Ne laissant personne indifférent et semblant trop beau pour être vrai, le revenu universel fait jaser nos concitoyens autant que nos prétendants à la plus haute fonction de la République.
De quoi s’agit-il ?
Le revenu universel est un revenu minimum destiné à répondre aux besoins de premières nécessités (logement, vêtement, nourriture) versé à tous les citoyens du pays sans condition d’âge, de ressource ou de travail, jusqu’à la fin de leur vie et ce, sans contrepartie. De Mme Bettencourt aux enfants et aux plus nécessiteux, tout le monde fait partie de la fête !
Une idée dans l’air du temps
En juin 2019, le gouvernement d’Emmanuel Macron annonce la création du revenu universel d’activité, dit le RUA. Mais l’objectif du gouvernement n’est pas celui du simple revenu universel. Il s’agit de réorganiser l’administration en rassemblant le RSA, la prime d’activité et les allocations logement sous un seul bloc.
Le projet du gouvernement n’est pas notre propos, mais il est évident que le choix des mots du RUA n’est pas anodin quand une partie de la population réclame à grands cris plus de solidarité. Le revenu universel a toujours été associé à un idéal de générosité et de joie de vivre, tel qu’il a été pensé par Thomas More.
Qui est derrière l’idée du revenu universel ?
L’inspiration des Anciens
Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer le revenu pour tous ? Thomas More, un avocat et philosophe anglais du XVIème siècle. Un siècle euphorique sur le plan intellectuel, où le Moyen-âge laisse place à la Renaissance. L’Europe, grâce aux Arabes, redécouvre les textes grecs et latins de l’Antiquité.
Pour ceux qui baignaient dans la culture de la monarchie depuis presque 10 siècles, la lecture de La République, Dialogue sur la Justice de Platon a dû bousculer leur vision du monde.
L’Utopie de Thomas More
Notre Thomas More n’y a pas coupé et ce fin connaisseur du système politique parlementaire anglais s’est alors inspiré de l’ouvrage de Platon pour penser une société idéale grâce à un système politique généreux, où l’ambition est d’accorder à tous une vie confortable et digne. Cet idéal, il l’assume avec le titre L’« Utopie », du grec ancien qui signifie « un lieu qui n’existe pas ».
Mais l’Histoire montre que l’humanité aime les challenges ! Et 500 ans plus tard, le revenu universel ne semble plus si utopique.
L’expérience allemande du revenu universel
Mein Grundeinkommen
Décidant de se passer du gouvernement allemand, Michael Bohmeyer, décide en 2014 de créer une association « Mein Grundeinkommen » (comprenez « mon revenu universel ») en précisant son état d’esprit :
“Nous ne sommes pas là pour convaincre, comme le ferait un lobby, mais pour impulser un dialogue. Notre cible, ce ne sont ni les partis politiques, ni les entreprises, mais les gens {…] Nous voulons donner la possibilité aux gens de faire l’expérience du revenu universel, raconter des histoires et poser des questions”.
Grâce au système du crowdfunding, l’association réussit à verser à 70 participants (inscrits sur un site et tirés au sort) 1000 euros par mois. Là encore, le principe d’aucune contrepartie s’applique, les participants font ce qu’ils veulent de l’argent !
Quel est résultat de l’expérience allemande ?
Du positif ! Quand ils ne quittent pas leur travail (et c’est la grande majorité !) ils sont tout simplement plus sereins psychologiquement (c’est un luxe disent-ils !) ou décident de consommer bio ou de s’offrir une activité détente ou sportive !
Jesta, 40 ans, mère de famille s’est décidée de son côté à lâcher son boulot alimentaire pour ouvrir son business, « slow business coach ». Elle propose même un système de rémunération libre, ses clients la paient en fonction de ce qu’ils semblent être le plus juste ! Le cas de Jesta n’est pas unique, ceux qui n’étaient pas heureux dans leur travail, ont tout simplement changé de boulot, monté une activité ou repris leurs études ! Nous sommes très loin des profiteurs qui vont passer leur journée dans le canapé !
Le revenu universel, un progrès logique ?
Une question de dignité
Thomas More n’aurait vu dans le revenu universel que la continuité des droits de l’homme, ceux de la femme et plus généralement du droit à la dignité et à celui de mener une vie un minimum décente. L’Histoire, telle qu’on nous l’enseigne, suggère d’ailleurs l’idée que de génération en génération, nous vivons mieux que nos parents. Pendant longtemps, le travail incarnait de son côté les valeurs émancipatrices de l’individu, en lui fournissant son autonomie financière et son épanouissement personnel. Le travail c’est la santé, n’est-ce pas ?
La fin du travail-souverain
Aujourd’hui, le travail incarne-t-il encore ses valeurs ? Au regard du phénomène de « burn-out » et des dernières études d’un anthropologue américain, David Graeber, qui a fait une thèse sur la prolifération d’emplois qui sont dénués de sens, les « bullshits jobs », nous pouvons nous interroger. La dignité et la décence sont-elles des valeurs intrinsèquement liées au travail ? Est-ce logique ?
La dignité n’est pas dans l’emploi, elle est dans un comportement comme nous l’a rappelé Ken Loach, dans son dernier film « Moi, Daniel Blake ». Notre dignité ne dépend pas de notre identité professionnelle ou sociale mais dans ce que nous sommes intimement et dans nos actes.
Et à l’échelle d’une société, comment mesure-t-on la dignité de celle-ci ? En regardant son rang dans le dernier classement des PIB mondiaux ? En vérifiant que le pays détient bien l’arme nucléaire ? Ou la dignité d’une nation ne s’évaluerait-elle pas tout simplement à sa capacité d’offrir à ses citoyens les moyens de mener une vie (matériellement) décente ?
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