Médecin de formation, écrivaine et femme politicienne suisse engagée en faveur de l’art et de la culture, Barbara Polla nous présente son dernier livre « Le Nouveau Féminisme. Combats et rêves de l’ère post-Weinstein » publié cette année aux éditions Odile Jacob. Elle nous y instruit sur quelques-uns des courants les plus actifs des féminismes, tout en nous démontrant comme ces courants sont complémentaires et œuvrent pour toutes les femmes.
Comment l’affaire Weinstein et le mouvement #meetoOù a fait évoluer le mouvement féministe dans le monde ?
Parce que tout le monde parle du féminisme et de ses enjeux : les hommes, les jeunes, les vieux. Le mouvement #meetoo a traversé tous les continents de notre planète. Le nouveau féminisme que j’évoque s’est construit dans l’urgente nécessité de parler des relations hommes-femmes et de la condition féminine.
C’est quoi le nouveau-féminisme ?
Il existe indubitablement des courants féministes différents, et en fonction de son propre vécu, on adhère à un courant particulier.
Or, le nouveau féminisme concerne toutes les femmes, il révèle comment ces différents courants sont complémentaires et fonctionnent en synergie. C’est en cela qu’il devient un féminisme d’épanouissement.
« We should all be feminists »
Osez le féminisme
Dans l’ouvrage de Barbara Polla, nous apprenons que la mode fut le bras armé du féminisme, avec en tête de proue Chimamanda. Cette écrivaine nigérienne inspirée déclarera à son public lors d’une conférence TED : « We should all be feminists ». Cette formule choc est reprise en 2014 par Beyoncé, et en 2015 tous les étudiants Suédois se sont vu remettre une copie de la conférence de Chimamanda « Nous sommes tous féministes ».
Chimamanda ira plus loin en créant un manifeste pour une éducation féministe mondiale. Elle y propose 15 préceptes éducatifs que Barbara Polla nous explique.
Les 15 préceptes de l’éducation féministe
Préceptes pour développer l’amour de soi
1. Sois une personne pleine et entière.
Nous ne sommes pas juste une mère, une fille, une épouse, ou une belle femme, fille. Il est nécessaire d’enseigner aux petites-filles que leur personne ne se limite pas à leur genre. On se doit sortir du stéréotype « femme » pour devenir qui on veut.
2. Le père de ta fille ne t’aide pas, il fait ce qu’il a à faire à sa manière.
Au sein du couple, nous avons tendance à plus déléguer au père qu’à vraiment partager la charge parentale. Or, le père ne doit pas être un simple « second », il doit prendre toute sa place La mère doit apprendre à laisser le père se débrouiller seul avec l’enfant et à expérimenter la joie d’être entièrement avec elle, ou lui.
3. Ne dis jamais à ta fille : « parce que tu es une fille. »
On ne doit pas faire les choses parce qu’on est une fille ou une femme. L’esprit et l’âme nous définit avant notre corps. Ainsi, il est important de dire à son enfant : « Ne sois pas d’abord une fille, sois d’abord qui tu es ».
4. Donne à ton enfant un sentiment d’identité.
Les petites-filles doivent réaliser qu’elles existent par elles-mêmes, et ont une existence propre. Ce féminisme inclut le masculin, car homme ou femme, garçon ou fille, toute l’importance réside dans qui est à l’intérieur de notre corps.
Préceptes pour développer son sens critique
5. Ecarte la notion de permission.
Apprenez à vos enfants à désobéir aux préceptes. C’est un point fondamental de l’accomplissement de la petite fille en femme, parce que l’on s’affirme soi-même face à l’immensité des contraintes sociales, parentales et scolaires.
6. Apprends à ta fille à aimer lire.
Grâce aux livres, on apprend à penser. L’école et la société sont des lieux où l’on apprend des règles et des normes, mais jamais on nous apprend à penser par nous-mêmes.
7. Apprendre à questionner les mots.
On les dit, on les entend, mais on ne pense pas les mots. Pourtant, ils peuvent devenir une source une violence. Il est important d’apprendre que les mots sont lourds de sens.
8. Ne présente jamais le mariage comme un accomplissement. Jamais.
Le mariage est une institution sociale qui légitime l’existence d’un couple. Ce sont des fêtes organisées pour les autres, et non pour le couple qui se marie, dans le but de valider socialement une union. Par ailleurs, en faisant du mariage une fin en soi, une fois celui-ci acquis, on amorce une fin de soi.
9. Apprends-lui à être elle-même avant de plaire.
S’identifier en tant qu’objet du plaisir et du désir de l’autre est une idée que l’on donne aux petites-filles depuis qu’elles sont nées. Or, nous devons apprendre à une petite-fille à être le sujet de son propre désir. Ce changement radical de paradigme peut faire peur mais comme l’avait déjà anticipé le philosophe Charles Fourrier, qui pourtant avait compris que dans un couple, « le bonheur de l’homme se mesure au degré de liberté de la femme ».
10. Apprends-lui à questionner les normes.
C’est une discipline quotidienne, que l’on devrait appliquer aussi à nous, les adultes. La meilleure manière d’apprendre à une petite-fille, ou à un petit garçon, à questionner les normes est de lui montrer l’exemple en se questionnant à haute voix devant eux. Rien n’est plus efficace pour transmettre un enseignement que de l’incarner. (lien BY)
Préceptes pour apprendre à bien-vivre
11. Pèse soigneusement ta façon d’aborder son apparence physique.
Nous revenons à la problématique de vouloir plaire. En tant que parents, le but est de laisser les filles et les adolescentes exprimer qui elles ont envie d’être.
12. Parle lui de sexe, et commence tôt.
Il y a un énorme tabou sur la sexualité, pourtant les petits enfants comprennent très tôt qu’ils ont un sexe. Ils le touchent, jouent avec et se donnent du plaisir. Toutefois, parler de sexe aux enfants, ce n’est pas leur parler de leur sexualité, cela leur appartient et ça doit rester leur jardin secret. C’est d’abord nous, en tant que parents qui devons parler de notre sexualité que nous avions eu à leur âge.
13. L’amour finira par arriver, donc arrange toi pour être là.
C’est le point où Barbara Polla s’éloigne de Chimamanda. Le parent doit comprendre que la vie amoureuse de ses enfants leur appartient exclusivement. Il faut savoir s’effacer.
14. Fais attention à ne pas faire des opprimés des saints.
Le fait que les femmes soient opprimées est une réalité factuelle et historique. Aujourd’hui encore, la violence faites aux femmes, partout dans le monde, est quotidienne et intolérable.
En revanche, le fait d’être opprimées ne fait pas des femmes des saintes. Car le problème des saints est qu’ils subissent et ne se battent pas pour changer le monde. On ne peut se contenter de reconnaître l’oppression, on doit en sortir autrement que par la satisfaction de l’oppression, mais par la bataille de l’égalité.
15. Eduque-la à la différence
Nous sommes tous différents. Or, reconnaître sa propre différence est la meilleure manière de reconnaître la différence de l’autre. En apprenant aux enfants à aimer leur propre différence, ils apprennent à aimer la différence du monde, ce qui est beaucoup plus fort que la froide tolérance.
Must read : Le nouveau féminisme. Combats et rêve de l'ère post-Weinstein - éditions Odile Jacob
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