L’intelligence émotionnelle se définit comme étant la capacité à reconnaître, exprimer et gérer ses réactions émotionnelles et sociales.
Ces deux intelligences sont intimement liées l’une à l’autre. Car plus on comprend ce qu’il se trame en soi, mieux on saisit les sentiments et le comportement de l’autre.
Depuis 30 ans, son ouvrage reste la référence et se voit complété par d’autres publications comme celle du Dr Bernard Anselem.
Chercheur en neuropsychologie, médecin spécialisé en imagerie médical et enseignant à l’université Savoie Mont Blanc, Bernard Anselem, a publié en 2021 «Ces émotions qui nous dirigent» (Alpen).
Forts de ce bagage, que devons-nous comprendre et connaître de l’intelligence émotionnelle?
Pour cela, il faut d’abord s’intéresser au cerveau, ou plutôt à nos cerveaux. Celui qui pense et celui qui raisonne.
Un cerveau pour deux esprits
Dans notre cerveau logent deux esprits.
Le premier, qui dépend du néocortex, est l’esprit rationnel, réfléchi et analytique. Nous nous identifions aisément à lui, car il est celui qui nous apparait le plus clairement à la conscience.
Le second, qui dépend du système limbique, est l’esprit émotionnel. Il est impulsif, puissant et parfois illogique.
Les poètes et dramaturges aiment opposer ces deux esprits, incarnant chacun le cœur et la raison. Il n’en est pourtant rien, car ces deux esprits sont étroitement liés. Ils collaborent généralement en parfaite harmonie. L’esprit émotionnel alimente l’esprit rationnel en données, et ce dernier trie, garde ou rejette ces données.
Les fois où la sécession se produit, c’est lorsque l’esprit émotionnel domine la scène et bouche la vue au rationnel.
C’est notamment le cas face à un grand danger. Il n’est plus le temps de raisonner, mais de courir.
Idem quand sous la colère, on s’emporte avec les mots ou les mains. En fait, ce cas de figure advient toutes les fois où notre esprit, à tort ou à raison, s’est emballé.
Comment d’un point de vue neuronale, notre raison s’efface-t-elle devant l’émotion?
Les émotions sont les premières enfants du cerveau, elles apparaissent sitôt que le cerveau reçoit des signaux sensoriels. Or, quand la situation est forte, les signaux sensoriels sont forts, ils atterrissent directement dans l’amygdale, le centre du système limbique. Ce centre sonne l’alarme dans le cerveau, bloquant totalement le néocortex.
Et c’est pourquoi de nombreuses personnes affirment ne pas comprendre leur pétage de plomb et disent ne pas se reconnaître.
Heureusement, ces moments sont rares. Durant la grande majorité de notre vie, les émotions passent par la case du néocortex.
Le cerveau, un modérateur émotionnel
Les émotions naissent dans le cerveau qui les conçoit à partir des informations issues de l’extérieur. L’information sélectionnée est alors filtrée, traitée et délivrée en dernier lieu à notre conscience sous forme d’émotion.
Issues d’un mécanisme cérébral inconscient, il est illusoire de penser que nous pouvons gérer les émotions positives comme négatives.
Nous pourrions objecter que même si nous ne sommes pas les créateurs des émotions, nous pouvons les maîtriser. Soit en décidant de les nier, soit en les stoppant en se
forçant à adopter un nouvel état d’esprit. Sauf que, là encore, c’est une illusion.
En luttant contre sa colère, sa tristesse ou
sa jalousie, on ne fait qu’attiser et entretenir ces sentiments par des pensées culpabilisatrices, des souvenirs désagréables et des projections pessimistes.
C’est par son rôle de modérateur émotionnel que nous prenons conscience que le cerveau est un précieux allié.
Effectivement, à moins que nous ne vivions une rupture amoureuse,
un deuil où la charge émotionnelle est très lourde, les émotions négatives ne durent en réalité que quelques secondes ou minutes.
Le problème quand nous décidons de lutter contre les émotions est que nous tombons dans le cycle du
ressassement mental. Ce faisant, nous saturons les capacités naturelles de régulation du cerveau. Et au lieu de ne durer que quelques minutes, les émotions de
stress, d’irritation et autres se prolongent sur des heures, voire des journées. C’est ainsi qu’on bascule dans un état d’esprit morose et taciturne.
Il faut donc apprendre à
lâcher prise pour laisser faire le cerveau. Un réel challenge dans une
société où le contrôle est exalté.
Avant de comprendre comment utiliser à bon escient notre cerveau, sur quoi repose l’intelligence émotionnelle?
Daniel Goleman évoque ici les travaux de Peter Salovey et John D. Mayer qui ont défini l’intelligence émotionnel selon quatre critères.
Quels sont les 4 piliers de l’intelligence émotionnelle?
La conscience et la maitrise de soi
Le premier pilier de l’intelligence émotionnelle est la conscience de soi.
Cela signifie que nous sommes à la fois conscients de notre humeur et des pensées qui l’accompagnent. Par exemple, si nous nous sentons de mauvaise humeur et sommes conscients d’être agressifs gratuitement, nous allons essayer de nous calmer. Si nous avons peur d’une décision mais savons que c’est la bonne, on va s’encourager.
Durant ces instants, c’est comme si étions capables de vivre notre expérience à la troisième personne. Cette capacité est essentielle à la
compréhension de soi et à l'intuition psychologique. Elle nous aide à mieux comprendre les conséquences de nos comportements et à prendre de meilleures décisions.
Ceux qui ne la possèdent pas sont totalement soumis à leurs émotions.
Le second pilier est la maîtrise de soi
L’art du self control est la capacité à adapter ses émotions en fonction du contexte. Il ne s’agit pas de contrôler ou d’éviter ses sentiments, puisque cela est impossible. Il s’agit de savoir canaliser et contenir les émotions dites négatives pour éviter d’exploser ou de tomber dans un ressassement mental.
Maîtriser ses émotions c’est donc non pas les ressentir, mais de les limiter dans le temps et l’intensité.
Pour rappel, une bonne
santé mentale ne repose pas exclusivement sur les émotions positives, mais sur un juste équilibre. On peut être très bien dans sa tête et éprouver des moments de colère ou de tristesse.
L’automotivation et l’empathie
L’automotivation est la capacité à savoir ajuster ses émotions pour être capable de se concentrer et se motiver. Ceux qui maîtrisent cette capacité sont particulièrement efficaces pour prendre des décisions et entreprendre. Le quotient émotionnel est aussi précieux que le quotient intellectuel.
Pour cette particularité, la première démarche consiste à comprendre quelles tendances émotionnelles nous aident à bouger. Ou encore à contrôler nos pulsions et envies immédiates pour atteindre un but futur.
Les deux principales tendances émotionnelles pour s’automotiver sont la peur et le plaisir.
La peur de connaître l’échec par exemple. C’est notamment le cas de ceux qui ont réussi et redoutent un déclassement social. Ils mettent les bouchées doubles pour conserver leur acquis.
Toutefois la peur n’est un bon moteur que si elle est dosée. Trop de peur ne contribue qu’à nous inhiber.
Le moteur le plus efficace pour s’automotiver reste le plaisir éprouvé additionné au frisson du défi. Combiner ces deux émotions est la recette pour
entrer dans le flow. A savoir un état de concentration suprême qui nous fait oublier ce qu’il se passe autour de nous.
Les optimistes savent particulièrement bien couler dans le flow. Sur le plan émotionnel, la posture optimiste est la plus intelligente. Convaincu que tout finit par s’arranger, l’optimisme est protégé de l’apathie ou du sentiment d’impuissance.
L’empathie est le quatrième et dernier pilier. Elle est la capacité à percevoir et comprendre les émotions d’autrui.
L’empathique reconnaît l’état d’esprit d’une personne par
le langage corporel. Un langage non verbal qui se traduit par le ton de la voix, les gestes ou l’expression du visage.
Une fois connus, comment améliorer ces piliers afin de mieux gérer les émotions.
Quelles pistes permettent d’améliorer son quotient émotionnel?
Trois pistes pour sortir des émotions négatives
Que cela soit la colère, l’anxiété et même la tristesse, trois pistes permettent de ne pas les voir s’envenimer ou s’éterniser.
La première consiste à se calmer physiologiquement. Selon les natures, cela va être d’aller se promener d’un bon pied pendant 30min ou 2h. D’aller courir ou faire n’importe quel sport.
Pour les plus calmes, un moment pour respirer dans un endroit calme suffira aussi. Le but est de se calmer.
La seconde méthode consiste à se distraire l’esprit en s’amusant ou s’apaisant. Cela peut être de regarder une série, lire un bouquin, téléphoner à une amie etc.
Quand ces deux méthodes ne fonctionnent pas, il reste à faire l’autocritique de son esprit.
Très souvent, ce qui alimente la colère ou le
stress est un enchaînement de pensées faites de suppositions infondées. Résultat, le cerveau bouillonne.
Pour désamorcer ce process, il suffit d’introduire une pensée plus apaisante, et regarder la situation donnée sous un autre angle.
Par exemple, imaginons qu’en voiture, quelqu’un nous fasse une queue de poisson. Quelques secondes après, la voiture derrière nous klaxonne parce qu’on a ralenti. Bref, cette situation tape sur les nerfs et donne envie de pourrir le fautif. Sauf qu’en ruminant la colère, on la nourrit jusqu’à en devenir irritable et crétin.
Le processus de l’autocritique consiste à imaginer que le conducteur imprudent avait une bonne raison d’agir ainsi. Il pouvait, par exemple, amener son enfant à l’hôpital en urgence.
Que cela soit vrai ou faux importe peu, cette pensée est apaisante et désamorce la colère.
Cette méthode est à prescrire aux nerveux et aux anxieux, qui doivent passer au crible de l’analyse leurs pensées anxiogènes. Très souvent, elles reposent sur des suppositions et non des faits. Elles en deviennent énergivores et stériles.
Pour comprendre comment appréhender les émotions, terminons avec une métaphore taoïste.
Métaphore taoïste
Issu de la pensée chinoise, le tao désigne apprend que les opposés ne sont pas antagonistes mais complémentaires, et même, interdépendants. Ainsi, une figure symbolise la voie du tao, c’est le
Yin et le Yang.
- Le Yin est une force centripète, c’est-à-dire ce qui pousse vers l’intérieur. C’est donc une énergie qui nous invite au repli, à la passivité.
- Le Yang est une force centrifuge, c’est-à-dire ce qui pousse vers l’extérieur. C’est donc une énergie qui nous invite à l’action.
Pourquoi utiliser cette figure du Yin-Yang ?
Parce que dans un premier temps, l’intelligence émotionnelle suppose d’être dans une posture passive, où nous acceptons les
émotions, c’est-à-dire en les vivant pleinement. C’est dans un second temps seulement, que nous pouvons «être Yang» et passer à l’action pour se mettre dans un autre état d’esprit.
Evidemment, attention à ne pas passer trop vite à l’étape active, au risque de ne pas avoir laissé le
temps à l’émotion de s’exprimer totalement.
Il faut essayer d’avoir la posture la plus neutre possible face à une émotion que l’on trouve gênante ou coupable. Comme dit plus haut, plus on résiste, plus la gêne persiste.
Dans les situations où nous sommes régulièrement confrontés à des émotions irritables ou stressantes, il est nécessaire de s’interroger sur l’origine de notre frustration.
Par exemple, on peut être énervé de ne pas être capable de tenir une routine sportive. On peut s’interroger sur la pertinence de ces objectifs en se demandant s’ils ne sont pas trop ambitieux en termes d’intensité ou de temps donné.
Dans tous les autres cas, pour changer d’état d’esprit, il faut se changer les idées en se faisant plaisir. La vie étant assez compliquée comme cela, il est important de ne pas les bouder.
Source: Daniel Goleman, l’intelligence émotionnelle, éditions J’ai lu, 2014
Dr Bernard Anselem, Ces émotions qui nous dirigent, éditions Alpen, 2021