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Publié le 22/09/2021, mis à jour le 24/09/2022
Sujets d'actualité
Comment les autistes voient et pensent le monde?
Ni handicapés, ni géniaux mais différents
De l’autisme, beaucoup de personnes en ont une vision restreinte : celle d’un « inadapté social » dénué d’émotions et incapable d’échanger une parole ou un regard. Cette forme d’autisme est la plus grave, mais elle est aussi la plus rare.
En fait, la grande majorité des autismes sont des formes légères. Et il apparaît que bon nombre de personnes talentueuses et géniales en soient pourvu.
Leurs noms nous sont d’ailleurs bien connus : Einstein, Darwin, Vincent Van Gogh, Andy Warhol et Marc Zuckerberg, qui, pour la petite anecdote, avait pensé et créé Facebook pour faciliter les échanges sociaux entre personnes autistes ou Asperger (ce qui revient à peu près au même, puisque le syndrome Asperger est un trouble neurologique du spectre autistique).
Les recherches sur l’autisme sont actuellement en cours, et de plus en plus de chercheurs en neurosciences et psychologie avancent l’hypothèse que l’autisme de forme légère ne serait pas la conséquence d’un cerveau « déficient », mais tout simplement d’un cerveau différent.
David Gourion, médecin psychiatre à l’hôpital Saint-Anne, et Séverine Leduc, psychologue clinicienne spécialisée dans le diagnostic du trouble du spectre de l’autisme (TSA), ont rédigé à quatre mains l’ouvrage « Eloge des intelligences atypiques » (Odile Jacob, 2021) qui recense les dernières études neurologiques consacrées à ce trouble.
Leur but ? Nous faire comprendre comment les autistes voient et pensent le monde afin d’avoir un regard plus juste sur eux pour mieux les accompagner et les soutenir dans un monde qui n’est pas pensé pour eux.
Que se passe-t-il dans le cerveau d’un autiste ?
Tous les Hommes ne sont pas des animaux sociaux
Aristote l’a dit : l’homme est un animal social. D’instinct, nous savons comprendre et décoder les émotions de l’autre, et ce, depuis notre naissance pour assurer notre survie.
Toujours dans cette même optique, le cerveau joue également le rôle de filtre. Toutes les informations qu’il glane sur notre environnement sont triées pour nous faire parvenir seulement l’essentiel. Nous gagnons en temps et en énergie.
Or, pour les personnes autistes, le cerveau n’a pas le même programme, et présente trois différences majeures :
- Au lieu de filtrer, le cerveau laisse passer beaucoup plus d’informations sensorielles.
Les sens sont amplifiés allant même parfois jusqu’à faire fusionner des informations auditives, visuelles, tactiles etc. Conséquence de quoi, les milieux où les informations sont trop nombreuses (marché sur la place publique, la cour de récréation, un bal masqué etc.) perturbent grandement la personne, allant jusqu’à la plonger dans une crise d’angoisse ou de colère.
- Les zones cérébrales qui impliquent les neurones miroirs et sont dédiées aux capacités sociales (perception des émotions sur les visages et la tonalité des voix) sont peu ou pas du tout activées.
Conséquence de quoi, il est difficile de comprendre les intentions et le comportement des autres à travers le langage corporel ou le langage social. Les personnes autistes sont incapables de faire la différence entre le 1er et 2nd degré, et ne saisissent donc pas l’intention d’un mot d’esprit, ironique ou sarcastique.
- Les régions du cerveau dédiées aux fonctions intellectuelles supérieures présentent 70 % de neurones en plus par rapport au cerveau lambda. Ce qui confère aux personnes autistes une capacité à traiter et à mémoriser une quantité impressionnante d’informations et de détails.
Un tel système cérébral explique la proportion de génies chez les personnes autistes, mais également leur souffrance et leur vulnérabilité.
La souffrance des caméléons sociaux
Même si ce ne sont pas des « animaux sociaux », les autistes aspirent à bien vivre avec leurs semblables et à être acceptés par eux. Notamment quand ils sont adolescents.
Conscients de leurs difficultés et de leur différence, ces ados décident de développer des stratégies d’adaptation sociale en imitant leurs camarades « normaux ». Ils deviennent des « caméléons sociaux ».
A ce petit jeu, les filles seraient d’ailleurs plus douées que les garçons. Selon les statistiques officielles, il y aurait une fille autiste pour quatre garçons. Or, selon Fabienne Cazalis, chercheur en sciences cognitives, cette proportion serait tronquée du fait que les filles autistes partagent davantage de centres d’intérêts communs avec leurs pairs, comme les mangas, les chats et les chevaux.
Les garçons autistes, quant à eux, sont capables de se passionner pour le métro de Paris ou les médailles militaires du Japon. Et rares sont les ados qui développent les mêmes goûts.
Ces stratégies de caméléon sont plus ou moins heureuses, car non seulement elles ne sont pas toujours efficaces, mais surtout elles engrangent une fatigue nerveuse et un stress social qui sont quotidiens.
Cet état de tension permanente explique pourquoi les personnes autistes s’isolent de tout et de tous. Leur corps et leur esprit ont besoin de souffler et de récupérer.
Et si le calme et l’isolement leur sont impossibles, elles basculent alors dans un débordement émotionnel qui se manifeste par des crises de colères, voire même de violence.
Comment un autiste peut-il mieux vivre dans notre monde ?
Se faire aider pour mieux s’adapter et se protéger
On l’aura compris, être autiste ou Asperger suppose d’être ni déficient ou génial, mais simplement d’avoir un système cérébral différent, avec ses forces et ses faiblesses.
Les forces résident indéniablement dans une grande intelligence qui les amènent à développer un univers intérieur très riche et à se passionner pour un ou plusieurs centres d’intérêt.
Leurs faiblesses, quant à elles, résident dans les interactions sociales. Et ne pouvant vivre hors du monde (du moins pas totalement), il leur est vivement conseillé de développer quelques habilités sociales grâce à des thérapies comportementales et cognitives.
Ces thérapies ont pour but d’apprendre à se familiariser avec :
- Les subtilités du langage sociale (ironie, double sens, différencier ce qui ressort de la taquinerie de la moquerie)
- Les règles essentielles de la politesse
- L’existence du mensonge et de la duplicité
- L’art du bavardage social (parler de la pluie et du beau des temps, des vacances ou du dernier film vu).
- Le décodage du langage corporel
- L’affirmation de soi (savoir dire non)
Non seulement avoir recours à ces thérapies aide les personnes autistes au quotidien, mais cela leur permet aussi de mieux se protéger des escrocs et prédateurs sexuels.
Selon une enquête menée par le Dr Gourion et Séverine Leduc auprès de 230 femmes autistes de tous âges et milieux sociaux, 88 % d’entre elles ont subi une agression sexuelle, et 40 % un viol. Pour les prédateurs, ces femmes sont des proies faciles du fait de leur difficultés à appréhender la situation et à comprendre le traquenard dans lequel elles sont entraînées.
Un travail de réciprocité
Quelle que soit la nature de la différence, pour qu’elle soit riche pour tous, les deux parties doivent tendre la main. Les personnes autistes doivent saisir les clés et les codes pour s’adapter aux animaux sociaux que nous sommes. De même que nous devons nous adapter en respectant leurs besoins vitaux, dont ceux de sécurité et de calme.
C’est un travail de réciprocité et d’échange auquel Séverine Leduc et le Dr Gourion, invitent tous les acteurs (familles et institutions) à prendre leur part. Pour le bien-être du plus grand nombre. Car au regard des nombreux défis auxquels nous allons être collectivement confrontés, toutes les formes d’intelligence vont être nécessaires.
Source : Dr David Gourion & Séverine Leduc, Eloge des intelligence atypiques, Odile Jacob, 2021
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