individuelle, comme les entrepreneuses qui s’engagent professionnellement dans l’écoféminisme. On observe une pluralité de types d’action dans des champs complètement différents. Certaines sont dans le secteur du « care », de l’agriculture, d’autres produisent des objets respectueux de l’environnement.
- Est-ce que vous observez des ponts collaboratifs entre ces femmes et différents collectifs ?
- SD : Dans les valeurs, on retrouve énormément de choses qui relient toutes ces femmes. L’écoféminisme étant un mouvement naissant, l’un des objectifs avec les Engraineuses c’est de rassembler toutes ces femmes pour faire corps ensemble et profiter de notre fameuse richesse intérieure. Au-delà de cela, on retrouve énormément de choses dans les moyens d’action, notamment la créativité et la volonté de se mettre en réseau pour ne plus être seules dans les différents combats.
- A travers votre mouvement, comment proposez-vous cette mise en communauté des différents savoir-faire et savoir-être ?
- SD : Il y a différents niveaux de lectures et d’étapes. La première est d’accumuler énormément d’informations pour comprendre comment marche ce fameux système d’oppression, pourquoi il est important d’imbriquer les luttes et sur quelles thématiques on peut agir. C’est tout l’objet du festival « Après la pluie » et de notre livre. La seconde étape est de passer à l’expérience, de mettre les mains à la terre et de faire les choses. On propose dans le livre des ateliers et tutoriels pour expérimenter et mettre en pratique seul(e) ou avec d’autres personnes.
Devenir une graine
- SI vous aviez un dernier mot à partager sur votre engagement, et celui de beaucoup d’hommes et de femmes qui est profondément humaniste, ce serait quoi ?
- SD : Il y a un dicton écoféministe que j’aime beaucoup disant :
ils ont essayé de nous enterrer, ce qu’ils ne savaient pas c’est que nous étions des graines.Cela résume très bien l’écoféminisme qui se développe en sous-terrain et qui, aujourd’hui, est en train d’émerger avec toutes ces petites graines qui sont en train de sortir de terre.
Propos de Solène Ducrétot recueillis par Amal Dadolle Must read : Après la pluie. Solène Ducrétot aux éditions Tana
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