En sport, comme ailleurs, certaines expressions sont connues de tous : « Il a un mental d’acier », ou « il faut avoir du mental pour réussir ce coup », et donnent l’impression qu’avoir un bon mental dépend de notre caractère ou de la Providence.
Or, il n’en est rien! Nous avons tous un mental, mais au même titre que les muscles, il faut le travailler et l’aiguiser pour qu’il nous rende capables de gérer :
Notre estime de soi (confiance en ses capacités et connaissance de ses limites).
Notre énergie (la fatigue, le sommeil, la récupération, la souffrance).
Nos émotions (peur, doute, colère, et autres émotions qui peuvent nous déstabiliser).
Simple dans son énoncé, avoir un bon mental s’avère plus compliqué à mettre en pratique en raison du ressassement mental, à savoir un flot continu et irréfléchi de pensées et d’images nourri par nos émotions.
Quand tout va bien, ce flot est calme et indolore. Mais quand nous sommes en proie à un mal-être (souvent soustrait à notre conscience), ce flot nous amène à la dépréciation de soi, voire à la dépression.
De plus, « de nombreux neuroscientifiques avancent l’idée que le cerveau est prédictif : en fonction de ses expériences passées, il émet des réactions qui vont nous influencer. Ce que nous ressentons n’est pas seulement lié à nos sens qui enregistrent, mais à ce que notre cerveau avait prévu de nous faire ressentir. […] Nous n’avons pas de réaction logique mais répétitive. »
La logique et la raison, chères à notre civilisation, ne peuvent advenir que par un effort mental conscient afin que le cerveau émotionnel et économe en énergie n’agisse plus en roue libre.
Comment l’autohypnose influence le mental?
En comparant le mental à un cheval sauvage et fougueux, le bouddhisme a démontré une étonnante et perspicace connaissance du cerveau. Ses pratiques comme la méditation visent à dompter le cheval pour éviter qu’il nous entraîne on ne sait où, et non pas où nous souhaitons aller.
Et c’est ce que permet également l’autohypnose en nous plongeant dans un état de conscience modifié, appelé aussi transe, permettant d’ancrer grâce à l’imagination et la concentration de nouvelles pensées, de nouvelles images de soi, de nouveaux jugements et croyances.
Le but n’étant plus de « subir » son mental, mais de le choisir en créant en conscience et par des exercices d’autohypnose de nouveaux circuits neuronaux. Ce que nous savons possible grâce à la neuroplasticité, c’est-à-dire la nature vivante et souple du cerveau.
Mais tout comme on ne change pas de corps en une seule séance de sport, on ne supplante pas d’anciennes connexions neuronales par de nouvelles en ne pratiquant qu’une seule fois un exercice. La clé de la réussite est la répétition et la persévérance.
Les exercices présentés sont issus à la fois de l’ouvrage « Autohypnose et performance sportive » (Amphora) du coach sportif spécialisé en entraînement mental, Jonathan Bel Legroux et de l’ouvrage « Explorez les capacités de votre cerveau avec l’autohypnose » (Leduc) de Kévin Finel, formateur en hypnose et président de l’ARCHE, un institut de formation et centre de recherche en hypnose éricksonienne.
Avant de découvrir ces exercices, quelques conseils s’imposent pour les pratiquer au mieux.
Comment réussir ces séances d’autohypnose ?
Conseil de coach
Pour réussir un exercice d’autohypnose en tant que débutant, Jonathan Bel Legroux préconise de préparer son esprit en suivant les consignes suivantes :
Lire la technique
Tester la technique à partir ce que l’on a compris
Relire et recommencer en partant de ce que l’on a su faire et en affinant sa compréhension de la technique.
De même, il est recommandé de cadrer votre session en suivant ces 5 autosuggestions comme si elles étaient des règles :
Définir son temps en le clarifiant par autosuggestion . Par exemple, je dispose de 10min pour mon coaching mental
Pour éviter de vous laisser déborder par vos émotions, et qu’elles vous soient utiles : si des émotions me traversent, elles auront une intensité adaptée à moi et à l’endroit où je suis. Si des émotions fortes me traversent, elles devront servir mon objectif.
Le back up, ou la sortie d’urgence. Il s’agit d’une autosuggestion que l’on utilise uniquement à ses débuts : « Si une urgence se présente, et que l’on a besoin de moi tout suite, je sors réveillé(e) de mon autohypnose. »
La préparation du retour, où il s’agit de se suggérer qu’ à la fin de ma séance, je reviendrai à moi en étant en pleine forme et prêt à continuer la journée.
L’objectif doit être rappelé avant de se lancer pleinement dans une technique : le but de ma séance est de travailler sur ma peur, ma douleur chronique, ou tout autre objectif.
Technique pour entrer en état d'hypnose
Adoptez la position assise ou debout, la plus agréable pour vous. Fixer un point ou un objet devant vous à hauteur des yeux. Une fois le regard fixé, vous pouvez continuer à cligner des yeux pour que la technique reste tout à fait confortable.
Au bout d’1-2min, faites la distinction entre votre attention et votre regard. Remarquez que l’un et l’autre sont dissociables.
Sans bouger les yeux, le regard fixe, commencez à balader votre attention visuelle à l’endroit où vous êtes, par exemple à gauche et à droite du point sur lequel votre regard est porté.
Sans que votre regard quitte le point où il est focalisé, défocalisez votre attention en embrassant de manière plus périphérique votre espace visuel.
Agrandissez votre champ attentionnel également avec votre audition.
Vous allez expérimenter plusieurs choses. La première est une diminution naturelle du rythme des pensées. La seconde est une attention au corps plus distante. La troisième peut être une modification des aspects visuels, mais sans aller jusqu’aux hallucinations.
Enfin pour sortir de cet état d’hypnose, commencez par vous dire : « Dans quelques instants, l’état va se dissiper et je vais revenir complètement bien, en pleine forme. » Observez comment votre corps réagit et à quel moment votre vision redevient d’elle-même plus « normale ».
A noter que certains éléments nous aident à changer d’état de conscience plus rapidement comme rêvasser, fixer un point en face de nous, écouter de la musique de relaxation. Il n’y a pas de règles, ces choix se décident en fonction de sa sensibilité personnelle.
Comment pratiquer l’autohypnose pour avoir un mental d’acier ?
Technique d'autohypnose pour augmenter son énergie
Pour commencer focalisez-vous sur votre état présent. Orientez-vous sur l’idée de changement.
Faites-vous une image mentale de votre état actuel : cette image doit provoquer en vous un ressenti qui aurait tendance à amplifier la baisse d’énergie.
Faites-vous une image mentale de l’état souhaité : cette seconde image doit vous donner envie et susciter un regain d’énergie.
Prenez un temps pour prendre conscience des différences de paramètres mentaux entre les deux images : la différence de tailles, de couleurs, de la luminosité, de profondeur.
Mentalement, superposez les deux images, comme vous ouvrirez une fenêtre d’ordinateur sur une autre, en veillant à avoir au premier plan celle de l’état souhaité.
Prenez l’image de l’état souhaité, rendez-la plus petite, plus sombre. Vous devez mentalement voir maintenant les deux images. Rendez celle qui était au second plan, plus grande, claire et lumineuse.
A nouveau, rendez plus grande, plus claire et lumineuse l’image de l’état souhaité, jusqu’à complètement recouvrir celle de votre état présent. Vous avez donc mentalement votre état souhaité juste devant vous, avec une forte sensation d’attirance. Profitez-en, puis…
Remettez l’état souhaité en plus petit, avant de la faire grandir de nouveau et prendre toute la place, augmentant ainsi vos sensations associées.
Puis répétez l’étape 8 une dizaine de fois. Une étape pas facile, car il est fréquent que l’image de l’état présent soit plus difficile à maintenir et à retrouver au fur et à mesure de l’exercice, car vous êtes en train de dire à votre mental de changer d’état présent et de le faire vite.
Finissez sur une belle et grande image de l’état souhaité, puis associez-vous à elle, ancrez et sortez de l’état d’hypnose.
Technique d'autohypnose pour retrouver le plaisir dans la difficulté
Cette technique vise à modifier vos perceptions teintées de peur sur les difficultés et les obstacles.
Prenez quelques secondes pour vous concentrer sur votre respiration et votre corps. Imaginez devant vous un chemin qui mène vers votre avenir, mais où se trouve aussi un obstacle.
Visualisez cet obstacle. Ce peut être sous les traits d'un personnage, d'un objet ou d'un obstacle naturel, comme une montagne ou un fleuve à franchir.
Tout en restant face à cet obstacle, connectez-vous à votre capacité à jouer en repensant à toutes les fois dans votre vie vous avez été stimulé par le jeu, par la sensation de chercher et de trouver une solution.
Ressentez le plaisir et la joie de jouer jusqu'à être « chargé » de toutes ces émotions.
Puis, regardez à nouveau l'obstacle, mais cette fois-ci avec le sourire apporté par toutes les émotions retrouvées dans l'étape précédente. Vous pourrez ressentir une forme d’impatience à vous confronter à l’obstacle, exactement la même que celle d'un enfant découvrant un nouveau jeu.
Le plaisir principal de la difficulté n’est pas tant de la surmonter que de ressentir la sensation de progresser et d’avancer.
Technique d'autohypnose pour agir sur ses croyances limitantes
Ciblez une croyance qui vous limite dans votre performance.
Prenez du temps pour vous focaliser sur votre ressenti, quitte à prendre un moment pour rentrer dans un état un peu plus hypnotique. Notez aussi quelle image mentale qui vient avec cette croyance limitante.
Faites la distinction entre les sensations négatives dues au fait que cette croyance vous limite et les sensations qui expriment le fait que cette idée-là, pour l’instant, est vraie. Quelque chose en vous y croit pour l’instant. Notez les sensations que vous ressentez qui vous permettent de dire que vous y croyez : la sensation de véracité.
Ancrez la sensation de véracité de cette croyance, avec un geste précis que nous appellerons Geste 1.
Prenez un temps de pause de quelques secondes.
Pensez à une ancienne croyance que vous avez cru vraie telle que : « le Père Noel existe ». Remarquez les sensations qui viennent avec cette idée. Notez aussi l’image mentale qui vous vient avec cette croyance.
Ancrez la sensation “ce n’est pas vrai, j’ai cru un truc pareil” avec geste différent que nous appellerons le Geste 2
Prenez un temps de pause.
Puis mentalement, vous passez d’une image à l’autre, en les superposant l’une et l’autre une dizaine de fois, très rapidement.
Enfin, au bout de ces dix répétitions qui vont vous désensibiliser l’impact émotionnel, pensez à la croyance qui vous limitait, tout en activant le Geste 2.
Comment pratiquer l’autohypnose pour être plus heureux ?
Technique d'autohypnose pour changer un comportement
Fermez les yeux puis imaginez une version jumelle de vous-même. Regardez-vous en train d'agir avec le comportement que vous souhaitez changer. Prenez le temps de visualiser les souvenirs liés à des actions récentes, de détailler vos gestes, vos expressions, vos actions.
Au fur et à mesure, observez-vous comme si vous regardiez un film ancien, quelque chose qui appartient au passé. Une distance va se créer et quand vous la ressentez, passez à l'étape suivante.
Toujours en observant cette version de vous-même, demandez-vous ce que ce comportement vous a appris et apporté. C'est comme un bilan. Tout comportement est une étape même s’il est jugé socialement et moralement « mauvais » et que vous souhaitez le laisser derrière vous.
Imaginez maintenant une nouvelle version de vous-même, avec de nouveaux comportements. Ici aussi, prenez le temps : détaillez cet autre vous et la façon dont il agit, ce qu'il ressent, ce qu'il vit. Cette vision va rapidement devenir attirante, attrayante. Continuez jusqu'à ressentir que vous avez envie d'aller dans cette direction, comme si c’était une évidence.
Vous allez maintenant regarder vers l'ancienne version de vous pour l'autoriser à partir. Regardez-la s'en aller jusqu'à ce qu'elle disparaisse de votre champ de vision. Cela doit provoquer un soulagement.
Puis, regardez la nouvelle version de vous et laissez-la s'approcher jusqu'à être en contact avec elle. Vous allez fusionner avec elle. Ce faisant, sentez que vous absorbez ce que vous avez créé. Que vous vous appropriez ses qualités, ses comportements, ses automatismes.
En revenant au présent, c'est la nouvelle version de vous-même qui ouvre les yeux.
Technique d'autohypnose pour dissiper une émotion désagréable (stress, peur)
Choisissez un sentiment qui vous encombre en ce moment. Commencez par quelque chose de simple mais de récurrent. Ça peut être une irritation, un stress ou une sensibilité.
Tentez de remonter le temps et de suivre la piste de cette émotion. Demandez-vous d'où elle vient ? À quel moment votre corps l’a-t-il ressenti ? Vous pouvez remonter à des souvenirs anciens comme récents.
Dès que vous avez cerné le moment où cette émotion est née, inspirez très fort. Puis expirez, en vous imaginant en train d’expulser l’émotion.
Répétez cette séquence plusieurs fois et sentez qu’à chaque expiration, vous vous allégez d'un poids.
Continuez jusqu'à retrouver votre sérénité.
Technique d'autohypnose pour observer le mécanisme de récompense
Cette technique vise à conscientiser le mécanisme de la récompense, à comprendre comment votre corps réagit, et à vous libérer d'anciens réflexes ou besoins.
Fermez les yeux. Une fois que vous êtes disponible et centré sur vous, prenez quelques instants pour replonger dans votre passé récent où vous avez vécu votre compulsion.
Une fois le souvenir retrouvé, recherchez le moment précis où votre corps vous a envoyé le signal de la récompense.
Ressentez la façon dont une part de vous-même a tenté de vous récompenser. Observez ce mécanisme à la fois avec bienveillance (en vous souvenant notamment que son but, unique et originel, est la survie de l’espèce humaine) et avec recul comme si ce comportement était décalé ou déplacé.
Concentrez-vous maintenant sur l’idée que cette réaction est exagérée, et demandez à cette part de vous-même de ne plus vous stimuler ainsi en diminuant la réaction hormonale.
Plus vous répéterez l’exercice, plus le ressenti lié à la compulsion va diminuer.
C’est vrai pour chacune des techniques d’autohypnose : plus vous répétez, plus vous amorcez de nouvelles connexions neuronales.
On ne peut faire fi du temps sur la voie du changement, à moins de faire le choix périlleux de la précipitation, qui nous fait souvent plus perdre de temps qu’elle nous en fait gagner.
C’est le cas des régimes « yoyo », qui nous font perdre du poids rapidement au bout d’un mois, mais nous en font reprendre le double le mois suivant.
Le temps n’est ni un obstacle ni un allié. C’est autre chose. Le plus important est notre perception. A nous donc, d’en faire ce qu’on veut qu’il soit.
Comme le disait Nietzsche : « ce qui importe, ce n’est pas tellement ce qui est vrai, mais ce qui aide à vivre. »
Sources : Jonathan Bel Legroux, « Autohypnose et performance sportive », éditions Amphora, 2018.
Kevin Finel, Explorez les capacités de votre cerveau avec l’autohypnose, éditions Leduc, 2022.
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