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Publié le 22/05/2018, mis à jour le 27/06/2022
Choses à savoir culture générale
Miya Ando, l’art de vivre le moment présent
Quand l’art sublime la nature
Qui est Miya Ando ?
Miya est née à Los Angeles d’une mère japonaise et d’un père russo-américain. L’artiste passe une partie de son enfance à Okayama au Japon auprès de sa famille maternelle, membre du clergé bouddhiste et descendante d’une longue lignée de fabricants d’épées Bizen. A 7 ans, elle déménage avec sa famille à Santa Cruz Mountains près de l’étonnante forêt de Redwood au nord de la Californie. Durant son enfance, elle rencontre un sculpteur de bronze local et se passionne à l’idée qu’elle aussi pourrait créer des œuvres d’art comme les sculptures et les objets qu’elle avait vus dans le temple familial. Miya Ando continue à explorer le bouddhisme et l’art bouddhiste en se spécialisant dans l’étude de l’Asie orientale à l’Université de Californie à Berkeley, et de l’iconographie bouddhiste à l’Université de Yale. À cette époque, on lui offre un apprentissage rare près de sa maison familiale japonaise. Pendant un an, elle étudie le maniement de l’épée chez Hattori Studio à Okayama puis retourne aux États-Unis et s’engage dans une carrière d’artiste à la recherche d’un « vocabulaire qui n’est ni oriental ni occidental ».
C’est durant les fêtes d’hiver que j’ai découvert l’artiste Miya Ando (MA). Sous le sapin familial, un livre d’art m’attendait : Les magiciennes de la terre, l’art et la nature au féminin de Virginie Luc aux éditions ULMER. Miya était l’une d’entre elles, une artiste, une magicienne de la terre. Ses oeuvres d’art sont une véritable invitation à la poésie et à la méditation. Quelques mois se sont passés et nous avons eu la chance de l’interviewer.
- Nous vous avons découvert par le biais du livre de Virginie Luc Les magiciennes de la terre, l’art et la nature au féminin, pouvez-vous nous en parler ?
- Elle a écrit un très beau livre et j’ai été honorée de faire partie de ce groupe de femmes artistes. Je pense que l’auteur nous a choisies pour créer un dialogue autour d’une conscience collective. La sélection n’a pas été faite selon l’âge, ni nécessairement selon un point de vue identique, néanmoins, nos perspectives sont similaires car nous sommes parties d’une prise de conscience collective et par nos œuvres nous interprétons l’idée que nous avons de la nature. Ces idées créent un dialogue.
- A la lecture de vos différentes interviews et biographies, l’on comprend peu à peu que votre origine est indissociable de votre œuvre artistique…
- Je crois que la plupart des gens font appel à leur enfance. La mienne s’est partagée entre deux endroits très différents l’un de l’autre. Le plus récent est à Santa Cruz où j’ai vécu entourée d’arbres de la « Redwood forest ». Quoique très isolé, j’adorais cet endroit. Dès que je le peux, je retourne hanter ce lieu. Vous savez, ces arbres font partie des êtres vivants les plus vieux de notre planète. L’un d’entre eux doit avoir 3000 ans ! Ils ont été les témoins de tout, des incendies, des orages et pourtant ils se tiennent encore là. Parfois les rayons du soleil n’atteignent pas le sol. C’est avec cette image en tête que je dessine ce paysage et ce système naturel. L’équilibre est important pour moi.
- De cette réflexion, un projet a t-il éclos ?
- Oui je suis justement en train de travailler sur ma prochaine exposition qui sera présentée au Musée d’histoire de l’art à Landcaster en Californie. Pour cette installation, j’ai suspendu de la soie à un anneau représentant la forêt de Redwood. L’oeuvre s’appelle Cathedral (The Shrine of Trees, 6 Sisters and The Mother) parce que dans la plupart des forêts, il y a un arbre mère qui déploie ses grandes branches qui elles-mêmes en forment d’autres plus minces (les soeurs) pouvant atteindre le ciel. En raison de sa grande taille, l’arbre mère peut être frappé par la foudre. Il y a un fait naturel tout à fait intéressant, presque magique puisque qu’on ne peut pas vraiment expliquer pourquoi cela se produit mais, les six soeurs qui entourent l’arbre mort lui transmettent leur propre glucose pour le garder en vie et cela peut durer des années. On parle de photosynthèse. Il n’y a pas vraiment de raison écologique ni biologique, c’est un mystère. Cela provient éventuellement d’un acte emphatique ou bienveillant.
- J’imagine que vous avez lu La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben..
- Oui j’ai adoré ce livre. Tout au long de ma vie d’artiste, j’ai continué à faire de la recherche sur la botanique. Je m’intéresse de multiples façons à des sujets très divers. Il y a plus d’interprétations poétiques dans mon approche mais je me suis également intéressée à la physique et à la chimie. Je crois que l’on doit être suffisamment ouvert et « multi-facette » lorsque l’on commence à imaginer quelque chose qui peut-être à la fois métaphorique, poétique mais, également qui doit être perçu comme une interaction avec la nature à travers laquelle nous sommes devenus observateurs.
La vocation de Miya Ando : « En tant qu’artiste, mon rôle est de rapporter quelque chose de cette nature et l’exposer dans son nouveau contexte qu’est celui de la galerie ou du musée. Dans ces endroits, le public doit pouvoir vivre une expérience de nature et cette expérience doit se faire par le corps pour que cela devienne effectif. Evidemment, cela est à distinguer de l’expérience particulière du promeneur dans la forêt. La soie suspendue représentant la forêt est comme un rêve, comme un voile de quelque chose qui est là ou pas, peut-être un souvenir… Vous savez, quand j’ai pensé cette expérience artistique et les idées que je souhaitais partager, j’ai voulu inviter le public à expérimenter cet espace car tout le monde a une mère. »
L’influence du Japon et de sa culture zen dans l’art de Miya Ando : « J’ai passé la plupart de mon enfance dans un temple bouddhiste et j’ai le souvenir de ma grand-mère allant dehors pour choisir un élément qui représentait le moment exact correspondant à la saison. C’est un dialogue entre l’extérieur et l’intérieur. Il y a cette belle idée très présente au Japon qui consiste à vouloir prendre quelque chose de l’extérieur, quelque chose de naturel pour ensuite le rapporter à l’intérieur, chez soi. Une fleur peut à elle seule représenter une saison et cela m’inspire beaucoup. Lorsque j’observais ma grand-mère allant chercher une fleur sauvage pour la ramener à la maison cela devenait presque comme un secret. Cette tradition de respect envers la nature se ressent à travers mon approche artistique et philosophique et j’espère pouvoir l’honorer. Je tire mon vocabulaire de la nature et comme la fleur, je l’emmène à intérieur pour ensuite créer un moment de contemplation. Dans le temple de mon enfance, les chants nous aidaient à parvenir à un endroit sans pensées.
C’est un niveau élevé de conscience. On peut le pratiquer de manières différentes, par le chant, la méditation, le Zazen et je dirais que d’après mon expérience cette interaction avec les œuvres d’art peut être laïque et se transformer en expérience qui deviendrait profondément philosophique. C’est quelque chose d’important pour moi, ce moment méditatif parce que cela devient presque du vide. On retrouve cela dans la tradition bouddhique japonaise avec le « mu » qui signifie le rien tout en étant là. Cela ne veut pas dire que c’est parti, que cela nous est enlevé mais au contraire que c’est ouvert à tout et c’est là où cela devient une expérience transcendante. »
- L’art est médiation à la méditation… Pour revenir à vos œuvres, pouvez-vous nous parler des différents matériaux que vous utilisez, notamment le métal ?
- Oui, la plupart de mes œuvres sont faites de métal. La raison pour laquelle je continue à utiliser cette matière comme élément fondateur dans mon travail est parce qu’elle reflète la lumière d’une manière très intéressante. Face à une œuvre de métal pur, on découvre différentes nuances de lumière, selon la surface que l’on observe. Cette découverte est une expérience temporelle et comme ces rayons de lumière, le temps est éphémère.
Les feuilles de l’arbre de Bouddha : J’ai travaillé avec des feuilles réelles qui proviennent de l’arbre appelé « Bodhi tree » c’est-à-dire l’arbre du bouddha. Cet arbre est lié au bouddha, car c’est sous ses branches qu’il a trouvé l’illumination. Ces feuilles sont aussi délicates que résistantes et c’est sur ce paradoxe que j’ai appréhendé cette œuvre. Ce médium paraît très fragile, délicat comme de la dentelle. Si vous vous promenez dans la forêt, un parc ou bien même un jardin, vous verrez ces feuilles tomber au sol et redevenir morceaux de dentelle pour ensuite se dégrader. Je m’intéresse à la structure vasculaire des feuilles puisqu’elle rentre en résonance avec notre propre organisation corporelle. On parle d’interconnectivité, nous faisons partie de ce système. Ces feuilles ont donc été utilisées pour une commande dans un hôpital. Suspendues au plafond, celles-ci se meuvent sur le rythme du vent qui se faufile par les portes d’entrée. On retrouve cette pensée dont nous parlions précédemment du dehors qui se retrouve au-dedans, cette idée de nature. Je crois que c’est d’autant plus apprécié dans un hôpital, car nous faisons face à la mort et à la naissance. L’utilisation du médium naturel me paraissait correspondre en tous points. Le mouvement des feuilles mues par le vent créé un sentiment de tranquillité et de paix. Parfois le médium utilisé peut être tout autre, comme le bois ou bien le verre, selon le projet.
- Quelles sont vos prochaines expositions ?
- Kumo (Clouds) à l’Université américaine au centre Katzen à Washington DC du 3 Avril au 27 Mai 2018
- Cathedral (The Shrine of Trees, 6 Sisters and The Mother) au Musée d’art et d’histoire de Lancaster en Californie
- Clouds au musée Noguchi à New York 25 avril 2018 au 19 août 2018.
Vous pourrez retrouver l’actualité de Miya Ando sur son site internet ici ou là !
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Elise Roche
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Publié le 22/05/2018, mis à jour le 27/06/2022