Le flow, c’est un état de conscience suprême, quasi-mystique, aux sensations paradoxales. Vous l’avez peut-être connu en train de dessiner, de réciter un texte de théâtre, de faire l’amour, la cuisine, ou votre sport. Le temps est suspendu, nos pensées également. Et pourtant, nous sommes totalement absorbés dans l’instant présent, nos gestes et nos paroles s’enchaînent avec fluidité et perfection. Nous ne faisons qu’un avec les éléments qui nous entourent, en nous oubliant nous-mêmes.
Le sens de la vie et du progrès
Au tennis, le flow est appelé la zone des champions , car jamais nous ne sommes aussi performants ni aussi créatifs qu’en état de flow, et jamais nous ne nous sentons aussi vivants. C’est pourquoi, nos moments de flow restent gravés dans notre mémoire. Et ce n’est pas anodin.
Selon Mihaly Csikzentmihalyi, qui a tenu la double casquette de directeur de psychologie à l’Université de Chicago et de directeur d’anthropologie et de sociologie du Lake Forrest College, le flow c’est la réponse au sens de la vie , mais aussi l’origine du progrès humain.
Le flow est-il accessible à tous?
Les travaux de Csikzentmihalyi
Pour théoriser le concept du « flow », Csikzentmihalyi s’est appuyé sur les travaux d’Abraham Maslow, concepteur de la pyramide des besoins, et l’un des plus grands psychologues du XXème siècle. Maslow s’était intéressé aux cas des génies comme Einstein. Comment expliquer leur supériorité intellectuelle ou créative ? Grâce au flow naturellement, que Maslow appelait à l’époque « les expériences de pointe ».
Csikzentmihalyi a étendu les travaux de Maslow aux gens communs. Il a ainsi pu démontrer que le flow n’est pas la chasse gardée de quelques élus. N’importe qui se transcende dès lors qu’il/elle est dans le plaisir de l’activité-même, et le silence de la concentration.
Le génie ne repose donc pas sur une intelligence absolue. D’ailleurs, l’une des marques cérébrales du flow est un néocortex quasiment désactivé (la partie où l’on calcul, analyse, décide et contrôle nos émotions). Cela explique qu’il n’y ait plus de pensées, ou que le temps et la conscience de soi s’amenuisent dans le flow.
En quête de flow
Plus qu’avec son intellect, l’humanité progresse et crée grâce au cocktail plaisir/concentration. C’est aussi dans l’espoir de goûter ce cocktail qu’elle se lève tous les matins. C’est en tout cas la conviction intime de l’auteur et journaliste primé aux Etats-Unis, Steven Kotler.
Aussi passionné qu’intrigué par le flow, il a publié une enquête (devenue un best-seller au New York Time et Wall Street Journal) sur son omniprésence dans le milieu des sports extrêmes et d’aventures (skicross, surf, skateboard, wakeboard, escalade, etc.).
Comme l’ont vu Maslow et Csikzentmihalyi, le flow s’active quand on est extrêmement concentré dans le moment présent ; ce qui est un état naturel dans les sports extrêmes où l’on met sa vie en danger.
Bien que risquer sa vie soit une option sûre pour déclencher le flow, Steven Kotler nous apprend qu’il existe d’autres chemins moins périlleux pour aboutir aux mêmes résultats.
Comment entrer dans le flow par voie indirecte ?
Sortir de sa zone de confort
Il y a d’autres manières de prendre des risques que de narguer la mort. On prend des risques dès lors que nous quittons notre zone de confort, cela peut donc être mental, émotionnel, créatif. La zone de confort, est le lieu de l’anti-flow, car nous pouvons nous mettre en mode pilote automatique, sans avoir besoin de porter notre attention sur quoique ce soit.
Un environnement nouveau et riche
Un environnement riche, c’est à la fois un lieu nouveau, imprévisible et complexe. Trois facteurs qui captent notre attention, car synonymes de dangers et d’opportunités pour notre cerveau. Ainsi, quand on voyage, et que l’on se retrouve absorbé par les paysages à couper le souffle, nous sommes dans l’antichambre du flow.
Ecouter son corps
Se concentrer sur son corps , permet de travailler son attention et donc de convoquer le flow. Sentir le poids de son corps dans ses pas, faire une marche méditative zen, ou utiliser plus souvent sa main gauche quand on est droitier sont des suggestions pour se concentrer sur lui.
Passons aux trois derniers déclencheurs de flow internes, autrement dit ceux qui viennent directement de soi.
Comment entrer dans le flow par voie directe?
Se fixer des buts clairs et précis
Daniel Simons, spécialiste des sciences cognitives à l’Université de l’Illinois, est l’auteur d’une expérience devenue célèbre sur les réseaux sociaux. Il a diffusé à ses étudiants un extrait de partie de basketball en leur demandant de compter les nombres de passes entre les joueurs. Absorbé par l’exercice, aucun n’a vu un homme en costume de gorille débarqué au milieu des joueurs. Daniel Simons a pu démontrer, que lorsque le cerveau est chargé d’un point précis, l’attention se centre jusqu’à négliger tout le reste. Pour créer du flow, l’accent doit donc être mis sur le « clair et précis », et non le « but ».
Le feedback instantané
Grâce à la clarté et la précision, nous savons où concentrer notre attention . Savoir se fixer des buts clairs et précis ici et maintenant offre des résultats immédiats et l’opportunité d’ajuster notre comportement ou notre travail si besoin.
Le ratio défi/compétences
Notre attention est totalement engagée quand il y a une relation étroite entre la difficulté d’une tâche et notre capacité à la réaliser. Si le défi est trop grand, la peur nous brise, mais s’il est trop facile, nous sommes dans notre zone de confort et ne sommes pas attentifs. Pour trouver le flow, le défi doit être de 4% plus grand que vos compétences actuelles. Ce chiffre provient de la loi de Yerkes-Dobson qui veut « qu’un stress plus grand mène à une performance plus grande jusqu’à un certain point, et qu’ensuite la performance plafonne ou décline. »
Enfin, dernier conseil « spécial rédaction », pour trouver le flow, retrouvez votre âme d’enfant par le jeu. Jouez, faites quelque chose qui vous amuse ; on n’a pas besoin de se forcer à être attentif quand on fait ce qu’on aime.
Source : Steven Kotler, « Les secrets de vos supers pouvoirs », Editions Amphora, 2019
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