L’interconnexion, la voie pour éviter l’effondrement écologique
Publié le 10/09/2019, mis à jour le 05/11/2024
Conseils philosophiques
L’interconnexion, la voie pour éviter l’effondrement écologique
4 min de lecture
L’appel du Karmapa, Orgyèn Trinley Dorjé
Qui est le Karmapa ?
Le Karmapa signifie « celui qui accomplit l’activité des bouddhas », et représente le chef spirituel d’une des principales écoles du bouddhisme tibétain. Le 1er Karmapa est né au début du XIIème siècle, et s’est réincarné jusqu’à nos jours pour continuer à guider son peuple. Aujourd’hui, celui qui s’est réincarné pour la 17ème fois sous le nom d’Orgyèn Trinley Dorjé et le potentile successeur du Dalaï-Lama a décidé de s’adresser à nous, Occidentaux, pour nous parler d’interconnexion dans son dernier ouvrage « Interconnectés. Réenchanter le monde ».
Un mot plutôt technique pour désigner une idée toute simple : nous ne faisons qu’un.
Le Karmapa : conscience, ouvre toi !
Pourquoi nous interpeller sur l’interconnexion ? Devant les enjeux écologiques qui concernent tout le monde, le Karmapa estime qu’il est plus qu’urgent que nous prenions conscience de notre interconnexion, et de voir plus large. Les frontières dessinées par les aléas de l’Histoire n’enlèvent rien au fait que l’écosystème les ignorera royalement. La montée des eaux, le climat déréglé et les océans pollués vont impacter tout le monde. Selon le Karmapa, si le XXIème siècle ne devient pas le siècle du Partage, il est certain que les temps seront brutaux.
« Le but de ce livre est d’apaiser notre esprit pour réfléchir avec lucidité et prudence à la direction que nous avons prise. Nous ne pouvons pas continuer indéfiniment. Il a été démontré que ce mode de vie n’est plus tenable ou durable. Nous sommes de plus en plus conscients de la nécessité d’un changement. »
Le changement selon le Karmapa commence en remettant en question nos vieilles habitudes de comparaison et de compétition. Et il nous invite à changer drastiquement de paradigme en passant de « moi, je » au « nous ».
Mais accepter de changer de vision, et de conviction, dans son for intérieur, n’est pas chose naturelle. Pour qu’un basculement s’opère, nous avons besoin de données et d’informations suffisamment fortes dans leur contenu pour nous obliger à revoir nos anciennes croyances. Et justement les dernières connaissances scientifiques tendent à nous éclairer.
L’interdépendance, la 1ère loi de notre monde.
Tout est lié
Nous vivons dans un environnement interdépendant. En effet, la science sait qu'un écosystème vie et se développe grâce aux partenariats entre les différents éléments qui la compose. Prenons l'exemple des animaux, corbeaux et les loups ont survécu ensemble parce que les uns voyaient de loin et les autres avaient des canines solides. Nous-mêmes, les bipèdes au gros cerveau, nous participons à cette interdépendance. Très schématiquement, nous expirons du dioxyde de carbone que les arbres et les plantes absorbent pour produire de l’oxygène que nous inspirons à notre tour. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux.
Savoir n’est pas vouloir
L’interdépendance se manifeste aussi dans les activités humaines. Les économistes l’appliquent au commerce international et les théoriciens sociaux s’en servent pour détailler les systèmes qui reproduisent l’injustice raciale et sexuelle.
Cette interdépendance sous-entend que nos choix individuels ne limitent pas leur portée à notre seule personne. Ils impactent beaucoup plus de monde que l’on ne pense. Le Karmapa prend l’exemple du commerce international.
Quand nous achetons des vêtements fabriqués dans les pays du tiers monde, nous importons du confort pour nous-même, tout en exportant du malheur et de la souffrance ailleurs.
Cela, nous le savons déjà parfaitement, et passés les quelques instants de culpabilité, nous refocalisons notre intention sur nos propres besoins ou envies.
Ainsi, reconnaître intellectuellement l’existence de l’interdépendance dans les systèmes est une chose facile à faire. Mais savoir n’est pas vouloir. Notre grand défi n’est pas intellectuel, mais bien concret. En effet, comment passer de la théorie à la pratique et vivre l’interdépendance en pleine conscience ? Comment ressentir cette connexion aux autres (de mon voisin de palier au paysan chinois de la campagne de Lanzhou) ?
Comment vivre cette interconnexion ?
Les pièges de l’aversion et de l’attachement
Pour ressentir cette interconnexion, il faut prendre conscience de ce qui nous bloque. Pour le Karmapa il s’agit de l’aversion aux autres et de l’attachement exclusif à notre famille, culture, religion, idées politiques, etc. Ces deux états d’esprit convergent vers une logique de séparation en coupant le monde entre « eux et nous ».
Cultiver la curiosité et comprendre
Il est naturel d'être attaché à des idées, des membres de sa famille ou à sa culture. Ce qui devient préoccupant, en revanche, c’est quand on se coupe volontairement des autres cultures et histoires, parce qu’elles ne présentent pas d’intérêt à nos yeux.
Nous devrions davantage cultiver la curiosité. Loin d’être un vilain défaut, elle est une magnifique qualité qui nous ouvre l’esprit et développe notre intelligence. Sans la curiosité, nous en serions encore à l’âge de pierre.
Ressentir avec les autres
L’Histoire révèle, par ailleurs, que le progrès n’est pas uniquement technique. Nous avons aussi progressé en tant qu’humanité. En témoignent les droits sociaux acquis, l’abolition de l’esclavage et ou les droits des femmes. Ces combats ont pris naissance quand plusieurs personnes ont pris conscience qu’en dépit de nos différences physiques, de peau, de langue et de mentalité, nous étions tous égaux. Egaux dans notre désir fondamental de fuir la souffrance et de rechercher le bonheur sans que cela nécessite de partir en guerre contre les autres.
Mais pour que l’égalité ne soit plus un principe abstrait auquel nous n’adhérons que verbalement, nous devons prendre de nouvelles habitudes. Et nos émotions jouent là un rôle prédominant. La plus puissante d'entres-elles étant l’empathie. Cette dernière nous aide à entrer en connexion avec les autres à un niveau plus profond.
La technique bouddhiste pour cultiver la compassion selon le Karmapa
L’une des techniques bouddhistes pour cultiver la compassion nous encourage à ressentir que chaque personne est une mère pour nous. Dans le bouddhisme tibétain, cette méthode consiste à penser que chaque personne a été notre mère dans une vie ou dans une autre. Bien sûr, cela fonctionne mieux pour ceux qui croient à la réincarnation.
Mais quelle que soit la forme de croyance choisie, pour que la compassion passe de la pensée au ressenti et du ressenti à l’action, il faudra se doter de courage et de sagesse. En définitive, il va nous falloir devenir des chevaliers pour balayer le cynisme et déjouer le bug humain.
Source : Le Karmapa Orygèn Trinley Dorjé, « Interconnectés. Réenchanter le monde ensemble », Massot Editions, 2019
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