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Publié le 24/09/2019, mis à jour le 09/05/2023
Conseils écologiques
L’incroyable vie secrète des plantes
Tout ce que vous devriez savoir sur les plantes
Arbre et arbuste, fleur, liane et lierre, nous savons que les plantes sont merveilleuses. Elles nous nourrissent, nous rendent heureux, nous soignent grâce à leurs vertus médicinales , et si nous avons de l’oxygène, c’est encore grâce à elles. Bien conscients de leurs qualités, nous les avons longtemps considérées comme des « objets inanimés » voués à être des ressources exploitées par le génie humain.
Or, comme nous l’apprennent les dernières recherches sur le monde végétal de Stefano Mancuso, non seulement les plantes sont des organismes vivants, mais elles sont aussi capables de faire preuve de génie.
Professeur à l’université de Florence où il y dirige le Laboratoire international de neurobiologie végétale, Stefano Mancuso a connu, en 2013, une notoriété mondiale à la suite de son premier livre « L’intelligence des plantes » . Le New York Times l’avait fait entrer dans le club fermé des « world changers ». Et pour cause, ce que Mancuso nous apprend des plantes bouleverse toutes nos croyances.
Comment vivent et pensent les plantes ?
Le corps des plantes
Nous avons tendance à confondre le vivant avec le mouvement. Nous reconnaissons la vie dans les insectes, et les bêtes à poils et à plumes, qui volent, marchent, mais pas aux plantes qui restent inertes.
Et pourtant elles sont bien vivantes, mais contrairement aux animaux, elles mènent une vie de vrais sédentaires : elles vivent là où elles sont, « plantées » sur place, et ne bougeront jamais.
Comme tout ce qui est vivant, les plantes veulent échapper à la mort, alors pour survivre au mieux elles se sont adaptées à leur environnement.
Tandis que les fonctions de notre corps sont concentrées dans différents organes, celles des plantes sont réparties dans tout leur corps. Elles respirent, voient, analysent avec l’ensemble de leur corps.
Ce qui est bien pratique, car même si nous leur arrachons une feuille ou qu’elles subissent des incendies, elles ne perdent aucune de leur capacité.
Les plantes peuvent ainsi continuer à vivre. Mais ce n’est pas tout, une autre capacité dont elles sont capables est le mimétisme.
Le phénomène d’imitation
Pour survivre, certaines plantes pratiquent le phénomène d’imitation. Les orchidées sont très fortes à ce jeu, mais la championne connue à ce jour est la boquilla trifolatia. Il s’agit d’une liane qui vit dans les forêts tropicales du Chili et de l’Argentine.
Elle a la capacité extraordinaire de changer à volonté la forme, la taille et la couleur de ses feuilles en fonction de la proximité de tel ou tel végétal. Elle ne le fait pas pour la gloire, mais pour se cacher des prédateurs en se fondant dans le décor.
L’incroyable performance de la boquilla poussa Mancuso à s’interroger : comment faisait-elle pour savoir aussi vite quelle forme adopter ? La seule hypothèse valable étant que la plante pouvait voir son environnement.
Les plantes nous observent
L’idée que les plantes aient des yeux n’est pas si nouvelle que cela. En 1905, le botaniste Gottlieb Haberlandt fit connaître sa théorie des ocellis des plantes. Les ocelli étant des sortes de yeux primitifs que l’on retrouve chez beaucoup d’invertébrés. Les ocelli des plantes se trouveraient dans les cellules de leur épiderme. « Ces dernières sont en effet, très souvent, convexes comme des lentilles, et se prêteraient donc aisément à la transmission d’images sur la couche cellulaire sous-jacente. »
Mais la question de savoir si les plantes avaient la vue n’intéressait pas grand monde à l’époque. La théorie d’Haberlandt resta au placard, jusqu’en 2014, où une série de découvertes apportèrent de solides arguments allant dans son sens.
Si les plantes voient, réfléchissent, sentent, prennent des décisions, elles ont donc un cerveau : ses racines.
Les racines, l’intelligence des plantes
Alors que notre cerveau est concentré comme une grosse boule, le système nerveux des plantes s’étend aussi loin qu’il le peut. Il n’y a pas de tour de commandement, les racines sont autonomes et s’organisent en réseau.
« Quand on observe le comportement d’un appareil racinaire engagé dans l’exploration du sol, on s’aperçoit que, malgré l’absence d’un système nerveux central, son modèle de croissance n’a rien de chaotique, et qu’il manifeste au contraire une parfaite coordination ».
A travers ses racines, la plante peut tout connaître de son environnement, car elle perçoit à la fois :
Les informations chimiques : la lumière, la pesanteur, les éléments minéraux, l’humidité, la température, les stimuli mécaniques, la structure du sol, les compositions gazeuses de l’atmosphère (essentiellement de l’azote et de l’oxygène) , etc. ;
Les informations physiques : la proximité ou l’éloignement des autres végétaux, l’identité de chacune, ainsi que la présence de prédateurs, de symbiotes ou d’agents pathogènes.
Ainsi, les plantes sentent tout, tout le monde, tout le temps. Mais les plantes ne font pas que sentir. Munies des informations, elles agissent pour servir leurs buts : survivre, se multiplier et conquérir d’autres territoires.
L’intelligence des en action
Contre les menaces envahissantes, se doter d’une armée de fourmis
, Une autre stratégie des plantes pour se protéger des insectes et autres parasites, consiste à se doter d’une armée de fourmis et de s’assurer leur allégeance grâce à l’élaboration d’un nectar extrafloral.
Un liquide sucré à haute valeur énergétique contenant des centaines d’autres composants chimiques dont certains entraînent des phénomènes d’addiction.
Complétement accros à ce qui leur paraît être le nectar des dieux, les fourmis se transforment en fidèles et féroces Cerbère qui n’hésitent pas à aller s’attaquer à des insectes dix fois plus gros qu’elles ou à aller mordre les pattes des animaux pour les faire déguerpir.
Néanmoins, la survie n’est pas l’unique préoccupation des plantes, elles ont aussi des rêves d’ailleurs.
Voyager et conquérir de grands espaces grâce aux mammifères
Si les plantes pour nous des ressources (aliments, médicaments), l’inverse est aussi vrai. Les plantes vivent, se multiplient et comme nous, rêvent d’aller toujours plus loin. Mais comment faire quand on a le cerveau enraciné ? On fait voyager ses petits en s’aidant des transports qui passent près de soi : les insectes pollinisateurs (dont les indispensables abeilles) mais aussi les animaux et les humains.
Grâce à leurs racines qui les renseignent sur tout, les plantes savent que les humains et les animaux vont très loin. Elles savent également quand des entités humaines ou animales se présentent et choisissent le bon timing pour libérer leurs grains de pollen afin qu’ils s’accrochent dans les poils et vêtements.
Une autre tactique que certaines plantes ont trouvée pour voyager étant de plaire aux hommes en leur montrant ce qu’ils désirent, quitte à les tromper.
Profiter des activités humaines en rusant
Au début de l’agriculture, l’homme s’est confronté à de nombreuses espèces végétales. Il lui a fallu faire des choix dans les semences à planter et à cultiver. Il a sélectionné les types de plantes qu’il jugeait comme les meilleures : les plus grandes, plus grosses, plus jolies, plus résistantes, etc.
Comme l’homme voyage énormément, des cultures comme le blé, le riz et le maïs ont pu coloniser des espaces immenses.
Seulement, les autres espèces n’allaient pas se laisser faire aussi facilement. Pour survivre, certaines ont décidé d’imiter les plantes préférées des humains pour avoir les mêmes privilèges.
Certaines espèces sont mieux connues que d’autre pour leur prouesse d’imitateur afin d’acquérir les mêmes avantages. Parmi elles, la vesce commune grande imitatrice de la lentille
Le pouvoir d’imitation de la vesce
Cette plante particulière compte parmi les plus anciennes espèces cultivées par l’humanité. La vesce commune a besoin pour se développer du même type de sol et de climat que la lentille, dont elle a donc depuis toujours inévitablement tenté d’envahir les champs.
Pendant longtemps, cela n’a pas posé de problème : sa graine ronde, très différente de celle de la lentille, la rendait facile à reconnaître et à être arraché sans risque d’erreur.
Ce qui ne plaisait pas à la vesce commune. Génération après génération, elle a donc opéré sur ses graines les premiers changements pour la rendre plus similaire à la lentille.
Pour finir, elle leur a donné une forme, des dimensions et une couleur telles qu’il est devenu difficile de la distinguer. »
Il n’y a pas à dire, les plantes sont de sacrées petites filoutes, et au regard des problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés, nous avons peut-être beaucoup à apprendre d’elles.
Ce que l’humanité peut apprendre des plantes
Transformer l’air en eau
Dans les zones arides, les plantes savent transformer l’humidité de l’atmosphère en eau par condensation. Parmi les arbres fruitiers, il y a le figuier de Barbarie de la famille des cactacées, qui a fait l’objet d’études pour comprendre son mécanisme de condensation d’eau.
Ces connaissances ont notamment été utiles pour les architectes en quête d’inspiration et de connaissances techniques, pour créer de nouveaux immeubles autonomes en énergie.
A titre d’exemple, la tour de l’architecte Arturo Vittori, la Warka Water, a été conçue pour produire de l’eau par condensation de l’humidité atmosphérique.
A côté de l’eau, la sécurité alimentaire sera également une grande problématique à venir au cours du siècle.
Vivre d’eau salée
Le changement climatique a des conséquences catastrophiques pour l’agriculture, car l’élévation du niveau de la mer infiltre de l’eau salée dans les nappes phréatiques, et inonde les terrains côtiers.
Que nous dirait une plante ? Ne t’enfuis pas sur une autre planète, sois résilient . Adapte-toi aux conditions climatiques et à l’écosystème. Cultive une agriculture adaptée à des niveaux élevés de salinité.
Or, si une solution technologique n’a pas encore immergé, il s’avère qu’« un groupe de plantes ont surmonté d’elles-mêmes la difficulté. Appelées « halophytes » (halos, sel et phytos, plante), elles vivent dans des régions naturellement salées (déserts, zones côtières, lagunes saumâtres) où elles poussent et se reproduisent sur des terrains toxiques pour les autres.
Plusieurs d’entre elles étant comestibles pour l’homme et les animaux, leur domestication et leur introduction dans nos cultures permettraient d’exploiter des eaux d’irrigation saumâtres ou marines, et de rendre fertiles des littoraux ou des sols caractérisés par une forte salinité. »
En plus de faire évoluer nos repas, grâce à l’étude des différents processus d’adaptation morphologique, physiologiques et biochimiques des halophytes pour résister au sol, nous pourrions peut-être découvrir les moyens de doter les autres plantes de la même faculté.
De quoi retrouver un peu d’optimisme. Alors, l’avenir de l’humanité trouvera-t-il son salut grâce aux plantes ? C’est loin d’être un scénario improbable. D’ici là, une chose est sûre, conscients d’être entouré d’êtres vivants, nos ballades dans les bois et jardins botaniques ne seront plus jamais les mêmes.
Source : Stefano Mancuso, La révolution des plantes, Editions Albin Michel, 2019
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