Défense de la procrastination avec les stayvacation
Cet été, les médias se sont intéressés à un phénomène qui se répand de plus en plus, les « staycations ». Il s’agit d’un néologisme formé à partir de « stay » et « vacation » pour désigner ceux qui passent leurs vacances à la maison. Leur argument principal étant de s’octroyer un vrai temps de pause.
Ils n’ont pas envie de reproduire ce qu’ils vivent au quotidien : courir après d’incessantes urgences et organiser des créneaux horaires, même si c’est pour visiter des musées et des sites magnifiques. Ce qu’ils veulent, c’est prendre le temps de ne rien faire. Ou du moins de se libérer de toute liste de tâches planifiées.
Les sollicitations de la vie de bureau, familiale et sociale ne sont pas une nouveauté, ce qu’il y a de tout récent, en revanche, c’est la vie technologique.
Les écrans, ces voleurs de temps
Si les burn-out et la fatigue mentale sont aussi fréquentes à notre époque, c’est parce que nous ne voyons pas que l’hyperconnexion est épuisante. D’autant plus épuisante dans un contexte de crise économique qui stresse tout le monde avec une charge de travail souvent lourde. Les cerveaux s’échauffent et ressassent les pensées et émotions négatives. Or, nul épanouissement possible sans la paix du mental.
Deux anciens designers de chez Google, Jake Knapp et John Zeratsky, autobaptisés les « toqués du temps » connaissent très bien les pouvoirs pernicieux mais envoutants de la technologie via les écrans. Oui, avec eux la vie est plus facile, mais en rien ils nous permettent de gagner en efficacité et en temps de travail. En fait, ils sont mêmes coupables de notre manque de temps, car ils accaparent toute notre attention. Là est le revers de la médaille.
Comment les écrans s’accaparent notre temps ?
8 heures par jour devant un écran
Aux USA, les auteurs relatent qu’en moyenne, nous passons 4 heures par jour le nez dans notre téléphone, et encore 4 heures devant la télévision. Ce qui est énorme. « Le divertissement est bel et bien un job à plein temps. » Et, selon Apple, les gens déverrouillent leur iPhone 80 fois par jour en moyenne ; une étude de Dscout a montré qu’ils touchent leur téléphone 2617 fois par jour en moyenne .
Knapp et Zeratsky ont défini les deux grands pièges de la technologie dont il faut prendre conscience.
Les piscines à débordement
On se laisse (trop facilement) déborder par les bruits émis par la télévision, le smartphone avec ses applications, ses jeux, ses notifications infernales etc.. Ils attirent irrésistiblement notre attention et nous font perdre du temps.
La roue infernale
Par les emails et les textos qui n’en finissent plus. Qui n’a jamais ressenti l’impression désagréable d’un fort déséquilibre entre le nombre d’heures dans la journée consacré à son travail et le temps passé pour soi.
L’enjeu des toqués du temps
Mails, réseaux sociaux, notifications d’applications ne sont pas prêts de disparaître, et à moins de devenir rentier, nous devons aller travailler. C’est vrai, mais les ancien-designers notent : notre emploi du temps est régi par notre vie professionnelle, mais notre attention reste à nous. A qui voulons nous la donner ?
Parmi les divers méthodes et outils de gestion du temps, Knapp et Zeratsky ont élaboré Make Time, une méthode en 4 étapes. A la fois simple et souple, elle permet de s’organiser efficacement grâce à de bonnes habitudes, que l’on peut piocher dans les 87 tactiques pensées par les deux compères.
Les 4 étapes de la méthode Make Time pour mieux organiser son temps
Etape 1 : « Hightlight » ,cultiver le sens des priorités
La première étape consiste à savoir prioriser et redonner du temps à sa vie personnelle. Pour ce faire, on va noter tous les jours dans son agenda un objectif important à réaliser pour soi. Cela n’a l’air de rien, mais on bascule dans un nouvel état d’esprit où l’on consacre du temps pour soi, au lieu de le perdre en réagissant inconsciemment aux priorités des autres.
Bien sûr, votre « Highlight » n’est pas la seule activité de votre journée, mais c’est votre priorité. Savoir choisir ses priorités nous procure une énergie plus dynamique. En retrouvant le sentiment de maîtriser son temps de travail, on en devient plus productif tout en faisant preuve de proactivité,
Comment se choisit un « bon » Highlight ? Au moins 1 des 3 critères suivants doit apparaître : l’urgence, la joie et le sentiment d’accomplissement. C’est donc très libre : cela peut être de terminer un vieux dossier usant et énergivore, de commencer une nouvelle activité physique (faire ses 20 pompes), ou d’organiser un dîner romantique. Il n’y a aucune limite.
Pour travailler l’estime de soi et votre rigueur, vous devez vous interdire de vous défausser… Autant que faire se peut naturellement. Il importe de savoir rester réaliste.
Etape 2 : « lazer », se donner corps et âme
L’enjeu de l’étape 2 consiste justement à travailler sur sa concentration pour ne pas se laisser distraire par les écrans ou notre entourage et pour rester concentré sur le Highlight du jour.
Voici quelques tactiques pour être plus efficace en diminuant les sources de distractions et d’interruptions importunes.
Le téléphone
Faire une « plage blanche » sur l’écran d’accueil en effaçant toutes les icônes des différentes applications. Vous pouvez garder le strict minimum avec l’icône des textos et du téléphone.
Si cela vous est trop dur de faire table rase, pensez alors à enlever les options de notifications.
Les mails
Traiter les mails en fin de journée. Une étude de 2014 de l’université de Colombie-Britannique a mis en évidence que les gens qui consultaient leur messagerie trois fois par jour seulement (plutôt qu’à chaque envie de le faire), manifestaient beaucoup moins de stress.
Vider sa boîte de réception une fois par semaine. C’est une très bonne source de décompression.
Traiter le courriel comme du courrier, à savoir que vous n’êtes pas obligé de les traiter dans la minute et qu’une réponse (sauf imprévu ou situation urgente) peut attendre le soir ou le lendemain matin.
La télévision
Ne plus regarder les infos en boucle.
La mettre dans un coin de votre salon pour ne pas être tenté de l’allumer par réflexe.
Etape 3 : « energize », savoir ménager sa monture
Comme le conseillent donc Jake Knapp et John Zeratsky « Entretenez votre corps pour recharger votre cerveau. »
Faire du sport, pas besoin de faire plus de 20min par jour, si vous ne le désirez pas.
Essayer de trouver le temps de composer ses repas avec de vrais aliments.
Se promener dans les bois en oubliant ses écouteurs.
Une conversation au calme le soir.
Etape 4 : faire le bilan en fin de journée
C’est la dernière étape qui consiste à faire un point sur les stratégies qui fonctionnent ou non. Les ingénieurs de formation préconisent la démarche scientifique pour bien identifier la pertinence d’une tactique.
Observer ce qu’il se passe.
Supposer pourquoi les choses arrivent.
Expérimenter pour tester.
Evaluer les résultats.
Pour tester la méthode Make Time, et voir si elle vous convient, vous pouvez vous inspirer du petit guide récapitulatif suivant.
Guide de démarrage pour retrouver du temps libre
Programmez votre Highlight
Bloquer la « Kryptonite distractive » : libérez-vous d’une piscine à débordement (vider votre boîte mail) et observez le changement sur votre capacité d’attention.
Une promenade quotidienne de quelques minutes réveille le corps et tranquillise l’esprit.
Suivez les 3 tactiques ci-dessus pendant 3 jours et prenez des notes chaque soir.
Source : Jake Knapp & John Zeratsky, “La méthode Make Time”, éditions Eyrolles, 2019
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