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Publié le 12/09/2018, mis à jour le 11/09/2022
Conseils écologiques
Comment changer le monde en 10 préceptes ?
L’exemple du mouvement de défense animale
Alors que nous publions l’appel pour retrouver nos coquelicots, la synchronicité veut que nous vous présentions également un homme, un militant américano-belge pour les droits des animaux, Henry Spira (1927-1998). Celui grâce auquel les multinationales telles que l’Oréal, Avon ou encore Revlon ont définitivement arrêté de tester leurs produits sur les animaux.
Né à Bruxelles, ce fils d’un bijoutier fut contraint de fuir l’Europe pour échapper aux rafles nazies. Esprit libre en poche, il plia bagages à 16 ans de la maison parentale pour aller s’enrôler dans la marine marchande.
Ainsi, il commence alors ses débuts de militantisme en défendant les droits des marins. Puis, après ses collègues, Henry Spira soutiendra aux États Unis également la cause des Afro-américains victimes de ségrégation.
Enfin, plus tard, devenu professeur, il se sensibilise et agit pour la cause des animaux, estimant que les premiers exploités, ce sont eux.
Henry Spira et le militantisme pour la libération animale
Deux dates clé ornent ses victoires. En 1976, il remporte son premier combat pour la défense des droits des animaux contre le American Museum of Natural History en mettant fin à leurs études sur le comportement sexuel de chats mutilés.
En 1980, il met fin aux tests du Draize sur les animaux pratiqués par les fabricants de cosmétiques comme l’entreprise Revlon. en effet, le test toxicologique de Draize consistait à vérifier la dangerosité d’un produit en l’injectant dans les yeux des lapins sans anesthésie.
Ainsi, en plus de la souffrance infligée, les lapins devenaient tous aveugles. Par la suite, Henry Spira s’intéresse au sort des animaux des fermes-usines en mettant fin à d’odieuses pratiques comme le hissage des bovins par la patte arrière (l’animal se retrouve la tête en bas, balancé dans le vide), ou le marquage au fer au rouge sur leur visage.
Ainsi, c’est en évoluant dans le milieu du militantisme pour la cause animale et la fin des tests sur les animaux qu’il croisera Peter Singer, un professeur de philosophie extrêmement réputé au sein des défenseurs de la cause. Celui-ci est impressionné par les exploits d’Henry Spira, d’autant plus que ce dernier agit seul. Comme il le raconte :
« Henry n’a pas eu besoin de beaucoup d’argent ni du soutien d’une vaste organisation. Il s’est appuyé sur les enseignements tirés de quatre décennies à travailler aux côtés des faibles, et des exploités, à s’inspirer d’autres stratégies ayant fait leurs preuves et à les reproduire. »
C’est pourquoi, Peter Singer à compilé les 10 préceptes de développement personnel d’Henry Spira qui fond aboutir les causes du militantisme.
Construire un monde meilleur c’est développer son esprit critique
1. Restez ancré dans la réalité/Gardez les pieds sur terre.
Essayez de comprendre l’état actuel de l’opinion publique et la direction dans laquelle vous pourriez l’emmener demain. Poussez la porte d’une association ou d’un local d’un parti politique, et vous respirerez un air d’ « entre-soi ». On sait déjà que tout le monde pense la même chose, à quelques détails près. Pour réellement savoir ce que pense l’opinion publique, la première règle est d’éviter la consanguinité intellectuelle.
Pour cela, il faut aller parler du sujet qui nous tient à cœur à notre voisin pallier, au facteur ou au boulanger. Ainsi, Henry Spira passait une grande partie de son temps à discuter avec la personne assise à côté de lui dans le bus ou dans le train.
Ainsi, Concernant la cause des animaux, il tâchait de cerner si son voisin faisait preuve d’empathie, d’indifférence, ce qui le marquait le plus dans cette question. Bref il s’agit de sonder l’esprit des uns et des autres, et c’est essentiel, parce que si vous ne savez pas ce que les gens pensent de votre cause, vous ne pourrez pas vous positionner de façon efficace.
2. Choisissez votre cible
En effet, choisissez la en vous basant sur sa vulnérabilité à l’opinion publique, l’intensité de la souffrance causée et les possibilités de changement.Une bonne cible d’attaque se reconnaît quand elle embrasse l’opinion du plus grand nombre. Mais aussi quand vous mettez votre adversaire sur la défensive rien qu’en énonçant le problème.
Concernant son combat pour les animaux, Henry Spira s’est d’abord tourné vers les chats mutilés du American Museum of Natural History. Ces petits félins ont toujours eu une place particulière dans le cœur et la vie des hommes. A la question : « voulez-vous que vos impôts servent à financer la mutilation de chats pour observer leur vie sexuelle ? », Henry Spira savait qu’il allait provoquer des réactions allant dans son sens.
3. Fixez-vous des objectifs réalisables.
Tout changement majeur survient par étapes. La sensibilisation ne suffit pas . Pour certains militants, faire des compromis revient à renoncer, et donc à subir une défaite. Une telle réflexion manque de maturité.
Le changement du tout au rien, en un claquement doigt n’est pas possible : évoluer demande toujours du temps. Henry Spira a pour mantra suivant :
« faisons ce que nous pouvons aujourd’hui, et faisons plus demain. »
4. Trouvez des sources crédibles d’information et de documentation.
Ne présupposez rien. Ne trompez jamais les médias et les citoyens. Maintenez votre crédibilité, n’exagérez pas le problème, n’en faites pas un phénomène de mode.
La crédibilité est le socle de tout. Rassembler des informations et vérifier leurs sources sont donc deux conditions sine qua none.
Henry Spira l’avait déjà observé auprès d’autres associations de défense des animaux qui, pour mieux solliciter leur auditoire, n’hésitaient pas à grossir le trait sur la souffrance infligée aux animaux, omettant ainsi de signaler qu’ils étaient anesthésiés, quand c’était effectivement le cas. Une fois que cela s’est su, ces associations ont aussitôt disparu.
Faire une erreur peut arriver, mais omettre une vérité ou mentir délibérément n’est pas excusé. C’est son propre combat que l’on sabote.
Changer le monde c’est s’ouvrir à la réalité de l’autre
5. Ne divisez pas le monde entre les saints d’un côté et les pêcheurs de l’autre.
Ce n’est pas en insultant la partie adversaire que vous avancerez.
Pour Henry Spira, il est important de se mettre à la place de l’autre.
Comme il le raconte à Peter Singer : « Si j’étais cette personne, qu’est ce qui pourrait me faire changer de comportement ? Si vous les accusez d’être une bande de connards sadiques, ces gens ne vont pas se dire : Tiens, qu’est-ce que je pourrais faire différemment pour leur faire plaisir ?
Ce n’est pas ainsi que ça passe dans la vraie vie. » Les propos d’Henry Spira ne sont ni plus ni moins que du bon sens. Ne pas diaboliser l’autre et nous éviter de tomber dans les préjugés.
Ainsi, une bonne stratégie est toujours celle de la main tendue vers l’autre.
6. Recherchez le dialogue
Essayez de travailler ensemble à résoudre des problèmes. Voyez chaque dossier comme un problème avec des solutions. Le meilleur moyen d’y parvenir est de présenter des substituts réalistes. Que cela soit pour s’adresser au fabricant de produits cosmétiques, ou à un abattoir, Henry Spira suit toujours le même process pour commencer une campagne : écrire une lettre courtoise à la partie adverse en l’invitant à discuter de l’objet de sa demande afin de trouver une solution convenant à chacun.
L’empathie est l’une des clés d’Henry Spira, comme le rapporte Peter Singer : « La plus grande partie de son temps, Henry s’interroge sur la façon dont l’entreprise ou la personne contactée pourrait réaliser ses objectifs tout en éliminant, ou en réduisant drastiquement la souffrance qui l’accompagne ».
Ainsi notre militant aura proposé à des fabricants de cosmétiques comme Revlon de financer des recherches pour trouver un nouveau test oculaire en remplacement de celui de Draize utilisé sur des lapins.
7. Soyez prêt à la confrontation
Si la cible ne réagit pas. Si les voies conventionnelles ne fonctionnent pas, préparez une campagne de sensibilisation graduelle pour mettre votre adversaire sur la défense. La confrontation selon Henry Spira porte son nom : la théorie du tube de dentifrice.
Plus le tube est bouché, plus on le presse. Si les multinationales décident de se boucher les oreilles, H. Spira les pressera par une campagne de sensibilisation.
Ses outils principaux étant les médias et les manifestations.
Il avait pour habitude de commencer par un article dans un grand magazine comme le New York Times avec un titre et une photo choc, suivie d’une manifestation suffisamment importante pour intéresser les médias nationaux. Ce n’est qu’ainsi que les multinationales retrouvaient l’ouïe.
8. Evitez la bureaucratie
Pour avoir fréquenté un certain nombre d’associations, Henry Spira parle d’expérience. Une fois que les associations se « bureaucratisent », elles perdent 80% de leur temps à cajoler les egos et à chercher des ressources afin de faire fonctionner leur organisation.
Leur combat ou revendication passant ainsi au second plan. De son côté, Henry Spira travaille lui, seul. Son association Animal Rights International n’a aucun membre.
Son conseil d’administration est représenté par des amis proches, et il a eu de la chance de trouver deux Mécènes qui le soutiennent parce qu’ils aiment voir leur argent servir un but avec des résultats concrets.
Mais si de votre côté, travailler seul n’est pas votre tasse de thé, limitez-vous à deux ou trois personnes.
9. Ne partez pas du principe que seules la législation ou l’action en justice peuvent résoudre le problème.
S’il y a des situations où la justice et la législation font effectivement avancer les choses, pour Henry Spira, cela reste des exceptions.
Son intime conviction est que :
les lois sont établies pour garder un semblant de stabilité, non pour faire évoluer les choses.
La preuve étant, quand les lois sont changées, ce n’est pas par vision, mais pour répondre à l’urgence d’un évènement qui aura troublé l’opinion publique.
Enfin, pour Henry Spira, mettre un pied dans la législation, c’est voir son combat se politiser, et subir les « jacasseries politiques » qui prennent du temps et ne mènent à aucune action.
10. Posez-vous la question : est-ce que ça va marcher ?
Revoyez une dernière fois votre plan de bataille, et veillez à ce qu’il ait tous les préceptes de la stratégie de la cacahuète que nous avons vu :
- Garder un lien avec l’opinion publique
- Choisir une cible
- Définir un objectif atteignable
- Maintenir votre crédibilité
- Proposer des solutions de rechange
- Etre prêt à parler avec vos adversaires, ou à leur face
Cette stratégie n’oublie aucun élément et prend aussi bien en compte les besoins de la partie adverse ainsi que la réalité et la légitimité de sa propre demande à faire évoluer les choses.
Pour aller plus loin : Peter Singer, La théorie du tube de dentifrice, Goutte d’or, 2018
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