Le foie serait-il le plus extraordinaire des organes?
Le foie, dans la médecine traditionnelle chinoise, est appelé le général des armées.
Les Samouraïs faisaient de la bile d’ours, liquide produit par le foie, leur boisson fétiche. Elle était supposée leur apporter force, courage et invincibilité.
Chez les Hébreux, le foie est associé à l’honneur. De plus, le mot signifiant le foie, «cavède», possède la même valeur numérique, et donc les mêmes qualités, que celui désignant Yahvé, le dieu biblique.
Les mythes grecs ont évoqué son immortalité à travers l’histoire de Prométhée qui, pour avoir volé le feu aux dieux, l’a payé cher en se faisant dévorer le foie chaque jour par un aigle.
Si l’appétence des Anciens pour le lyrisme symbolique est bien connue, force est de constater qu’ils exagèrent à peine pour le foie.
Le foie est, aujourd’hui, appelé l’usine ou l’organe aux 500 fonctions. Parmi elles, on compte: le maintien du taux de sucre dans le sang, la filtration et la transformation des molécules toxiques et nutriments apportés, ainsi que le nettoyage du sang.
Mais, ce qui confère au foie son caractère extraordinaire est sa capacité à s’autoguérir et se régénérer. Il peut être blessé, abîmé ou amputé, il repoussera toujours pour retrouver sa forme initiale.
L’inverse est vrai. Le gavage des oies et les canards pour fabriquer le foie gras fait grossir leur foie. Mais dès lors qu’on cesse de les engraisser, le foie rétrécit et retrouve sa taille d’origine.
De l’aveu même du Dr Perlemuter, chef de service d’hépato-gastro-entérologie et nutrition à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, et dirigeant à l’Inserm des recherches centrées sur les interactions entre le microbiote et le foie, ce dernier se passe aisément de la médecine moderne.
Son ouvrage « Les pouvoirs cachés du foie » (J’ai Lu) est un véritable hommage à cet organe aussi puissant que discret.
Faisons-nous réellement des crises de foie?
Bien que le foie soit le plus volumineux et le plus lourd de nos organes avec son 1,5 kg, il est aussi celui que l’on n’entend jamais se plaindre.
Quant à la suite d’excès nous sommes nauséeux, ce n’est pas le foie qui fait une crise, mais le tube digestif. C’est lui qui, en concomitance avec le cerveau, nous fait vomir.
Si le foie ne nous fait jamais de bruyantes crises, c’est parce qu’il ne possède aucun nerf. Ce qui est une bonne chose, car on ne ressent aucune douleur, mais aussi un problème car on ne peut s’appuyer sur aucun indice pour connaître son état.
Les signaux d’alarme d’un foie malmené sont, effectivement, tellement flous (fatigue chronique, nausée, perte de poids, saignement du nez, des gencives, petits boutons sur le haut du torse et du dos) qu’ils peuvent être imputés à une autre cause.
Le foie ne manifeste son mal-être que lorsqu’il est au plus mal. Et ses signaux deviennent très clairs.
Il grève à la suite d’un abus (par exemple en buvant 5 shots de tequila en 1h) en stoppant net la production du sucre, nous plongeant dans un état hypoglycémique grave, voire mortel.
Un teint jaune signifiant que le foie ne peut plus sécréter et éliminer correctement la bile.
Si on ne peut pas avoir mal au foie, on peut néanmoins ressentir une douleur à son niveau. Ce qui arrive quand un foie devenu trop gros touche sa capsule, qui elle, est dotée de nerfs.
L’inconvénient de ces signaux est qu’ils sont trop tardifs pour une intervention médicale. A ce stade, le foie a perdu son pouvoir d’autoguérison, de régénération et ses cellules hépatiques n’assurent plus ses fonctions vitales.
Actuellement, le seul moyen de prendre la température de son foie nécessite une analyse de sang spécifique.
Comment le foie tombe-t-il malade?
Le mal du foie gras
Ce que nous appelons une hépatite, qui est une inflammation du foie, n’est pas une maladie mais un état. Un très mauvais état, qui laissé tel quel, peut évoluer en maladie (cirrhose, maladie du foie gras) et cancer du foie.
Dans le monde entier, les principales causes de maladie du foie sont les hépatites virales causées par un des virus des hépatites A, B, C, D, E.
En France et les autres pays occidentaux, la première cause d’une hépatite est la malbouffe.
Le processus est relativement simple: la malbouffe est ni plus ni moins qu’un régime composé d’aliments riches en sucres et en graisses. Or cette «richesse» suralimente le foie, qui le fait grossir et cause une hépatite dite chronique.
Agressé tous les jours, le foie multiplie ses blessures, se régénère moins vite et assure de moins en moins bien ses fonctions comme le filtrage et l’épuration des molécules toxines. A ce stade, l’hépatite a évolué en cirrhose, le lit du cancer du foie.
Outre la malbouffe, les autres facteurs de risque de cirrhose sont l’alcool, le surpoids, un excédent de fer, ou tout simplement une hépatite virale non soignée.
Face à ces maux du foie, le Dr Perlemuter précise que dans «80% des cas, pour les maladies du foie, le médecin ne sert à rien. Le foie guérit tout seul. Dans 10% des cas, le médecin est aussi inutile car c’est trop tard. Dans 10% des cas, le médecin peut faire quelque chose.» Notamment via des opérations comme la greffe du foie ou une fibrinolyse (un processus qui permet aux cellules hépatiques de réapparaitre et au foie de guérir de la cirrhose).
Enfin, il est à noter que face aux maux du foie, les hommes et les femmes ne sont pas sur le même pied d’égalité.
Nota Bene : des spécificités entre les hommes et les femmes.
Même s’ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, le foie des hommes et des femmes n’est pas le même.
Ces différences s’expliquent par le cycle hormonal de la femme. Jusqu’à la ménopause, les œstrogènes facilitent la régénérescence du foie en cas d’agression. Ce faisant, les femmes ont trois fois moins de risque de développer un cancer du foie que les hommes.
En revanche, quand les œstrogènes sont en trop grandes quantités, elles favorisent la croissance de certaines tumeurs du foie et le risque de développer des maladies auto-immunes.
De façon concrète et pratique, ce qu’il faut retenir est que le foie des femmes est plus protégé face à la malbouffe, mais il est beaucoup plus sensible à l’alcool que celui des hommes.
Au-delà de ces différences qui démontrent un relatif équilibre entre les atouts et faiblesses des différents foies, le processus de guérison reste le même pour tous: un changement de mode alimentaire.
Comment soigner et prendre soin de son foie?
S’il est bien un organe qui ne fait pas mystère de l’importance d’une alimentation saine sur notre santé c’est bien le foie.
A tel point d’ailleurs qu’il existe très peu de médicaments, en dehors des maladies auto-immunes et infections virales, pour soigner son foie.
Ainsi, la plupart des patients du Dr Perlemuter ressortent de son cabinet avec une prescription non pas de médicaments mais d’un régime diététique.
Le régime alimentaire à adopter pour prendre soin de son foie reste le même qui fait du bien au microbiote et au reste du corps.
En cas d’hépatite, ce régime est enrichi d’antioxydants (des anti-inflammatoires naturels), que l’on trouve dans :
Les tanins de vin, le café et thé,
Le soja, les pommes, le pamplemousse, les fruits rouges.
Les épinards, brocolis, artichauts, radis,
L’ail et oignon.
La vitamine E présente dans les huiles d’olive, tournesol, soja, beurre, poisson gras, noisette, margarine, amandes.
Les noix, noisettes, amande
Le curcumin, ginseng, romarin et la spiruline.
En parallèle de cette alimentation, de nombreuses sources préconisent de détoxifier au travers d’un jeûne agrémenté de jus de citron.
Or, pour le Dr Perlemuter, le jeûne n’a pas vraiment d’intérêt en soi, puisque le foie est programmé pour se détoxifier tout seul. En revanche, on peut l’aider dans ce processus en le soulageant au travers d’aliments comme les fruits et les légumes.
Mais attention également, même les légumes, et surtout les fruits, doivent être consommés avec modération. La raison étant tout simplement de ne pas charger le foie en fructose, le sucre présent dans les fruits.
En résumé, l’équilibre alimentaire est le maître-mot pour garder son foie en bonne santé. Un hamburger-frites de temps en temps ne l’abîmera en rien. Ce qu’il faut éviter, ce sont les excès, dont, d’ailleurs, fait partie l’interdiction de s’autoriser le moindre écart !
Source : Gabriel Perlemuter, Les pouvoirs cachés du foie, éditions J’ai Lu, 2022
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