Que cela soit au boulot, dans le métro – et même au dodo ! – nous passons notre temps à essayer de lire dans les pensées des autres.
Certaines personnes semblent particulièrement douées à cela, tel quelqu’un qui sait détecter un manipulateur en quelques secondes ou une infirmière qui, en un seul regard, va savoir exactement ce dont son patient a besoin. C’est comme si ces personnes arrivaient à se mettre dans la tête de l’autre. Littéralement.
Sont-elles dotées de pouvoirs magiques ou d’une boule de cristal ?… Ou bien serions-nous tous capables de développer cette capacité de lire dans les pensées des autres ?
Ce que le jeu du Shifumi peut nous apprendre sur le sujet
Prenons le jeu pierre/feuille/ciseaux, aussi appelé Shifumi. A première vue, ce jeu nous parait être un jeu de pure chance. Et pourtant, il existe des personnes qui gagnent et gagnent, à répétition. Il existe même un champion du monde de Shifumi !…
Comment font-ils pour lire dans les pensées de l’autre ?
S’ils gagnent, selon eux, ce n’est pas du tout une histoire de chance (ou de magie !), c’est une histoire de tactique, de pratique mais aussi de lecture de leurs adversaires.
Tels des mentalistes, ces joueurs se sont entraînés à lire leurs adversaires de manière très précise. Ils vont être capables de capter les moindres indices pouvant les éclairer sur le choix à venir de l’adversaire : les gestes, expressions faciales, émotions, voire même d’autres caractéristiques telles que la culture, le sexe de l’adversaire ou leur niveau d’expertise du jeu qui, eux aussi, influencent le choix. A force d’entrainement, le cerveau des joueurs enregistre les ‘combinaisons gagnantes’ d’une part, et d’autre part, il devient de plus en plus sensible à la détection rapide de ces indices non-verbaux.
Et quand bien même on penserait ne pas être doué à capter ces indices non-verbaux, notre cerveau, lui, a déjà une longueur d’avance sur nous.
Notre cerveau est programmé pour pouvoir lire les autres…
Dès l’âge de 10 semaines, nous sommes capables de capter et imiter les émotions d’autrui. Il suffit de mettre un bébé à proximité d’un autre bébé qui pleure pour que très vite, le bébé capte la détresse de son voisin et imite son comportement.
Ce mécanisme de résonance émotionnelle et d’imitation est involontaire, inconscient et contribue à notre capacité de lire les autres.
Regardez l’image ci-dessous :
Qu’est-ce que cela vous fait de voir cette personne croquer dans le citron et faire cette grimace ?
Une grande partie d’entre nous allons nous aussi faire la grimace, ne serait-ce qu’une micro grimace inconsciente. Nous allons peut-être même aussi imaginer l’acidité du citron et saliver.
Cette capacité d’imitation involontaire est due à nos circuits neuronaux d’empathie .
Brainy Stuff – L’empathie : au-delà du buzz critiqué des neurones miroirs
L’empathie est notre capacité à reconnaître, ressentir, voire imiter les émotions d’autrui (empathie affective) et à comprendre leurs intentions, croyances et désirs (empathie cognitive).
Décrypter les mécanismes neuronaux de l’empathie est une affaire titanesque. Du coup, la communauté scientifique s’adonne à de ‘joyeux’ débats. Certains scientifiques accordent beaucoup d’importance aux neurones miroirs – des neurones qui s’activent aussi bien lorsque l’on fait un geste, que si l’on observe ou imagine quelqu’un faire ce geste (pour en savoir plus, voir la vidéo de Vilayura Ramachandran, dans cet article ). Pour d’autres, ce concept de neurones miroirs est bien trop simpliste, pas encore suffisamment exploré, et n’explique pas la totalité des mécanismes de l’empathie.
L’empathie : une clé pour lire les autres
Le simple fait d’observer quelqu’un faire une action que l’on reconnait, active dans notre cerveau (en partie) les mêmes circuits neuronaux que si nous faisions nous-mêmes cette action : les deux cerveaux se reflètent !
Notre cerveau est ainsi capable de lire les gestes et actions d’autrui avant même, ou sans, que nous n’en soyons conscients et de nous les faire vivre (en partie) par procuration !
Mais l’empathie n’est pas juste une question de mimétisme des émotions ou actions de l’autre.
Par exemple, les fans de ‘croquage’ de citron n’auront peut-être pas fait la grimace en voyant la photo. Votre cerveau reconnait le ‘croquage’ de citron comme une expérience plaisante, qui vous amène à un sourire et non une grimace. Il va ainsi peut-être court-circuiter le mécanisme d’empathie affective qu’est l’imitation.
Cet exemple nous montre que l’empathie est un processus complexe et que notre cerveau évalue les situations auxquelles nous faisons face. Selon le contexte, nos expériences et croyances (entre autre), il va nous faire rentrer en résonance empathique avec l’autre, ou pas. Notre lecture de l’autre en deviendra ainsi plus ou moins juste.
Développer sa capacité d’empathie pour mieux lire les autres ?
Comme nous l’avons vu au travers du Shifumi : tel un muscle, notre capacité de résonnance empathique peut se développer avec de l’entrainement, grâce à la neuroplasticité – la capacité du cerveau à se développer (cf. cet article).
Plus facile à dire qu’à faire, c’est certain. Aussi les prochains articles se focaliseront sur les obstacles et les moyens de développer notre empathie. A très bientôt !