On entend de plus en plus parler de la bienveillance en entreprise, mais ne laisse-t-elle pas septiques bon nombre de cadres et de dirigeants? Car après tout, ne faut-il pas être un peu renard pour réussir en affaires?
Ne faut-il pas avoir une poigne ferme pour diriger une équipe? En toute honnêteté, si la bienveillance est très bien pour notre vie intime, ne serait-elle pas autre chose que de la faiblesse en entreprise?
Loin s’en faut, selon Juliette Tournand, conférencière, coach en stratégie de la bienveillance et l’auteure de La bienveillance en action (InterEditions).
D’après les préceptes de cet immense stratège militaire de l’Antiquité chinoise, la bienveillance peut être beaucoup plus efficace que la force brute.
Par exemple, en tant que conquérant d’un nouveau territoire, Sun Tzu estimait que la politique de la terre brûlée était idiote.
En ne touchant ni aux fermes ni aux femmes des paysans locaux, il s’assurait de leur loyauté. En plus de pouvoir ravitailler son armée en cas de rupture de stock dans les valises de ses cuisiniers.
Sun Tzu
gagnait donc en temps, en argent, en renommée et en hommes. La bienveillance, ainsi menée, n’est donc ni faiblesse, ni naïveté, c’est au contraire faire preuve d’une grande intelligence.
Revenons au milieu de l’entreprise.
Pour que la bienveillance puisse intervenir avec efficacité dans ce milieu, Juliette Tournand a mis au point une méthode inspiré de connaissances psychologiques.
Etymologiquement, la psychologie signifie «le discours de l’âme», et il est essentiel de bien comprendre comment l’autre pense pour pouvoir mieux désamorcer un conflit. Ou lui demander un service.
Au cours de son expérience, Juliette Tournand a reconnu et analysé 6 principales caractéristiques de la personnalité humaine, qu’elle a appelé les 6 faisceaux de l’âme humaine. Nous verrons comment ils se définissent, et comment mettre ces connaissances en pratique, avec deux exemples concrets.
Quels sont les signes de la bienveillance?
L’organisé, le convivial et le convaincu
Faire preuve de bienveillance avec intelligence, c’est revenir à l’essentiel en connaissant les principaux ressorts de l’âme humaine.
Juliette Tournand en distingue 6 principaux que nous portons tous en nous, à un degré différent suivant notre personnalité. Les repérer, c’est savoir adapter son discours, répondre sans rentrer dans les oppositions stériles, et amener son objectif à bien, en gagnant en temps, en énergie et en argent.
Comme vous allez le voir dans la synthèse qui suit, chacun des 6 faisceaux a ses qualités, mais aussi ses besoins physiques ou psychologiques à prendre en compte.
- LE FAISCEAU ORGANISÉ
La personne présente des qualités de précision, d’anticipation, de coordination et d’organisation. Ses besoins seront de disposer d’un savoir (des normes, et des outils), d’apprendre, d’expliquer, de disposer de repères dans le temps. Et enfin, d’être reconnu pour la qualité du travail rendu.
- LE FAISCEAU CONVIVIAL
La personne présente des qualités chaleureuses comme la générosité, le dévouement et l’affection. Ses besoins seront d’être reconnue pour sa personnalité, en plus d’avoir des échanges harmonieux avec les autres collaborateurs.
- LE FAISCEAU CONVAINCU
La personne présente des qualités de responsabilité, de fidélité, de cohérence et de ténacité. Pour s’épanouir pleinement, elle aura besoin de trouver du
sens au travail, de l’éthique et des références solides.
Le visionnaire, le compétiteur et le créatif
- LE FAISCEAU VISIONNAIRE
La personne est capable de prendre du recul face à une décision ou un projet. Pour y parvenir au mieux, elle aura besoin de temps, d’espace et de calme.
- LE FAISCEAU COMPÉTITEUR
La personne est active, concrète, audacieuse. Elle a besoin d’action, d’adrénaline, et d’esprit « de la gagne » pour être motivée.
- LE FAISCEAU CRÉATIF
Celui-là on le repère facilement, le créatif a un aspect fun, plein d’humour et un haut sens esthétique. Ses besoins seront de disposer de temps, et d’une
organisation de travail qui équilibre contrainte et liberté, tout en étant reconnu pour son originalité.
Pourquoi Juliette Tournand accorde autant d’importance aux besoins des différents faisceaux?
Parce que ce n’est qu’ainsi que l’on ramène de l’humain au cœur de l’entreprise.
En reconnaissant la valeur et les besoins des collaborateurs, on ne leur donne pas le sentiment de n’être que des pions. On les valorise, on leur donne le sourire et comme nous l’avions vu avec
les 5 grandes lois du leadership créatif , tout cela a des conséquences positives sur leur travail.
Etymologiquement, bienveillance signifie «bonne volonté à préserver ce qui est bien».
Une bonne volonté c’est donc une intention profonde, quelque chose qui ne peut se feindre. D’autant plus que reconnaître les 6 faisceaux demande (surtout au début) une écoute attentive de l’autre.
Ce qui implique du temps et un intérêt sincère pour son prochain. Mais dès lors que nous comprenons le comportement humain, nous pouvons interagir avec bienveillance et intelligence comme le démontrent les deux cas pratiques suivants.
Le premier évoque comment la bienveillance peut sauver une situation critique.
Comment nourrir la bienveillance au travail?
Comment sauver une situation critique avec bienveillance?
Notre premier cas pratique s’inspire d’une histoire vraie. Celle d’une cliente de Juliette Tournand, qui après avoir signé un contrat important en tant que fournisseur n’avait pas su délivrer les premières commandes en temps et en heure.
Excédé, le client n’avait pas tardé à exprimer tout le mal qu’il pensait de leur collaboration. Comment sauver la situation en
s’affirmant sans peur ni agressivité?
La clé est de réajuster son comportement et son discours face à “l’agresseur”:
- Écouter avec attention la colère du client pour savoir sur quoi il insiste.
- Comprendre que le client exprime sa peur de l’échec quand il exige à plusieurs reprises des garanties ainsi qu’un plan d’action dans la minute. Ici, le client fait appelle à son faisceau compétiteur.
- Rassurer le client en faisant appel à notre propre faisceau compétiteur en lui délivrant le plan d’action attendu.
- Proposer des solutions pour répondre au besoin du client. Enfin rassuré, on peut ensuite solliciter son faisceau organisé ou visionnaire, en expliquant les raisons du retard. Ou pourquoi ce retard est un mal nécessaire pour la suite de leur collaboration.
Le second cas pratique nous amène cette fois-ci à l’intérieur de l’entreprise. Vous souhaitez mettre en place un nouveau procédé de fabrication à un chef d’atelier habitué depuis 15 ans au même process. Celui-ci n’est pas ravi à l’idée de devoir bouleverser sa routine.
Comment donc susciter son envie de coopérer avec bienveillance?
Comment susciter l’envie de coopérer avec bienveillance?
La bonne conduite à adopter en tant que dirigeant est la suivante:
- Se déplacer jusqu’à l’atelier. Puisque c’est vous qui le sollicitez pour un nouveau changement, ne convoquez pas votre chef d’atelier dans vos bureaux, mais faites l’effort d’aller vers lui.
- Observer quels signes de réticences le chef d’atelier vous montre à l’évocation du nouveau procédé de fabrication.
S’il évoque un manque de temps qui rend impossible l’installation du nouveau procédé, c’est qu’il est en train de faire appel à son faisceau organisé. Par ailleurs, vous sentez aussi que son faisceau convaincu est également touché. Son procédé actuel est très bien et fonctionne depuis 15 ans, alors pourquoi changer ?
- Rassurer et proposer des solutions.
La bienveillance ici consiste à apaiser son faisceau organisé en vous penchant sur son problème de temps. Vous pourrez lui suggérer de changer les priorités dans le planning ou de renforcer son équipe avec un autre collaborateur.
Enfin pour le faisceau convaincu, expliquez-lui-en quoi le nouveau procédé va être plus économe, plus rapide, plus propre pour l’environnement, etc. En clair, quelles sont les raisons qui motivent votre changement de procédé.
Par ces exemples, on s’aperçoit que la stratégie de la bienveillance n’est pas qu’une simple méthodologie, elle repose sur une réelle intention.
La bienveillance n’est pas gentillesse. Elle demande à développer de réelles compétences: un sens de l’analyse aigu, une communication soutenue et un réel effort d’empathie.
Mais une fois maîtrisée, user de bienveillance reste certainement la stratégie la plus aboutie pour déployer les forces de coopération au sein de l’entreprise.
Pour aller plus loin : Juliette Tournand, La bienveillance en action, InterEditions, 2018
Les attitudes émotionnelles favorisant un mode de leadership « absorbeur d’anxiété » sont des ressources importantes pour la bienveillance dans l’entreprise : le ” toxic handler ” est un des éléments de l’amélioration de la résilience au travail, mais pas le seul : » Le développement de la résilience au travail »