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Publié le 16/04/2019, mis à jour le 25/09/2022
Conseils en Alimentation & nutrition
Le jeûne : les raisons d’un succès ancestral
D’où vient le jeûne ?
Au moment d’entrer en carême et de me poser l’habituelle question « cette année, j’arrête le chocolat ou le café ? », une évidence m’a titillée. Cette période de jeûne qu’on retrouve dans toutes les traditions doit avoir une raison d’être et un sens plus profond.
Si la pratique du jeûne se retrouve dans toutes les traditions et que, d’autre part, elle gagne aujourd’hui toujours plus en popularité sous la forme de cures détox pour notre bien-être, ça ne doit pas être un hasard. Je me suis donc interrogée sur l’histoire de cette pratique, et plus particulièrement sur l’histoire du carême chrétien ainsi que sur ses bienfaits physiologiques, mentaux et émotionnels.
Pour répondre à cette question j’ai été, comme à mon habitude, fouiller en bibliothèque, et j’ai consulté les actuelles recommandations catholiques. J’ai également interrogé des amis de différentes confessions religieuses, ainsi que Kathrin Wendel, nutritionniste, et Régis Close des Ateliers Mellifères. Régis, avec ses diplômes en sciences religieuses, théologie et naturopathie, ainsi que ses longues années de pratique du jeûne, m’a été d’une grande aide.
Petite histoire du jeûne
Que ce soit dans les religions monothéistes (à Yom Kipour notamment dans la religion juive, lors du ramadan dans l’islam ou du carême chez les chrétiens), dans l’hindouisme, dans certaines pratiques bouddhistes, dans les traditions amérindiennes, mayas, et même chez les anciens Égyptiens, Celtes et Grecs, une pratique de jeûne est liée à toute forme de spiritualité.
Les jours de jeûne correspondent souvent à un retour sur soi ou sur la divinité, ou à une période de préparation d’une grande fête (le jeûne en effet accompagne la quête de vision d’Amérique du Nord et précède la Pâques, par exemple).
D’où vient le carême chrétien ?
Historiquement, le carême chrétien est institué au IVe s. comme une période de quarante jours qui vise à un approfondissement dans la prière et au détachement des biens matériels. Sauf les dimanches, tous ces jours sont des jours de jeûne jusqu’à Pâques. Dans un premier temps est consenti un seul repas par jour en fin de journée, et le jeûne complet est obligatoire les vendredi et samedi saints.
Dès le XIIIe s., un repas est autorisé à midi ainsi qu’une collation le soir. Aujourd’hui l’Église catholique invite au jeûne (c’est-à-dire un seul repas léger) le mercredi des cendres (le premier jour du carême, après le mardi gras) et le vendredi saint, ainsi qu’à l’abstinence (de viande et de graisses animales) tous les vendredis. L’alimentation durant ces quarante jours devrait rester frugale.
Les origines profanes du carême
Régis a mis en lumière un premier fait intéressant :
« Le carême vient se mettre sur quelque chose de déjà existant, à savoir qu’à la fin de l’hiver on manque de ressources alimentaires. Donc les gens doivent manger moins, et le carême chrétien vient donner un sens plus spirituel, un sens religieux à quelque chose qui est naturel ».
Historiquement, nos ancêtres n’avaient donc pas le choix. Toutefois ça n’empêche pas de s’interroger sur le sens physiologique de cette habitude de manger peu pendant quarante jours.
Les bienfaits physiologiques du jeûne
Pourquoi a-t-on toujours jeûné ?
Sans entrer dans les détails scientifiques, j’ai voulu comprendre pourquoi le jeûne avait toujours eu sa place dans les différentes civilisations, et pourquoi mes expériences personnelles de jeûne m’avaient vraiment fait du bien. Régis et Kathrin m’ont indiqué trois données qui ont retenu mon attention : la détoxication, la période du printemps et le processus de cétose.
Les vertus de la détox
Premièrement, comme me l’a dit Régis Close :
Une grande partie de l’énergie du corps est consacrée au cerveau, à l’activité cérébrale, et la deuxième plus grande partie de son énergie est consacrée à la digestion. Se priver de nourriture, c’est donner l’occasion au corps de consacrer son énergie à autre chose qu’à la digestion. Et cette énergie il peut l’utiliser à faire ressortir toutes les toxines emmagasinées dans l’organisme, dans nos tissus profonds.
Une vie reliée à plus grand que soi
De plus, si on prend le cas du carême, cela fait tout à fait sens d’entamer un processus de détoxication après l’hiver, car d’une part l’hiver est la période où on accumule le plus de toxines (en s’alimentant moins bien ou plus abondamment, en faisant moins d’exercices, …), d’autre part le retour du printemps correspond au retour de la vitalité dans la nature et dans notre organisme ; nous avons donc plus d’énergie à consacrer au processus de détoxication. Dans la médecine chinoise, le printemps est également la saison du foie, c’est-à-dire l’organe qui intervient le plus dans la détoxication.
Les bienfaits de la cétose
Et ce mystérieux processus de cétose, alors ? La cétose, c’est lorsque toutes les réserves de sucre ont été consommées et que le foie transforme nos graisses en corps cétoniques capables de faire fonctionner notre organisme. On estime qu’une personne de poids normal aurait des réserves pour fonctionner en cétose pendant quarante jours, quel hasard. Bien sûr, l’idée n’est pas de toujours fonctionner en cétose, mais d’alterner, car ce processus a de nombreux bienfaits pour l’organisme et que le corps humain a évolué pour fonctionner une bonne partie du temps en cétose. Or aujourd’hui, peu de nous atteignent cet état, vu notre apport constant en sucres.
Le jeûne (même partiel) a donc de nombreux bienfaits physiologiques, ressentis et également à long terme. A-t-il des bienfaits d’un autre ordre ?
Les bienfaits émotionnels du jeûne
Bien dans sa tête
En fait oui, le jeûne est aussi très bénéfique pour notre esprit et notre système émotionnel ; c’est logique parce que d’une part notre système digestif est également le centre de nos émotions (on appelle depuis peu l’intestin « le deuxième cerveau »), d’autre part notre cerveau se nourrit également de ce que l’on mange. Si on ingère (involontairement) des toxines, on intoxique notre mental, on l’embrume. Jeûner détoxique tout ce qui relie notre corps à notre esprit.
Le cœur léger
D’un point de vue émotionnel, « jeûner permet d’engager un processus de « digestion » des émotions » (R.C.), et lors d’un jeûne de longue durée, il n’est pas rare que des émotions enfouies profondément refassent surface. C’est aussi l’occasion de prêter attention à la qualité de nos émotions dans nos relations. Et puis, ne pas manger, c’est dégager du temps dans notre vie, du temps pour nous, pour faire un examen personnel. Certains penseurs de l’Antiquité estimaient déjà que le jeûne leur permettait de mieux réfléchir (Socrate, Cicéron, Sénèque).
Puisque jeûner engage un processus émotionnel, dégage notre esprit et dégage du temps dans notre vie, on peut justement penser que ça nous rapproche des choses essentielles, de notre moi plus profond.
La perspective spirituelle du jeûne
Un rituel de purification dans l’Hindousime
Dans l’hindouisme, un jeûne permet de se libérer de fautes de naissances antérieures et donc de se rapprocher du nirvana ; dans la religion juive le jeûne est notamment pratiqué lors de Yom Kipour, le jour du grand Pardon, le jour où les juifs sont invités à faire le bilan de leur année passée, à prendre conscience de leurs erreurs et à demander pardon. Quand on parle du carême, on entend souvent revenir le mot « pénitence », qui est assez rébarbatif. Aujourd’hui l’Église explique ce mot pénitence comme un équivalent de conversion, c’est-à-dire, au sens étymologique, se re-tourner (re dans les deux acceptions, à nouveau et dans l’autre sens) vers Dieu et vers les choses essentielles après une période où on s’en est éloigné ; l’axe du jeûne correspond au fait de se recentrer sur soi-même. Régis m’a expliqué le sens de ce rite…
Un rituel de renaissance dans le Christianisme
« Le carême débute le mercredi des cendres, qui est une invitation à brûler en nous ce qui n’est plus utile, ce qu’on traîne comme des vieilles casseroles. Après le temps de carême c’est la Pâques qui arrive, et Pâques c’est la résurrection, l’invitation à renaître de nos cendres ; que nos cendres servent à fertiliser le sol qu’est notre terreau intérieur pour y faire renaître notre moi profond, parce qu’on a pris le temps de se reconnecter pendant le mois de carême. Pendant ce temps de jeûne – jeûne de nourriture, jeûne d’émotions, jeûne de pensées – on se reconnecte à notre source intérieure ».
En ce qui concerne les écritures, l’analyse des mots a toute son importance : Quand on lit l’évangile, Jésus est parti dans le désert pendant quarante jours, il a jeûné pendant quarante jours et après il a eu faim et puis il a été tenté. Au début, il est dit que c’est l’Esprit qui le pousse au désert. Donc, être poussé vers la tentation durant le jeûne est un bien pour fortifier l’esprit, en fait, pour arriver à la maîtrise sur l’esprit et sur le corps.
Un pas vers Dieu
Il est évident que le jeûne est toujours une période de préparation bénéfique physiologiquement, émotionnellement et mentalement, qui mène à une meilleure connexion avec ce que l’on a de plus sacré : Dieu, notre source profonde, nous-mêmes, en fonction de nos croyances.
Dans notre société occidentale, les traditions se perdent peu à peu, et il n’y a plus de moment dédié au jeûne, mais est-ce que ça aurait du sens d’y revenir ?
Demain on jeûne ?
Au vu de tous les bienfaits et de l’importance que ça a dans notre relation à nous-mêmes, pour moi la réponse est évidente : oui. Oui, ça aurait du sens de revenir, dans mon cas, à un carême plus traditionnel et de ne pas uniquement arrêter le chocolat. Toutefois cette réponse est à nuancer pour deux raisons.
La première est une mise en garde pratique de Régis :
Respecter son corps
Jeûner demande une certaine expérience. Il faut se préparer, commencer par un jeûne léger, puis après, peut-être, des jeunes plus costauds. Le manque de nourriture et l’élimination des toxines peuvent entraîner des symptômes physiques désagréables ; il est nécessaire de se faire accompagner par un professionnel qui pourra nous guider dans les actions à entreprendre pour profiter au mieux de cette expérience.
Un choix conscient
La deuxième est liée à l’objectif même du jeûne. Puisque le jeûne a pour but de nous reconnecter à nous-mêmes et à notre source, il faudrait jeûner de tout ce qui « pollue » cette relation (le smartphone par exemple, ou l’alcool, etc.). Historiquement nos ancêtres ont instauré une privation de nourriture parce que les autres tentations ou pollutions n’existaient pas encore. Un jeûne physique a toujours autant de bienfaits aujourd’hui, si on prend cette occasion pour se déconnecter et se reconnecter sur plusieurs niveaux. Pour moi, et c’est ce que j’explique à mes amis étonnés de ma forme de carême, il est essentiel que cette pratique soit un choix, une démarche personnelle, et nullement un dictat.
Le jeûne vs détox
Aujourd’hui, le carême apparaît à beaucoup de mes contemporains comme une pratique vieillie et rasoir, alors que les cures détox deviennent de plus en plus à la mode. Il est étonnant de constater que le jeûne traditionnel qui se retrouve dans différentes spiritualités et le nouveau besoin de prendre soin de soi se rejoignent en fait dans une même pratique et un même but, que la nature elle-même nous enseigne depuis des siècles. Mais dans notre monde actuel qui va toujours plus vite, qui osera profiter de ce moment de l’année pour écouter des traditions ancestrales et prendre du temps pour vraiment se ressourcer ?
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Publié le 16/04/2019, mis à jour le 25/09/2022
Article intéressant dont le sujet ne demanderait qu’a être mis en pratique avec un peu plus de précision quant à la methode