Adolescents : Comment leur parler et les accompagner?
Publié le 27/02/2019, mis à jour le 04/11/2024
Conseils crise d'adolescence
Adolescents : Comment leur parler et les accompagner?
9 min de lecture
L’adolescence : L’âge des mutants
Françoise Dolto comparait les années d’adolescence à un « homard pendant la mue : sans carapace, obligé d’en fabriquer une autre, et en attendant confronté à tous les dangers. ».
C’est un âge-carrefour et c’est en cela que l’adolescence est l’âge de la crise. C’est le temps où l’on quitte le cocon sécurisant de l’enfance insouciante pour prendre conscience que nous devenons responsable de notre vie. Et c’est effrayant.
Qui suis-je ?
Où vais-je ?
Serais-je aimé pour qui je suis ?
Des questions existentielles mais qui viennent s’inscrire dans un monde où les tensions, les peurs de demain et la compétitivité sont au beau fixe. En cela, les adolescents ont plus besoin de notre empathie et de notre soutien que de nos jugements et de nos projections. Cela, Ambre Cazaudehore l’a bien compris.
La collaboration d’une adulte et d’une ado
Ancienne directrice marketing, Ambre Cazaudehore a tout lâché pour suivre l’homme de sa vie en Equateur. Celui-ci est le père de deux filles retournées en France avec leur mère. L’aînée, cependant, viendra passer sa 5e au côté de son père et d’Ambre, désormais sa belle-mère.
Ensemble, elles décident de nous livrer quelques anecdotes de leur vie commune pour aborder avec légèreté et complicité les principaux sujets autour de l’adolescence.
En préface de leur ouvrage familial, « Parents-Ados, comment se parler sans déclencher la 3ème Guerre Mondiale ? », intervient également une des sœurs d’Ambre Cazaudehore pour évoquer son expérience de l’adolescence. Sa conclusion est un joli résumé du regard que nous invitent à porter les auteures sur le sujet :
« si l’adolescence rime parfois avec inconscience, rarement avec prudence et souvent avec arrogance, il nous faut pourtant la voir avec indulgence ».
Dans le but de nous aider à adopter cette approche, Ambre Cazaudehore distille ses conseils de communication et ses clés pour qu’ados comme adultes puissent vivre cette période de façon plus épanouie, plus calme et plus enrichissante pour toute la famille.
Comment cadrer son adolescent?
Oublier l’impératif
« Range ta chambre », « descends les poubelles », « éteins la lumière des couloirs », etc. Oubliez l’impératif à l’âge de l’adolescence, vous parlez dans le vide et gaspillez votre énergie.
Puisque le temps est à l’apprentissage de la responsabilité, et c’est ce qu’au fond recherche votre ado, adressez-vous à lui comme à un adulte responsable et non comme à un enfant.
La petite astuce pour développer un bon réflexe de langage est de commencer ses phrases par « je ». C’est une technique de communication non-violente où en évoquant ses sentiments, on s’éloigne du jugement et de la parole accusatrice.
Ainsi au lieu de lui dire : « tu ne m’écoutes jamais quand on te parle, tu m’épuises à la longue », remplacez votre phrase par « je suis épuisée, je sais bien que je t’énerve, mais ce n’est pas mon but. ». Vous aurez ainsi de bien meilleures chances de faire passer votre message.
Expliquer plutôt d’exiger
Si l’adolescent rejette viscéralement les ordres, il a toutefois besoin de repères et de limites. Au lieu d’exiger ou d’ordonner comme on le ferait avec un jeune enfant, faites appel à la raison de votre ado en lui expliquant les raisons d’être de vos limites.
Allez même plus loin en lui demandant son ressenti et son avis sur vos consignes.
Non seulement il se sentira valorisé et consolidera sa confiance en lui, mais en plus vous le responsabiliserez d’autant mieux puisqu’il les a validées. Des règles raisonnables et bien appropriées par l’ado sont le terreau idéal pour devenir un adulte épanoui et responsable.
Sanctionner plutôt que punir
Selon le pédagogue Célestin Freinet :
Les punitions sont une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but recherché.
Le but recherché étant de responsabiliser son ado. La punition aura tendance à le faire renfermer sur lui-même sans réfléchir outre mesure aux conséquences. Son esprit se souviendra seulement d’avoir subi une forme d’injustice.
Si bêtise, erreur, ou mauvais comportement il y a eu, la faute doit être sanctionnée ou réparée si la situation le permet (on nettoie si jamais on a fait tomber un verre ou un vase par exemple, on s’excuse si on a mal agi).
Le but de la sanction étant de faire comprendre à l’ado que derrière tout acte il y a des conséquences. Rien n’est anodin ou neutre.
Nota Bene : la juste autorité
Entre l’éducation militaire où l’autorité consiste à tout interdire et l’éducation hippie où il est interdit d’interdire, il y a forcément un bon équilibre. Le secret de la juste autorité est celle qui protège et rassure l’ado.
Être patient
Si arrivé à un âge honorable, nous passons notre temps à ressasser, peut être devrions nous en remercier nos enfants. Entre l’enfance et l’adolescence, certaines choses ne changent donc pas, comme le fait de répéter toujours et encore les règles et les consignes. Courage, ne lâchez rien.
Effet miroir
Dans le cas où votre ado est particulièrement renfermé sur lui-même ou ne vous écoute pas au point que vous pourriez ne pas exister, testez une petite thérapie électrochoc recommandée par Ambre Cazaudehore, que nous baptiserons « l’effet miroir ».
Si, par exemple, c’est devenu une habitude d’être ignoré quand vous demandez à votre ado de mettre la table, ne perdez plus votre temps. A la place, préparez-vous un bon plateau-repas et mettez-vous un film.
Bien sûr, dès que votre ado daignera pointer le bout de son nez et constatera que rien n’est préparé pour lui, vous serez rangé dans la case dictateur aux côtés de Néron et Staline.
C’est le moment idéal pour amorcer la discussion et lui faire comprendre qu’il vit en famille et pas à l’Hôtel. Cette petite méthode n’est pas sans rappeler l’éducation des loups avec leurs petits. .
Les personnalités et individualités sont respectées mais elles doivent apprendre à vivre en collectivité, en meute sous peine de se retrouver exclu. C’est exactement la même chose pour nous.
Cadrer ne suffit pas, il faut aussi accompagner votre ado dans les méandres de ce monde.
Comment accompagner son adolescent?
Se montrer disponible
Période paradoxale, si l’ado ressent le besoin d’instaurer une certaine distance avec les parents, il a aussi plus que jamais besoin d’eux. Parce qu’il se cherche, il aura besoin de se confier, de voir où il en est, ce qu’il l’anime, ce qu’il aime. Dans ces moments de confidence, laissez-le parler sans chercher à forcément donner votre avis. Au contraire même, essayez d’adopter son point de vue, de comprendre ses goûts et ses choix. Bref, intéressez-vous à lui.
L’accompagner dans son orientation
Le système scolaire actuel met très tôt la pression sur les ados pour les orienter dans leurs études. Dès 11 ans, il est décrété qu’il faut savoir quelle carrière professionnelle embrasser. S’ils savent où aller, votre rôle consistera à les soutenir, les porter dans leurs projets de vie.
Il s’agira notamment de décortiquer les différentes filières, voies et formations disponibles. Dans le cas contraire, ne mettez aucune pression. Instaurez plutôt un dialogue sur le style d’une conversation pour l’aider dans son travail d’introspection.
L’aider à gérer son stress
Les enfants et ados n’échappent pas à l’époque. Derrière sa technologie aussi commode que ludique et son confort matériel très appréciable, notre société garde un esprit de fer et de feu engendrant beaucoup de stress à l’échelle collective et se déversant jusque sur les bancs des écoles et lycées. L’idée est est d’alors apprendre à son ado à gérer son stress.
Cela peut être, par exemple, par la pratique de sport, des exercices de respirations ou de méditations.
L’argent de poche
Pour ou contre, c’est suivant l’avis de chacun. Toutefois, cela reste un excellent exercice pour apprendre à son ado à développer son autonomie en gérant son budget. Votre partie consiste à être clair et ferme sur le montant de la somme allouée par mois, ainsi que les motifs d’une suspension provisoire. Quant à sa façon de le dépenser, évitez d’intervenir, après tout c’est sa responsabilité.
Faire confiance
Faites-lui confiance, c’est indispensable pour développer le sens des responsabilités et de l’autonomie. C’est aussi ainsi qu’il pourra bâtir sa propre confiance en lui. De votre côté, malgré vos peurs et réticences, n’oubliez pas que c’est un adulte en devenir. Il doit donc découvrir ce que la vie met sur son chemin, faire ses choix et expérimenter.
Il ne s’agit pas de lâcher totalement la bride, la liberté est un privilège qui s’accorde doucement. Plus votre ado vous montre qu’il est responsable, plus on lui laisse de liberté. La mécanique fonctionne également en sens inverse.
N’oubliez pas non plus de rappeler à votre sensible ado combien vous l’aimez. Cela contribuera à renforcer sa confiance en lui. Derrière ses airs de celui qui a tout vu et tout fait, transpire un certain manque de confiance en soi.
Couper le cordon ombilical
Un enfant doit se séparer psychiquement et psychologiquement. C’est indispensable pour que la complète transition à la vie adulte opère. Pour certains ados, cela se fera sans mal, pour d’autres cela sera une expérience plus difficile.
Il ne faut pas sous-estimer toute la portée psychologique que joue le foyer parental dans la construction des repères spatiaux et affectifs des ados. Il s’agit alors de comprendre et de trouver des solutions pour l’aider à surmonter ses peurs.
Savoir amorcer une discussion sérieuse
Voici quelques repères pour savoir quand le moment est approprié :
Demander son accord pour discuter du sujet que vous souhaitez aborder.
Eviter de lui parler comme s’il était encore un enfant.
Exprimer tranquillement son point de vue, en tâchant de ne pas être trop long. Le temps d’attention des ados est légendaire.
Enseigner l’intelligence émotionnelle
Considéré avec pertinence comme l’intelligence du cœur, centre des émotions, l’intelligence émotionnelle est la capacité à reconnaître, maîtriser et analyser ses émotions comme celles des autres. A l’âge des explosions hormonales et de la formation du corps, on se trouve souvent submergé par un torrent d’émotions que l’on ne comprend pas toujours : colère, peur, ennui, tristesse, honte, joie exubérante, mutisme, culpabilité, etc.
Ne pas comprendre ses émotions, se laisser envahir par elles ne sont pas une fatalité propre aux adolescents. Des outils comme la respiration, le yoga ou d’autres thérapies alternatives existent et sont très bien adaptées pour les aider à développer leur intelligence émotionnelle avec les qualités qui l’accompagnent (lucidité, psychologie, empathie, générosité, sens commun).
Nous avons fait le tour des astuces et conseils d’une adulte pour nous aider à développer les meilleurs rapports possibles avec les ados. Abordons maintenant ceux des ados d’après la contribution de Jade et de ses autres comparses « mutants » comme ils aiment se représenter.
La parole est aux adolescents
Ne vous y trompez pas, les ados sont parfaitement conscients qu’ils ne sont pas faciles. Ils sont aussi conscients qu’ils ont besoin de vous, plus que jamais, pour se construire. Voici d’après Jade Cazaudehore, 12 ans, et de ses comparses, ce que les ados attendent des parents :
Comprendre avant de juger quand ils ont une mauvaise note ou vivent un échec scolaire.
Ne pas mettre la pression au sujet de leur avenir. La question les stresse suffisamment, même s’ils ne vous le montrent pas.
Instaurer un dialogue ouvert et chaleureux pour les faire parler de leurs rêves et les encourager à les réaliser.
Ne pas faire de projections ou de penser qu’il y a des dangers partout.
Leur laisser découvrir le monde. Le pire comme le meilleur.
Les écouter comme des amis quand ils viennent s’ouvrir à vous sur leurs peines, leurs doutes ou leurs problèmes.
Leur laisser leur (sacro-saint) espace personnel.
Intéressant point de vue qui rejoint finalement ceux de l’adulte. A ce stade, nous pouvons commencer à répondre à la fastidieuse question : qu’est-ce que cela implique finalement d’être un parent ?
Comment être parent aujourd’hui?
La transmission
Qu’est-ce qu’être parent, si ce n’est transmettre (en plus de la moitié de son patrimoine génétique) son savoir-être et son savoir-faire ? Les leçons que la Vie nous a apprises à travers nos expériences doivent être les outils de demain pour nos enfants.
Peu importe nos caractères et les erreurs que nous ferons, tant que nous les encourageons à développer leurs forces et leur imagination pour s’épanouir et vivre leur propre idée du bonheur.
Bien sûr, ne leur cachez pas qu’ils croiseront sur leurs routes des revers et des obstacles. Ils ne sont pas là par hasard comme le rappelle le blogueur et auteur Mark Manson :
où que tu ailles, il y a des emmerdes qui t’attendent. Et c’est génial. Le truc, c’est de ne pas les fuir, c’est d’identifier les emmerdes motrices, celles qui t’insufflent l’envie de foncer.
Préparer son ado à être responsable et autonome, c’est se préparer à son départ prochain du nid. Une autre source d’angoisse pour les parents qui sentent l’appréhension du vide futur. Tout est question d’état d’esprit.
On peut le vivre comme une perte ou/et retour à soi. C’est le temps pour les parents de revenir à eux-mêmes, à leurs propres désirs et envies.
Car avant d’être mère ou père, nous sommes avant tout des femmes et des hommes en quête de soi et de notre propre épanouissement.
N’oublions pas que nous leur servons d’exemple tout au long de leur vie !
Source : Ambre Franrenet Cazaudehore & Jade Cazaudehore, « Parents-Ados, comment se parler sans déclencher la 3ème Guerre Mondiale ? », éditions Josette Lyon, 2018
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