Pour bon nombre d’entre nous, l’amour est aussi important que difficile. Il est surtout vital. Les débuts de vie, ainsi que l’épanouissement et l’organisation la personnalité future adulte dépendent entièrement de l’attention et de l’amour des parents.
Mais comment aimer est-il possible quand on grandit sur une scène où la violence est naturelle et instinctive ? Comment aimer inconditionnellement dans une société essentiellement tournée vers l’argent et dans laquelle le choix proposé aux individus est toujours fonction d’un gain quelconque ou d’un lien de réciprocité ?
De fait, si tout le monde aime, bien aimer s’apprend comme le démontre et nous l’apprend Blanche de Richemont, aventurière, écrivaine et auteure de « Amours Inconditionnelles » (L’Observatoire, 2021).
L’état d’esprit amoureux
Dans votre livre, vous citez cette phrase qui appartient à Simone Veil : « l’amour que j’ai pour l’autre ne dépend pas de son amour pour lui. » Qu’est-ce que l’amour inconditionnel et pourquoi c’est important ?
BdR : L’amour inconditionnel c’est aimer sans rien attendre en retour, c’est parvenir à dire oui à ce qui nous arrive même si on est rejeté. Même si la vie nous tourne le dos. Même si on ne comprend pas. C’est un amour qui élève, donne des ailes, ne retient pas et dit : « ta réalisation et ta joie passent avant la mienne ».
C’est un état d’esprit terriblement difficile, comment fait-on ?
BdR : Un rescapé d’un camp de concentration s’est posé cette question qui m’a longtemps obsédée : « qu’est ce qui reste d’une vie quand tout est dévasté ? ». J’ai découvert que la réponse est simple et unique : c’est l’amour.
Une fois que l’on a ressenti cette réponse dans son cœur et son ventre, alors toute notre vie change car on agit en fonction d’un nouvel axe qui est : « comment faire pour grandir chaque jour en amour ? » Pas seulement dans l’amour maternel ou spirituel, mais au cœur de nos vies quotidiennes. N’étant pas des saints, c’est impossible d’incarner cet amour tous les jours. En revanche, plus on le vit, plus notre vie grandit.
Comment se vit l’amour inconditionnel dans le couple ?
Vous écrivez : « l’homme ou la femme dont tu rêves n’existe pas. Cesse de rêver, apprends à aimer. » Comment se vit concrètement l’amour inconditionnel dans le couple ?
BdR : L’amour dans le couple est le plus difficile, parce qu’il nous confronte à une parcelle très intime et secrète de nous. Cependant, l’amour inconditionnel est très simple : il s’agit, chaque jour, d’essayer de faire grandir l’autre, d’être à l’écoute, dans le cœur et de grandir ensemble. C’est une façon de devenir un disciple de tout ce qui nous arrive et non pas une victime. La problématique, c’est qu’il faut être deux dans ce désir d’avancer ensemble.
Si on est seul, on peut apprendre à aimer l’autre inconditionnellement avec ce qu’il est. L’amour inconditionnel c’est peut-être « aimer quand même ». Si on n’y arrive pas, on doit partir. Même dans la rupture il y a une façon d’aimer l’autre autrement.
Vous avez des exemples à nous donner d’amour inconditionnel ?
BdR : A mon sens, pour que cet amour soit possible, les deux personnes doivent avoir une aspiration qui les dépasse. L’amour ou le désir seuls ne marchent pas, il faut un idéal, un rêve, une passion, une foi. Une transcendance commune, qui fait que quand le cœur est un peu moins vibrant pour l’autre, quand le corps désire un peu moins, on se retrouve à un autre niveau.
Je donne un exemple dans mon livre qui est « L’absolu vécu à deux » de Jacques de Bourbon Busset.
Quelle est la condition pour s’ouvrir à l’amour inconditionnel ?
Extrait des Amours Inconditionnelles
« Notre amour pour nous-mêmes ne peut pas dépendre du regard de l’autre. Non seulement car il a ses hauts et ses bas avant de s’enfuir parfois, mais aussi parce qu’on fait peser sur lui une responsabilité trop lourde. Sans toi je ne suis rien, je n’existe que dans tes yeux. On croit qu’il s’agit là d’une déclaration d’amour, mais c’est une déclaration d’égoïsme.
Sois pour toi-même l’être dont tu rêves et laisse-toi aimer. Personne n’est là pour combler ces failles en toi. Parmi les formes d’amour qui existe, celle que l’on porte à soi-même est sans doute la plus difficile. Elle est pourtant centrale.
En étant persuadé de ne pas mériter l’amour, nous passons à côté de lui. Nous réalisons alors nos peurs les plus profondes.
Je l’ai compris en Inde auprès de Vijayananda, cet ascète qui a transformé ma vie. Un jour […] il m’a prise dans ses bras. C’était une grâce immense, jamais son disciple ne l’avait vu faire ça. Mais moi, au lieu de recevoir cette grâce et de me baigner en elle, je me répétais « je ne mérite pas ce geste ».
Cette pensée n’était pas seulement un manque d’amour pour moi, mais surtout pour lui. Pourquoi juger ses actes ? Pourquoi commenter, limiter, restreindre ce qu’il m’offre avant tant de cœur ? […] J’aimerais cesser de chercher à mériter quoi que ce soit. Ne pas me poser de questions car aimer suffit. Donner de l’amour est le plus puissant remède aux fêlures. Donner sans compter, sans retenir, sans comparer. Et donner pour ouvrir son cœur blessé et devenir un baume. »
[Extrait entier dans le podcast]
L’amour non-négociable
Ceci est un extrait de votre livre, pourquoi avoir choisi de partager cet extrait de votre livre avec nous ?
BdR : Je l’ai choisi parce qu’il est vain de parler d’amour tant qu’on ne parle pas d’amour pour soi. Si on ne s’aime pas, tous nos amours sont le refuge de nos névroses, de nos peurs et de nos manques.
Dans le couple, nous sommes trop souvent dans un rapport de besoin, où l’on s’enferme les uns les autres. S’aimer c’est semer, il faut donc d’abord partir de soi pour pouvoir être un soleil pour les autres.
Comment donner du sens à sa vie grâce à l'amour inconditionnel ?
Rendre les rêves possibles
Quelle enfant étiez-vous ?
BdR : J’étais une enfant très joyeuse. Dès 6 ans, j’avais décidé de vouer ma vie à mes rêves qui étaient de devenir comédienne et de partir en Egypte. A 11 ans, j’avais ouvert un compte en banque pour financer mon voyage en Egypte. J’avais compris très tôt qu’il fallait rendre nos rêves possibles, et pas juste les rêver.
Vous en êtes où aujourd’hui dans la réalisation de ces rêves ?
BdR : Je vis chaque jour mon rêve parce que je passe ma vie à écrire sur des thèmes qui me passionnent et je traverse la France pour donner des conférences sur la joie et l’amour inconditionnel.
En quoi croyez-vous ?
BdR : Je crois en Dieu. J’ai cessé d’y croire à 21 ans, quand mon petit frère de 15 ans a décidé de quitter la vie. J’étais déjà dans le désert, ce qui est une forme de foi car c’est une terre baignée de mystère, vide de nature mais pleine d’invisible. Je me suis réconciliée avec le catholicisme en Inde, quand un sage m’a dit cette phrase merveilleuse, « Blanche, que ce soit Dieu, le mystère, la vie, l’univers, l’invisible, tout ça c’est pareil, mettez le nom que vous voulez. »
Vous avez parcouru le monde. Comment vous conciliez cet amour de l’aventure, du silence que vous mettez très en avant dans votre ouvrage avec votre vie de famille ?
BdR : J’ai emmené mes enfants marcher dans le désert, je vis le silence tous les jours parce qu’une fois qu’ils sont couchés, je passe beaucoup de mes soirées en silence. En tant que maman, j’apprends l’amour inconditionnel tous les jours avec mes enfants, c’est grâce à eux que j’ai écrit ce livre.
« ne juge pas, aime »
En finir avec l’errance
Quel est votre mantra ?
BdR : Cela dépend des jours, des périodes. En ce moment, c’est « ne juge pas, aime » et « la lumière ne force pas ».
Qu’est-ce qui vous inspire ou vous émeut ?
BdR : C’est la vie sous toutes ses formes : le soleil qui se lève, les chants d’oiseaux, les rires et larmes de mes enfants, le sourire du mendiant dans ma rue qui boit de la bière du matin au soir, et qui est toujours de bonne humeur. Grâce au désert, à la souffrance et au silence, j’ai appris à voir. J’essaie de ne pas enfermer la vie dans des cases et de me laisser cueillir par elle. Cela fonctionne, je trouve chaque jour magique.
« A chaque instant, là où tu es, c’est ici que commence le voyage, n’attend pas de circonstance favorable, c’est maintenant. » dixit Ma Anandamayi
Qu’est-ce qui vous effraie aujourd’hui ?
BdR : Le manque de foi, de rêve, d’amour et de courage. Il y a une errance globale du sens dans notre société. Or, on a besoin de mettre du sens dans ce qu’on fait, dans ce qu’on est, dans ce qui porte notre vie.
« Dans le désert, suivre l’étoile permet d’avoir une direction, et tout change parce qu’on est un marcheur et non plus un errant. »
Comment voyez-vous l’avenir ?
BdR : Aucune idée ! J’ai la sensation que faire chaque jour de notre mieux et donner le meilleur de soi, suffit. Après, ce n’est plus entre nos mains.
Si vous aviez une dernière prière à faire au ciel, quelle serait-elle ?
BdR : Apprend moi à donner, à aimer sans juger, à être l’écho du silence, à être une main tendue jusqu’à la fin de ma vie.
Article rédigé à partir des propos de Blanche de Richemont recueillis par Amal Dadolle
Must read : Amours inconditionnelles_Blanche de Richemont aux éditions de l'Observatoire
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