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Publié le 13/04/2022, mis à jour le 24/07/2024
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Longévité : et si la vieillesse était une maladie dont on pouvait guérir?
En quoi la vieillesse serait-elle une maladie ?
De 1900 à nos jours, notre espérance de vie a pratiquement doublé, en passant de 45 ans à 79 ans pour les hommes, et à 85 ans pour les femmes.
Cette incroyable progression est loin d’être terminée, puisque nous pourrions encore gagner jusqu’à 30 % d’espérance de vie en plus, et en bonne santé.
La condition étant de penser la vieillesse non plus seulement comme un processus naturel, mais comme une maladie, à l’instar de Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l’Inserm et co-dirigeant de l’Institut de médecine régénératrice et de biothérapies au CHU de Montpellier.
A la suite de la parution de son livre « Guérir le vieillissement » (humenSciences), nous le recevons pour comprendre les mécanismes du vieillissement, ainsi que les processus pouvant permettre de le ralentir, voire de l’enrayer.
- Comment êtes-vous arrivé à envisager le vieillissement comme une maladie ?
- Jean-Marc Lemaitre : On s’est aperçu que toutes les pathologies liées à l’âge (diabètes, maladies cardiovasculaires, neurodégénératives, etc.) présentaient des dénominateurs communs. En s’attaquant à certains de ces dénominateurs communs, nous avons pu éradiquer ces pathologies. De fait, cela nous a amené à considérer la vieillesse comme la conséquence des maladies liées à l’âge, et qu’in fine, c’est elle qu’il faut traiter en allant au cœur de nos cellules.
- Quelles sont les causes du vieillissement ?
- Jean-Marc Lemaitre : Nous vieillissons parce que nos cellules vieillissent. Nous pouvons, aujourd’hui, observer ce vieillissement grâce à certains marqueurs. Pour faire simple, nous trouvons dans nos tissus, deux types de cellules avec chacune leur processus de vieillissement :
- Des cellules sénescentes qui s’accumulent avec l’âge, ou à la suite de différents stress.
- Des cellules qui s’altèrent et se déprogramment.
C’est à travers le traitement de ces cellules qu’il devient possible de guérir le vieillissement.
Comment soignerons-nous la vieillesse ?
Deux pistes pour une longévité en bonne santé : reprogrammer ou enrayer
- Comment envisagez-vous un traitement contre la vieillesse ?
- Jean-Marc Lemaitre : En partant des découvertes de M. Yamanaka (prix Nobel de physiologie et de médecine en 2012), nous avons développé une technologie pouvant rajeunir des cellules en les reprogrammant. Autrement dit, de produire des cellules qui sont au premier jour de leur vie. Nous avons testé cette technologie sur des souris, à qui on l’a fait gagner jusqu'à 30% de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans pathologies associées à la vieillesse.
En parallèle de cette piste centrée sur la reprogrammation, des laboratoires ont trouvé des molécules sénolytiques pouvant détruire les cellules sénescentes, faisant là aussi gagner 30 % de vie en bonne santé.
- Comment le vivant, notamment les animaux, ont-ils inspiré vos travaux ?
- Jean-Marc Lemaitre : Quand on s'intéresse à la nature, on se rend compte qu'elle a tout inventé. On y trouve des petits animaux immortels, qui ne présentent pas de signes de vieillissement et sont capables de se régénérer à l'infini.
Ces animaux possèdent différentes stratégies, mais toutes impliquent les cellules souches embryonnaires, capables de s’auto-renouveler à l'infini :
- La planaire, qui conserve à l'âge adulte des cellules souches embryonnaires pluripotentes et régénère les tissus à chaque fois qu’ils sont endommagés.
- L'hydre renouvelle sans cesse son corps avec des cellules souches. Ce qui explique pourquoi sa tête repousse quand on la coupe.
Que vive la télomérase
- Vous décrivez dans votre livre l’expérience d’Elisabeth Parrish, PDG du laboratoire AVIVA qui s’est injecté ce que vous appelez la protéine de l’immortalité, la télomérase pour ralentir la senescence de ses cellules. Qu’est-ce que la télomérase ?
- Jean-Marc Lemaitre : La télomérase est une enzyme qui rallonge le télomère, une petite séquence qui se trouve à l'extrémité de nos chromosomes. Quand cette extrémité devient trop courte, la cellule déclenche la sénescence. Avec l’âge, la télomérase s’éteint et ne peut donc plus protéger la cellule. Ainsi, en réintégrant cette enzyme, on retarde la sénescence.
Après une prise de sang, Elizabeth Parish a pu mesurer et constater que ses télomères correspondaient à ceux d'une personne beaucoup plus âgée qu'elle. Son âge biologique était supérieur à son âge chronologique.
Elle s’est donc injectée de la télomérase. Ses télomères se sont rallongés, correspondant à ceux d’une personne de 20-30 ans plus jeune qu’elle. Bien sûr, E. Parish ne va pas rajeunir, mais peut être va-t-elle retarder la sénescence de ces cellules. Il faudra attendre un certain temps pour pouvoir le vérifier.
- Aujourd'hui avec une prise de sang, on est donc capable de mesurer notre âge biologique ?
- Jean-Marc Lemaitre : On peut trouver dans le sang (notamment au niveau des cellules sanguines et protéines) des marqueurs dont le taux corrèle avec l'âge biologique de l'individu.
- Est-ce qu'il y a des manifestations physiques pour comprendre, ou ressentir, que son âge biologique est supérieur à son âge chronologique ?
- JML : C'est délicat de répondre parce que nous vieillissons tous à des vitesses différentes. Les gériatres s’appuient sur quelques critères comme la diminution de la force physique ou de la mobilité. Mais cela ne fait que refléter ce qu’il se passe dans nos cellules. Pour avoir une idée précise, il faut passer à une médecine moléculaire.
Comment, aujourd’hui, vieillir en bonne santé ?
- Comment la génétique et l’environnement influencent notre longévité ?
- JML : La génétique ne détermine que 30 % de notre longévité. Les 70 % autres étant dû à ce qu'on appelle l'épigénétique déterminé par le mode de vie et le régime alimentaire.
- « Pour allonger ta vie, réduis tes repas » vous empruntez cette expression à Benjamin Franklin, comment le jeûne ou la restriction alimentaire agit sur notre santé ?
- JML : La restriction alimentaire consiste à jeûner entre 12h et 16h. Ce jeûne intermittent stresse la cellule, qui enclenche des mécanismes protecteurs permettant à la fois de nettoyer nos cellules quand elles sont un peu endommagées ou de les rendre plus fonctionnelles.
Ce mode alimentaire découle de la théorie de l’hormèse, pour laquelle de petits stresses réguliers aboutissent à une plus forte résistance au grand stress.
- Comment pratiquer la théorie de l’hormèse ?
- JML : En sautant le repas de midi par exemple, ou en prenant des douches froides, qui activent des protéines de choc thermiques capables de restructurer ou de maintenir en bon état les protéines qui ont tendance à s'agréger et à altérer le fonctionnement de nos cellules. Alzheimer, par exemple, est dû à une agrégation de protéines.
- Vous décrivez également une expérience incluant des compléments alimentaires. De quoi s’agit-il ?
- JML : Certains compléments alimentaires miment la restriction calorique comme le resvératrol (une molécule que l’on trouve dans la peau de raison). Un collègue, David Sinclair, a démontré son action cellulaire protectrice.
Quels sont les obstacles au traitement de la vieillesse ?
En quête de financement et de souplesse
- Quels obstacles rencontrez-vous dans l’exercice de votre pratique ?
- JML : La recherche est un domaine qui coûte assez cher, et on pèche par manque de financements. Nous nous retrouvons donc vite limités dans ce que nous pourrions faire. Pourtant, il ne faut pas oublier que c’est par la recherche fondamentale que nait l'innovation.
- Rencontrez-vous ces freins dans les traitements du vieillissement ?
- JML : Aujourd'hui, il y a une prise de conscience sur l’intérêt de ces traitements. Cela reste malgré tout encore compliqué. Mais c’est sans commune mesure si on remonte à quelques années où c’était très compliqué de trouver des financements pour travailler sur le vieillissement. Nous ne trouvions des fonds que si nous travaillions sur une pathologie précise. Or, le cœur des pathologies, c'est le vieillissement.
- Au niveau sociétal, quels sont les enjeux du traitement du vieillissement ?
- JML : Même si la longévité de la population augmente, elle ne vieillit pas forcément en bonne santé. Il faut en prendre conscience dès maintenant, et mettre en place une médecine de prévention, qui suppose d’envisager de traiter des personnes pendant une dizaine d'années.
Quelques chiffres sur l’évolution du nombre de centenaires et des personnes atteintes d’Alzheimer suffisent à prendre conscience de ces enjeux :
- En 2022, la France compte 27000 centenaires. Ils seront plus de 150 000 en 2050.
- En 2022, on compte 900 000 personnes atteintes de démence type Alzheimer, on en comptera près de 2 100 000 en 2050.
Saurons-nous continuer à repousser la mort ?
« L'humanité est à un tournant de son histoire. L'homme a acquis la connaissance scientifique suffisante et développe les technologies qui vont lui permettre de contrôler sa biologie, voire la reconstruire. Il séquence la diversité des génomes et se dirige vers une médecine personnalisée dans laquelle la cellule deviendra un médicament. Il a compris pourquoi les cellules sénescentes sont un des constituants majeurs du vieillissement, et comment les éliminer. De même, la médecine régénératrice qui vise à régénérer les parties défaillantes de notre corps en raison de leur vieillissement est en marche grâce aux capacités exceptionnelles des cellules souches. […] La quête de l'immortalité fait partie de l'imaginaire humain depuis des siècles. Elle a animé de nombreux aventuriers de l'esprit, des savants ou des alchimistes, qui passèrent leur vie entière à la recherche de l'élixir de jouvence. […] En un siècle, l’homme a multiplié son espérance de vie par deux. Actuellement nous gagnons trois mois d’espérance de vie tous les ans, et on estime qu'une fille sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire. Allons-nous, au cours du XXIe siècle, suivre la même progression ? »
- Ce texte est un extrait de votre ouvrage, pourquoi avez-vous choisi de le partager ?
- JML : Parce qu'il expose toutes les pistes et les questionnements actuels.
- L’elixir de jouvence que vous promettez est-il comparable à l’élixir de l’immortalité ?
- JML : Non, on vieillira toujours. En fait, nous vieillirons jeunes et mourrons en bonne santé !
La science peut-elle nous faire actuellement plus beau cadeau que ces années de jeunesse supplémentaires ?
Sans compter les défis politique et social qui se poseront inévitablement, souhaitons que ce temps offert nous aidera aussi à apprendre à ajouter de la vie à nos vies.
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